L'inauguration de la première clinique privée des maladies psychiatriques a été un réel défi face à la rigidité de la loi. Yasmina Baddou, ministre de la Santé, estime que beaucoup de réalisations ont été enregistrées, mais que le chemin à parcourir est encore long. - Finances News Hebdo : La loi est très rigide en matière de création d'unités privées de prise en charge des maladies psychiatriques. Peut-on dire que l'ouverture de la première clinique privée à Casablanca augure d'une plus grande ouverture de cette discipline au privé ? - Yasmina Baddou : L'ouverture d'une pareille clinique est une première dans notre pays. Elle augure d'une nouvelle ère qui est celle du privé qui s'investit dans l'hospitalisation et la prise en change dans un milieu hospitalier des maladies psychiatriques. La psychiatrie comporte certaines spécificités par rapport à d'autres disciplines médicales, voilà pourquoi il y a eu des entraves juridiques et administratives que nous avons dû lever. Nous avons pour lever tous ces obstacles et, avec le Dr Tyal fort heureusement, pu, surmonter toutes ces difficultés pour voir naître cette nouvelle structure dédiée à la psychiatrie. En effet, il fallait assurer la meilleure qualité des soins et de sécurité également. - F. N. H. : Des annonces ont été faites sur l'augmentation de la capacité de prise en charge des maladies psychiatriques. Qu'en est-il de la formation ? - Y. B. : Nous avons un plan d'action s'étalant sur cinq ans et parmi les priorités que nous nous étions fixées figure la psychiatrie. Et nous avons d'ailleurs mis en place un plan d'action «Santé mentale» auquel tout le monde a participé, notamment le professeur Moussaoui, le chef du service psychiatrique au CHU Ibn Rochd de Casablanca. Ce plan d'action en comporte plusieurs, notamment celui des ressources humaines. En effet, le constat fait ressortir un manque de ressources humaines pour les capacités actuelles du fait que nous ne formions pas assez de psychiatres ni de personnel soignant, sachant que dans la psychiatrie nous avions besoin du double du personnel paramédical par rapport à une autre discipline médicale. Et pour pouvoir augmenter la capacité des soins des malades, il fallait y aller progressivement, au fur et à mesure que les ressources humaines se développaient pour cette discipline. Je vous donne un exemple, celui de la région Souss Masa Draâ qui ne compte aucune unité de prise en charge psychiatrique. Donc, il y a un minimum qu'il faut offrir aux différentes régions. L'autre volet très important et sur lequel nous avons travaillé avec le professeur. Rajaa Sbihi, est la création de la pédopsychiatrie dans notre pays. En effet, on avait tendance à oublier les troubles dont peuvent être victimes les enfants. Et puis nous avons des adolescents qui sont confrontés à d'autres difficultés et à un autre environnement plus complexe et, par conséquent, nous avons de ce fait de plus en plus d'adolescents qui sont en souffrance. Des souffrances qui peuvent être allégées en ambulatoire sans avoir recours à l'hospitalisation. Et pour la première fois nous avions ouvert le service de pédopsychiatrie. La Chaire a été ouverte à la Faculté de médecine de Casablanca et le service a démarré avec l'appellation «Unité» avant de devenir un vrai service. Nous avons également un mécène qui nous accompagne pour construire un très grand service de pédopsychiatrie pour prendre en charge les enfants. - F. N. H. : Et pour ce qui est de l'achat de médicaments ? - Y. B. : Nous avons augmenté l'achat de médicaments destinés à la psychiatrie, notamment pour les schizophrènes. Et une première au Maroc, nous sommes d'ailleurs le seul pays arabe à l'avoir fait, concernant l'addictologie : nous avons introduit un médicament de substitution à l'héroïne, la méthadone, sous surveillance médicale, bien évidemment. Ce médicament réduit la dépendance des patients jusqu'à les soigner et c'est une grande première ! Nous avons la chance d'avoir d'éminents professionnels de la médecine psychiatrique qui nous accompagnent et qui nous aident. Et je peux vous dire que le chemin est long mais nous avons pu réaliser beaucoup de choses grâce à cette mutualisation d'efforts.