* La mise en place de l'AMO est loin d'être maîtrisée en cancérologie du fait que les cancérologues n'ont pas été associés à sa mise en place. * A titre d'exemple, un cancer du sein localisé coûterait entre 50 et 60.000 DH pour 6 mois de traitement, contre 2 à 3 fois plus si la maladie était disséminée. Imaginez le désarroi d'un patient qui doit en supporter 30 %. * Les centres de soins manquent et sont de surcroît mal répartis, puisqu'un cinquième projet de centre existe actuellement au niveau de Rabat, tandis que d'autres villes n'en ont aucun. * Les patients atteints de pathologies de longue durée, et notamment ceux atteints de cancer, devraient être, comme la loi le prévoyait, exonérés de toute participation aux frais ! Finances News Hebdo : Avant l'avènement de l'AMO, comment la couverture médicale prenait-elle en charge les affections longue durée, notamment le cancer (Taux de remboursement et durée de traitement des dossiers)? Mounir Bachouchi : En matière de cancérologie, avant l'AMO, la couverture était assurée par la CNOPS, les assurances privées, les caisses de différents organismes et surtout par les ménages ! Car en fait, en dehors de la CNOPS, qui a depuis toujours accompagné les patients atteints de cancer en leur fournissant les médicaments anti-cancéreux et une couverture partielle des soins, les autres organismes voyaient leurs remboursements limités par des plafonds ridiculement bas de l'ordre de 40.000 DH/an en moyenne, couvrant souvent l'acte chirurgical seulement ! Concernant la durée de traitement des dossiers, les délais avaient atteint des profondeurs abyssales ! F. N. H. : Depuis l'avènement de l'AMO, l'ANAM, la CNSS et la CNOPS multiplient les points de contact en information avec les praticiens, mais à ce stade, peut-on prétendre à une parfaite maîtrise des dispositifs de l'AMO par les praticiens et les patients ? M. B. : La mise en place de l'AMO est loin d'être maîtrisée dans le domaine de la cancérologie ! Les cancérologues n'ayant pas été associés à sa mise en place, de nombreux oublis et négligences ont été commis. La liste des médicaments initiale était obsolète et complètement dépassée. Il a fallu que les oncologues se mobilisent massivement pour que cette liste soit reconsidérée et largement révisée. Concernant les prestations, des négociations sont actuellement en cours pour les remettre à des niveaux plus décents. Cependant, même si la même loi régit l'AMO, deux organismes, la CNSS et la CNOPS, l'interprètent différemment. La CNOPS continue de fournir les médicaments et paie les prestations selon les tarifs AMO pour la chimiothérapie et les anciens tarifs pour la radiothérapie.... Quant à la CNSS, elle applique une clause de la loi régissant l'AMO, en ne remboursant que 70 % des frais engagés lorsque les patients sont pris en charge dans des structures privées ! On imagine facilement le désarroi des patients, atteints d'affections de longue durée ( ALD), qui en principe devraient être totalement pris en charge, qui doivent débourser 30 % de frais souvent très élevés du fait des prix des médicaments. F. N. H. : A votre avis, l'AMO améliorera-t-elle la vie des malades? M. B. : Concernant les adhérents de la CNOPS, l'AMO n'a pas apporté grand-chose tant la couverture initiale était relativement correcte. Pour la CNSS, il y a un mieux dans le sens où les adhérents sont partis de rien, mais le fait de supporter 30 % d'une facture comportant une pharmacie très onéreuse revient à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre ! Il faut, en matière de cancérologie, aborder le problème dans sa globalité et ne pas se tromper de cible en identifiant les problèmes à la source. Il s'agit d'une des maladies les plus lourdes à gérer tant au niveau du patient et de sa famille que du personnel soignant. Les progrès sont là, tangibles, accessibles, réalisables avec un minimum de bon sens et d'organisation. Le progrès suppose une mise à niveau continuelle des centres de soins et une formation continue du personnel médical et paramédical; il suppose aussi d'offrir aux patients les soins et traitements les plus efficaces et les plus adaptés sans avoir à tenir compte de leurs niveaux socio-économiques. Tout citoyen a droit à des soins de qualité, le nivellement doit se faire par le haut et ne pas transformer cette réalisation grandiose que pourrait être l'AMO en un simulacre de couverture sociale purement démagogique ! Les patients atteints de pathologies de longue durée et notamment les patients atteints de cancers devraient être, comme la loi le prévoyait, exonérés de toute participation aux frais ! Finalement, en tout et pour tout et malgré l'absence de chiffres exacts, il n'y a que 15 à 20.000 nouveaux cas qui seraient traités par an sur les 40.000 cas attendus ! Les statistiques, de la CNOPS notamment, démentent de façon nette les rumeurs qui entourent la prise en charge du cancer au Maroc en le désignant comme budgétivore et menaçant les équilibres financiers des organismes de prévention sociale: le cancer coûte à la société 15 à 20 fois moins que la cardiologie ou la néphrologie, mais son coût reste insupportable à l'échelle d'un individu ! La prise en charge d'un patient atteint de cancer devrait être réglée entre les prestataires de soins et les organismes de couverture sociale. Le patient, ayant déjà fort à faire face à ce fléau, devrait être épargné ! F. N. H. : Au-delà de la couverture médicale qui reste insuffisante, le manque de centres de soins n'aggrave-t-il pas la situation des malades ? M. B. : Certainement ! Les centres de soins manquent, certes, mais ils sont surtout mal répartis! L'Etat doit mettre en place rapidement une carte sanitaire afin de rationaliser l'installation de nouveaux centres, imaginez qu'à Rabat, il y a 4 centres opérationnels et qu'un 5ème ( semi public) est en projet ! Alors que Fès, Meknès, Marrakech, Tanger, Laâyoune.... ne disposent d'aucun !!!! F. N. H. : Peut-on avoir une simulation sur les frais de soins entre médicaments, hospitalisation et analyses pour un cas de malade atteint de cancer ? M. B. : Le coût d'une prise en charge du cancer dépend de plusieurs facteurs: - plus un cancer est vu tôt, moins le coût sera élevé ; - le coût dépend de la localisation tumorale ; - la plus importante part de la facture est en rapport avec les médicaments ; - les prestations médicales sont généralement facturées en dessous de la cotation officielle ; - les prestations en radiothérapie ne tiennent pas compte de toutes les mises à niveau technologiques et humaines réalisées dans de nombreux centres ; - gérer un patient atteint de cancer même par les équipes les plus qualifiées, reste très coûteux humainement. Les soignants laissent un peu d'eux-mêmes avec chaque malade ; tout le monde semble négliger cet aspect qui est probablement la variable la plus difficile à évaluer. Ceci dit, à titre d'exemple, un cancer du sein localisé coûterait entre 50 et 60.000 DH pour 6 mois de traitement, contre 2 à 3 fois plus si la maladie était disséminée ; on peut imaginer ce que représentent les 30 % à la charge du patient