L'affaire remonte à 2005, suite au rejet de la demande d'équivalence à un Diplôme de Spécialité en biologie médicale selon une formation spécialisée. La Commission sectorielle d'équivalence, seule habilitée à octroyer des équivalences, a jugé que l'attestation présentée par la postulante ne satisfaisait pas aux critères en vigueur. Contre toute attente, la postulante obtient l'annulation du rejet après avoir recouru à la Justice. Le ministre a procédé par arrêté à l'octroi de l'équivalence, comme publié dans le Bulletin officiel du 27/01/2011. Les pharmaciens biologistes décident d'ester en Justice pour faire annuler cette décision. L'affaire remonte à juin 2005 : le 29 juin, une postulante avait demandé une équivalence au Diplôme de spécialité Médicale, le DSM. Avec cette demande, la postulante, titulaire d'une attestation de formation médicale Spécialisée, l'AFS, saisit le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en vue d'obtenir cette équivalence dans la perspective d'ouvrir un laboratoire d'analyses médicales. Jusque-là, rien de bien anormal, mais les choses se compliquent quand la Commission qui étudie sa demande, la prie de présenter ses diplômes. Or, la postulante n'a fourni que l'AFS et non le DES, comme l'explique le Pr. Mohammed Omari, président du Conseil des pharmaciens biologistes. Le dossier a suivi le circuit normal, c'est-à-dire qu'il a été adressé par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique à la Faculté de pharmacie et de médecine à Rabat pour avis. Ladite Faculté étant la seule habilitée à statuer sur pareil dossier. Le 31 octobre 2005, la Faculté a émis un avis défavorable à la demande de la postulante, recommandant au ministre de ne pas retenir la demande d'équivalence. Et pour cause, la postulante n'a pas présenté le diplôme qu'elle affirme détenir, à savoir un diplôme de spécialité médicale en biologie. Et la loi est claire dans ce sens. En effet, la loi 12/01 du 3 octobre 2002 relative aux laboratoires privés d'analyses de biologie médicale, mentionne clairement dans son article 4, alinéa 3, «que nul ne peut être admis à ouvrir, exploiter et diriger un laboratoire d'analyses médicales s'il n'est titulaire du diplôme de spécialité médicale… délivré par l'une des facultés marocaines ou d'un diplôme d'une Faculté étrangère reconnu équivalent». Ainsi, suite à l'avis de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, la Commission sectorielle «santé» au sein du ministère s'est réunie et a confirmé l'avis défavorable de la Faculté à tout octroi de l'équivalence à la postulante. Notamment pour avoir constaté légalement que l'attestation présentée ne satisfait pas aux critères requis pour l'équivalence avec un diplôme national. Suite à cette décision, la postulante reçoit la réponse du ministère qui lui dit qu'effectivement il s'agit d'une formation et non pas d'un diplôme universitaire, de même que la durée de formation est nettement inférieure à la durée que requiert un diplôme de spécialité biologique. Une formation … non diplômante En plus de la non-présentation d'un DSM à la Commission sectorielle d'équivalence de diplômes, l'une des raisons majeures du rejet de la demande de la postulante est que cette AFS, dont la postulante est titulaire, est une sorte de formation partielle que l'Etat français ouvre aux diplômés qui n'appartiennent pas à la communauté européenne et qui sont déjà en cours de spécialisation, intégrée par la suite dans leur cursus. Cette formation dure entre un et deux ans, or le DSM ou le DES durent 4 ans avec concours pour y accéder, et surtout un examen final national. Ce qui n'est pas le cas pour une formation médicale spécialisée qui est, de surcroît, non diplômante. Pour le cas d'un Marocain qui désire suivre une telle formation, il doit être en cours de spécialité dans une Faculté marocaine pour pouvoir prétendre à cette AFS, sur recommandation d'un tuteur. En effet, le texte français dans ce sens est clair : l'article 2 de l'Arrêté du 8 juillet 2008, actualisé en 2009, concernant l'attestation de formation médicale spécialisée et diplôme de formation médicale spécialisée approfondie, indique que : peuvent s'inscrire à une Attestation de formation spécialisée (AFS) les médecins et les pharmaciens visés à l'article premier, titulaires d'un diplôme de médecin ou de pharmacien permettant l'exercice de la profession dans leur pays d'origine ou le pays d'obtention du diplôme et en cours de formation médicale ou pharmaceutique spécialisée. Et la demande d'inscription pour un Marocain ou tout étranger de l'espace UE, doit être munie d'une lettre du responsable de l'établissement national précisant les objectifs pédagogiques à atteindre en France, et la validation de cette formation dans le cadre de la spécialisation préparée à l'étranger. Or, la postulante n'aurait fourni aucun document attestant qu'elle est inscrite en spécialité ou qu'elle a un DSM. D'où l'étonnement du Conseil des pharmaciens biologistes : comment a-t-elle pu accéder à cette formation ? Cette zone d'ombre a notamment motivé l'avis défavorable à sa demande. Jusque-là, on croit que le dossier est clos. La postulante revient à la charge Nous sommes en 2007. Après avoir suivi un nouveau cursus non sanctionné par l'obtention d'un diplôme, l'intéressée saisit une fois de plus la Commission sectorielle. N'ayant pas présenté un DSM en bonne et due forme, sa demande se voit une fois de plus rejetée. L'on apprend d'une lettre adressée au ministre de l'Enseignement supérieur par le Conseil, la Chambre et l'Association des biologistes, que l'intéressée, après ce deuxième rejet, va solliciter du ministère la saisine de la commission supérieure des équivalences en vue d'un réexamen de son dossier. À l'appui de sa demande, l'intéressée ne se présente plus comme titulaire d'un DES, mais d'un simple «enseignement théorique et pratique de modules de DES de biologie médicale». Cette Commission supérieure confirme la décision, à savoir pas d'équivalence. Après avis, le ministère informe l'intéressée que l'attestation produite par elle ne satisfait pas aux critères requis pour l'équivalence. Quand la Justice s'en mêle ! Non satisfaite des voies de recours et donc de la décision de la Commission supérieure, la postulante décide de porter l'affaire devant la Justice et attaque le ministère et ses commissions devant le tribunal administratif pour annulation du rejet de son dossier. Dans son dossier, elle présente une attestation d'équivalence délivrée par une enseignante de biologie médicale à Casablanca. Sachant que cette personne n'est ni assermentée, ni habilitée à délivrer une équivalence de diplôme, le tribunal a décidé tout de même que le rejet pur et simple de l'équivalence n'était pas légal. Pour le tribunal, la Commission devait se contenter d'exiger la satisfaction par l'intéressée à l'une ou plus des conditions prévues à l'article 6 du décret régissant le travail des commissions sectorielles, à savoir : accomplir avec succès une formation complémentaire, en validant certaines matières, cours ou modules d'enseignement; effectuer et valider un ou plusieurs stages; subir des examens d'évaluation des connaissances et des aptitudes ou des tests; subir un entretien avec une commission composée de spécialistes. Le juge s'invite ainsi à juger le travail d'une commission mise en place par un Décret, et qui est, par la loi, seule habilitée à prononcer l'équivalence. L'article 5, en effet, donne à la commission le droit de rejeter une demande s'il est constaté que le diplôme présenté ne satisfait pas aux critères requis pour l'équivalence avec un diplôme national. Que dire quand il s'agit d'un diplôme de spécialité médicale ! D'autant plus que ladite commission, dans le cas présent, qui a rejeté la demande de l'intéressée, est constituée de quatre doyens de Facultés de médecine et de deux représentants des Conseils de l'Ordre de médecine et de pharmacie ! Entre temps, l'enseignante ayant octroyé à l'intéressée une attestation d'équivalence, s'est rétractée en signant un nouveau document. Dans sa nouvelle attestation, l'enseignante de biologie médicale reconnaît que «son attestation ne concerne que le contenu et la durée de la formation et qu'elle ne peut en aucun cas interférer avec la législation en vigueur, et donc avec les décisions de la commission nationale des équivalences du ministère de l'Enseignement supérieur, seule habilitée en la matière». Curieusement, le tribunal de première instance ignorera la deuxième attestation, mais également les avis précédents des commissions sectorielle et supérieure. Et l'on n'est pas à une zone d'ombre près, puisque le ministère, qui pourvoit en appel, voit le verdict confirmé en appel et même par la Cour suprême. «Suite au verdict de la Cour suprême, la Commission sectorielle s'est réunie répondant favorablement au réexamen du dossier de l'intéressée et a une fois de plus demandé à ce que celle-ci fasse parvenir le DSM ou tout diplôme étranger équivalent dont elle atteste qu'elle est titulaire. Or, la postulante n'a fourni aucun document dans ce sens !», explique, dépité, le président du Conseil des pharmaciens biologistes. Coup de théâtre Et puis, douche froide ! La profession découvre avec indignation et étonnement que la postulante a pu avoir son équivalence. En effet, dans le Bulletin officiel N° 5912 du 27 janvier 2011, l'équivalence est octroyée par arrêté ministériel, n° 94.11, ledit arrêté qui s'est basé sur le Décret 2.01.333, sur la « décision » de la Cour suprême et sur le PV d'une Commission spéciale d'équivalence datant du 7 janvier 2011. Pour le Conseil, cette décision n'est pas fondée. D'abord, parce que la loi sur les équivalences exige la présentation d'un diplôme. Deuxièmement, la décision de la Cour suprême, décriée d'ailleurs, est de réexaminer le dossier et non pas l'octroi de l'équivalence. Mais le grand étonnement du Conseil et des membres de la Commission sectorielle émane de l'appellation de commission «spéciale». «Je ne connais pas cette commission et je n'ai pas eu connaissance du PV de cette réunion du 7 janvier à laquelle on n'a pas été convié en tant que Conseil de l'ordre. Or, la loi est claire en matière d'équivalence des diplômes et exige notre présence dans pareilles réunions pour émettre notre avis», précise le président du conseil des pharmaciens biologistes. La communauté des pharmaciens biologistes est tout simplement hors d'elle. D'abord, un jugement qui l'a outrée vu qu'il fait fi de la décision d'une commission où siègent 4 doyens de Facultés de médecine et pharmacie, en plus de représentants des Ordres de médecine et de pharmacie. Puis, le coup de grâce a été donné par le ministre de l'Enseignement supérieur. Face à cette situation, que les professionnels qualifient de réelle dérive, la profession a décidé de porter plainte en Justice contre la décision du ministre. «Voyez par vous-mêmes tous les éléments du dossier qui est maintenant devant la Justice ! Cette situation étonnante nous a poussés à porter plainte pour défendre et la profession et la santé des citoyens … Et faire annuler la décision du ministre. Nous restons très confiants dans la justice marocaine parce que nous sommes d'abord, certains qu'elle va relever que la décision du ministre n'est pas fondée. Et ensuite, que son jugement en tant que Cour, elle l'a exprimé en étant induite en erreur», conclut le Pr Omari. L'inquiétude émane du fait que nombreux sont ceux munis d'attestation, et qui n'ont pas pu obtenir de diplômes, et qui pourraient engager des actions d'équivalence pour l'ouverture de laboratoires d'analyses médicales, au mépris des dispositions claires de la loi N° 12-01 du 3 octobre 2002. De plus, pareille décision, si elle venait à être appliquée, ouvrirait la voie aux équivalences au rabais pour toutes les autres spécialités médicales. Ce qui représente un grand danger pour la santé du citoyen. La première séance de ce procès qui oppose les professionnels au ministre s'ouvrira le 14 avril 2011. Affaire à suivre !