La flexibilité et la diversification de l'offre seront nécessaires» La proportion de ménages investissant en Bourse est proche de zéro. Quoiqu'il n'y ait pas de forte corrélation entre les Bourses du MENA, il semble que celle de Casa a subi tout de même les effets des évènements survenus à Tunis, au Caire et à Tripoli. Le point avec Foued Ayari, professeur de Finance à l'American University of Paris, consultant pour plusieurs banques et ancien analyste au New York State Banking. - Finances News Hebdo : Pensez-vous que les événements survenus à la Bourse du Caire et de Tunis ont été bénéfiques pour la place de Casablanca ou, au contraire, que cela a poussé les investisseurs à bouder cette dernière ? - Foued Ayari : Les Bourses de Tunis et du Caire sont actuellement presqu'à leur plus bas niveau depuis un an, alors que la Bourse de Casa n'est pas loin de son niveau le plus haut depuis un an. Cela dit, à mon sens, quoi qu'il n'y ait pas de forte corrélation entre les Bourses du MENA, il semble que celle de Casa a subi tout de même les effets des évènements à Tunis, au Caire et à Tripoli, car à défaut de corrélation entre les places boursières, il y a une corrélation entre les civilisations, l'histoire et les peuples. Et donc cela se matérialise, en général, par une plus grande aversion pour le risque au niveau régional et la Bourse de Casa en a fait les frais, quoique remarquablement limités. D'ailleurs, on peut faire le parallèle avec le tourisme. La chute du tourisme en Tunisie et en Egypte a bénéficié à l'Espagne et à d'autres destinations principalement, et au Maroc, mais à un degré moindre. Il y a eu donc de l'hésitation, du «wait and see», mais le mouvement est en général à la hausse pour ce qui concerne le Maroc. Cela se voit d'ailleurs par le fait que les agences de notation américaines Moody's, Fitch, Standard and Poor's, n'ont pas jugé nécessaire une baisse de la note du Maroc, comme ils l'ont fait pour la Tunisie et l'Egypte. Cela se voit aussi par le coût de la protection (Credit Default Swap) sur l'Egypte et la Tunisie. Etant donné ces événements régionaux et les périodes de transition qui mettront du temps (notamment du fait que la Tunisie est aussi touchée par la Lybie au niveau des réfugiés, je pense que la Bourse de Casa bénéficiera d'une envolée bientôt. - F.N.H : On a remarqué dernièrement une baisse des volumes échangés à la Bourse de Casablanca. Quelles en sont les causes, à votre avis ? - F.A : Les causes sont multiples et à des degrés différents. Elles sont régionales (Egypte/Tunisie/Lybie). Elles sont dues aussi à un phénomène saisonnier, ainsi qu'à un moindre degré de la reprise, plutôt lente, sur le continent européen. - F.N.H : Quels sont, à votre avis, les outils qui peuvent éventuellement renforcer la liquidité au niveau de la Bourse de Casablanca ? - F.A : Pour qu'il y ait plus de liquidité, il faut qu'il y ait une plus grande offre de titres, une confiance dans le retour au «trend» haussier observé, et une motivation pour attirer l'épargne des ménages en plus des institutionnels. - F.N.H : Quelles sont les mesures pouvant être mises en place afin de rendre la Bourse de Casablanca plus attractive ? - F.A : Une Bourse est attractive sur la culture de la Bourse auprès des investisseurs, la perspective de gains futurs (après impôts), la liquidité ainsi que la transparence. Je pense que cela est en marche en ce qui concerne le Maroc (par exemple le PEA). - F.N.H : Croyez-vous que les plans d'épargnes actions, mis en place dernièrement, soient suffisants pour doper la place financière de Casablanca ? - F.A : Suffisants non, mais nécessaires, oui. Cela permettra de doper l'investissement en Bourse, mais je pense que cela devrait être accompagné de mesures visant à augmenter la liquidité de la Bourse de Casa telle qu'une plus grande offre d'OPCVM, une plus grande réduction d'impôts ou une durée de blocage des fonds plus courte. En France, cela a encouragé l'investissement en Bourse car jumelé avec des avantages fiscaux, mais le marché marocain est plus dynamique car émergent. Donc, ramener la période de 5 à 4 ans devrait constituer un stimulus supplémentaire, surtout que la proportion des ménages investissant en Bourse est proche de zéro (0,5%, ou environ 30.000 ménages) contre 20% en France (qui, elle-même, connaît un taux bas comparé aux pays anglo-saxons). Il est clair aussi que cela présentera une aide en terme de financement, plutôt que de laisser cela à la finance indirecte, ce qui, à terme, exercera une pression sur les taux d'intérêt. La flexibilité et la diversification de l'offre seront nécessaires (en plus d'un appui commercial et pédagogique). Dossier réalisé par W. M. & C. J.