Les mesures contenues dans le projet de Loi de Finances 2011 pour l'élargissement de l'assiette sont nécessaires, mais non suffisantes. Certaines études font ressortir que 30 à 40% du PIB national sont réalisés par le secteur informel. Le passage du régime forfaitaire à un régime IR ou IS se veut également une mesure intéressante pour l'amélioration des recettes. Les mesures phares du projet de Loi de Finances 2011 et la stratégie du nouveau Directeur général des impôts, A. Zaghnoun, révèlent une nouvelle prise de conscience. En effet, il est unanimement reconnu que le cadre traditionnel d'une administration de puissance publique, agissant par voie de contrainte, est aujourd'hui dépassé pour laisser place à une administration de service public, tournée essentiellement vers la facilitation et l'écoute. La conquête du secteur informel se veut désormais une priorité pour élargir l'assiette et répondre à la baisse des recettes fiscales au cours des deux dernières années. En effet, bien qu'elle soit volontariste, la baisse des recettes fiscales (IS et IR) en vue de booster l'économie et améliorer le pouvoir d'achat a poussé le législateur à réfléchir à élargir davantage son assiette fiscale pour subvenir aux besoins du développement économique. Il est toujours utile de rappeler que la baisse de l'IS de 35 à 30 % a coûté à l'Etat un manque à gagner de l'ordre de 2,1 Mds de DH. Alors que la baisse du barème de l'impôt sur le revenu accordée en 2009 et 2010 a engendré une perte de recettes pour le budget évaluée à 5,1 Mds de DH en 2009 et à 4,3 Mds de DH en 2010. Les questions qui se posent d'emblée sont : les mesures contenues dans le projet de Loi de Finances 2011 sont-elles en mesure de contrecarrer l'évasion fiscale ? Hormis l'informel, quelles sont les autres pistes que le Fisc pourrait emprunter pour l'élargissement de l'assiette ? Le concept de secteur informel revêt un contenu différent selon les régions du monde. En Amérique Latine, il désigne des entreprises qui fonctionnent dans la limite de la légalité dans le but d'échapper à l'impôt et à la réglementation. En Afrique, le secteur informel désigne plutôt des micro-unités de production, des entreprises individuelles ayant un faible niveau d'organisation. Assiette et analphabétisme fiscal Le problème de l'informel dans notre pays est très lourd. Il n'y a pas de statistiques officielles, mais certaines études parlent de 30 à 40% du PIB national qui sont réalisés par le secteur informel. «Au Maroc et à l'instar d'autres pays africains, la question de la fiscalité du secteur informel est une question récurrente, et ce pour deux raisons au moins», explique un fiscaliste. D'abord, «les entreprises modernes, sur lesquelles repose une partie importante des recettes fiscales, estiment que la faible fiscalisation de ce secteur le favorise sur le plan de la concurrence. Mais surtout de la part de l'Administration, le niveau élevé de la demande des ressources pour financer le développement et la relative faiblesse de la pression fiscale conduisent à élargir la base fiscale notamment vers l'informel». D'aucuns estiment que l'élargissement de cette base dans ce sens est louable; mais la fiscalité doit obéir à un certain nombre de critères d'optimalité. Un bon impôt doit d'abord minimiser les distorsions économiques et, surtout, ne pas être un frein à l'investissement. Il doit être aussi facile à recouvrer et à un coût raisonnable. Ceci laisse prédire que pour combattre l'informel, le législateur doit passer par la piste d'une fiscalité attrayante. «Aussi, la lutte contre l'informel passe nécessairement par celle de l'analphabétisme fiscal», estime notre fiscaliste. Une entreprise est appelée à savoir qu'en début de son activité, si elle venait à déclarer un exercice déficitaire, elle bénéficie de l'exonération de la cotisation minimale pendant trois ans. Aussi, elle a droit à une exonération de taxe professionnelle pendant cinq ans. Et donc, souvent, par une méconnaissance du système, on reste cantonné dans l'informel. Quelques pistes pour améliorer l'assiette Nombreux sont ceux qui estiment que le secteur agricole devrait être fiscalisé. En effet, les revenus agricoles sont exonérés de l'impôt. Une mesure dont bénéficient, certes, les petits agriculteurs, mais aussi les grands. L'exonération prendrait certainement fin au 31 décembre 2013. Quid de l'après 2013 ? L'ex-directeur des impôts, N. Bensouda, avait laissé entendre lors d'un débat sur la Loi de Finances 2010, qu'une réflexion commune est engagée dans le but d'anticiper le devenir de la fiscalité de ce secteur pourvoyeur de richesse et, surtout, créateur d'emplois. Selon lui, la fiscalité agricole est un métier à apprendre. Et cela passe d'abord par une revue d'expériences étrangères, notamment en Europe. Le passage du régime forfaitaire à un régime IR ou IS se veut également une mesure intéressante pour l'amélioration des recettes. Aussi, l'élargissement de l'assiette fiscale passe par la facilitation de l'accessibilité à la législation fiscale. L'accessibilité des citoyens à la loi fiscale passe par un ensemble de mesures qui doivent être renforcées : la loi doit conserver une cohérence et une simplicité pour être comprise par le plus grand nombre de contribuables ; la documentation fiscale de base est disponible sur Internet, mais un effort de simplification doit être fait pour élargir la diffusion et la rendre plus accessible. De même, il faut poursuivre les campagnes d'information sur les dispositions adoptées dans le cadre de la Loi de Finances de l'année et les généraliser dans les structures locales des impôts et publier la note circulaire relative au code général des impôts. Plusieurs actions de ce genre doivent ainsi être menées pour assurer plus de transparence dans l'établissement des droits et le recouvrement de l'impôt. Aussi, une formalisation des procédures fiscales devrait être initiée pour une application uniforme sur l'ensemble du territoire.