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INTERVIEW (avec Pr Brahim SABOUR, Algologue, UCD-El Jadida) ....SARGASSE JAPONAISE : LA GRANDE MENACE
Publié dans Eljadida 24 le 10 - 08 - 2013

La sargasse japonaise qui est considérée dans les milieux scientifiques comme étant l'une des plus redoutables algues invasives, vient d'être détectée pour la première fois au Maroc, entre El Jadida et Casablanca.
Douée d'un pouvoir reproducteur très élevé, d'une dispersion efficace des rameaux grâce aux flotteurs et surtout d'une croissance très rapide qui peut atteindre 10 cm par jour au printemps, cette algue étrangère qui estconsidérée comme la deuxième cause d'appauvrissement de la biodiversité marine, représente de nos jours une menace effective pour toute la côte Nationale, à commencer par celle d'El Jadida qui risque compromettre son capital en Agar Agar.
Cette découverte de grande importance environnementale et qu'on peut aisément qualifier de véritable sonnette d'alarme, est le fruit des travaux de recherches de l'équipe « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » relevant de la Faculté des Sciences, Université ChouaïbDoukkali d'El Jadida.
Pour en savoir plus sur cette première, nous avons contacté le Professeur Brahim Sabour qui a bien voulu nous éclairer sur ce phénomène.



Q : Comment s'est effectuée cette découverte d'autant plus que la sargasse est une espèce inconnue dans la zone et n'a jamais entamé les côtes Africaines ?

R : Cette découverte, comme vous dites, est le fruit d'un travail de recherche que nous avons entamé récemment au sein de notre Equipe, « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » .Nous avons opté pour une thématique de recherche sur les algues envahissantes etCela se justifie par le manque aigu d'informations concernant la diversité et l'écologie des algues invasives, les voies de cheminement, les vecteurs associés et les implications probables sur les côtes marocaines.C'est donc dans ce cadre là, que nos travaux de recherche sur la flore algale des côtes sur l'axe CasablancaEl JadidaSafi nous ont permis de détecter, pour la première fois au Maroc, la présence de l'algue invasive Japonaise Sargassummuticum avec quelques populations dans leur premier stade d'installation. Les premiers résultats de ces recherches viennent déêtre publiés récemment dans le journal international Aquatic Invasions (Sabour et al., 2013). Cette publication correspond au premier rapport scientifique sur la présence de l'espèce sur le continent africain ce qui représente une extension remarquable de son actuelle aire de distribution géographique au Sud de la péninsule ibérique et l'introduction la plus méridionale de la sargasse japonaisele long des côtes Est de l'atlantique.

Q : Quels sont les impacts écologiques qui peuvent découler d'une pareille invasion ?
R : Lorsque les peuplements sont denses, la sargasse crée une compétition pouvant aller jusqu'à l'élimination des espèces concurrentes. La compétition pour l'occupation de l'espace, la captation de la lumière, l'utilisation des sels nutritifs se manifeste tout d'abord vis à vis des autres algues situées sur le fond : la sargasse, par l'importante canopée qu'elle forme au printemps crée un véritable écran qui empêche la diffusion de la lumière. Elle peut réduire, voire empêcher le développement des autres algues. Au niveau des algues planctoniques, la sargasse capte de l'azote et du phosphore, éléments nécessaires au développement du phytoplancton.
Q : Quels sont les répercussions côté économique ?
R : Plusieurs activités sont gênées dans les secteurs de forte densité de la sargasse. Il y a tout d'abord les fermes aquacoles (huitres, moules,..) qui peuvent être impactée à plusieurs niveaux. D'une part la sargasse se fixe sur les coquilles créant des difficultés et du travail supplémentaire à la récolte, d'autre part, elle encombre aussi les accès, gêne l'entretien des parcs et des installations tout en alourdissant les filièresd'huîtres colonisées. Dans ce même contexte la navigation est aussi sujette à nombre de problèmes, dans la mesure où cette algue envahissante handicape la circulation soit à cause de ses latérales qui se prennent dans les hélices ou bloquent les turbines. De même que les flotteurs de la sargasse peuvent colmater les circuits de refroidissement.
Q : Dans ces conditions, est ce que la Province d'El Jadida dont les côtes abritent prés de 80% des ressources Nationales en algues rouges, risque de perdre cet avantage économique ? Autrement dit, la sargasse japonaise peut-elle détrôner le Gelidium ?
R : Il est encore tôt pour qu'on puisse nous prononcer avec certitude sur cette problématique. Tout ce qu'on peut avancer pour le moment, c'est que ce danger n'est pas à écarter totalement. Le constat actuel peut verser dans la crainte du pire, puisque la zone affectée par la sargasse est à la limite de l'aire traditionnellement connue pour ses richesses en algues rouges.
Q : Sommes-nous donc face à une situation irréversible ? Est-ce qu'il n'existe pas un moyen d'éradiquer cette invasion ou au mieux valoriser ses composantes ?

R : Les techniques de lutte contre la sargasse sont coûteuses et généralement d'une efficacité limitée. Des recherches de valorisation ont été effectuées, mais ne permettent pas encore une exploitation à caractère industriel.
Propos recueillis par Chahid Ahmed


L'EXOTISME DEVASTATEUR

Les espèces exotiques envahissantes représentent l'un des grands enjeux environnementaux du 21ème siècle. Il s'agit d'espèces allochtones ou non-indigènes dites aussi invasives, dont l'introduction volontaire ou fortuite par l'homme, l'implantation et la propagation menacent les écosystèmes les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences économiques, sanitaires et/ou écologiques négatives. Elles sont caractérisées par une grande amplitude écologique, une large aire de répartition géographique, une grande tolérance vis-à-vis des facteurs environnementaux limitant pour les espèces indigènes, un taux de reproduction élevé et une efficacité de l'exploitation des ressources trophiques. Même si cela peut paraître à priori paradoxal, elles sont considérées comme la deuxième cause d'appauvrissement de la biodiversité, juste après la destruction et la fragmentation des habitats. Contrairement à une pollution accidentelle dont les effets diminuent non seulement avec le temps mais aussi avec la distance du point d'impact, les espèces introduites se propagent de proche en proche, jusqu'à occuper la totalité des habitats et la totalité de l'aire géographique qui leur sont accessibles.
B.S

R'BIA, SERAIT-CE LA FIN D'UN REGNE ?
Les côtes marocaines, qui s'étendent sur 3500 km, présentent une richesse importante en espèces d'intérêts économique et écologique. Mais malgré cette diversité importante, presque une seule espèce d'algue rouge, Gelidium sesquipedale, et dont les côtes d'El Jadida abritent prés de 80%, est exploitée pour sa richesse exceptionnelle en agar-agar ou gélose fortement plébiscité pour ses propriétés gélifiantes étonnantes.
L'exploitation du Gelidium a débuté à El Jadida en 1949, surtout pour l'espèce G. sesquipedale qu'on trouvait en abondance rejetée en épave par la mer ou sur les rochers du médiolittorale. De nos jours, lors des périodes de récolte, ce sont quelques milliers de riverains démunis et plusieurs centaines de barques qui charrient une biomasse algale avoisinant les 14000 tonnes, générant ainsi un chiffre d'affaires dépassant les 30 millions dhs.
Cette espèce a un rendement intéressant en agar avoisinant les 25 à 30% du poids sec. Elle est la seule de la flore marine marocaine, que la loi essaye de protéger de l'intense exploitation destructive.
Aujourd'hui, il s'avère que l'intrusion de la Sargasse Japonaise dans l'aire de prédilection du Gélidium peut représenter une menace réelle pour cette dernière. C'est ce qu'on peut qualifier de duel à mort, où notre « sympathique » R'bia serait loin d'être en mesure de repousser les assauts destructeurs de cette rivale nous vient d'ailleurs.






Modalités d'introduction et répartition
La sargasse a été très probablement importée accidentellement un peu partout dans le monde depuis l'Asie, sous forme de zygotes ou peut-être de plantules, avec les naissains de l'huître japonaise Crassostrea gigas, comme ceci a pu être démontré en Europe (Verlaque et al. 2007). En 1966, des importations clandestines auraient déjà été effectuées. Officiellement, les importations massives de C. gigas en provenance du Japon et de la côte ouest des USA ont eu lieu en 1975. En 20 ans, cette algue a colonisé les côtes atlantiques de la Norvège au Portugal, ainsi que celles de France en Méditerranée (Verlaque et al 2007) : en 1973, elle est repérée en Angleterre ; en 1975, elle est en baie de Seine ; en 1976, elle se développe à proximité des installations ostréicoles de Saint-Vaast-la-Hougue et de Grandcamp. Elle atteint les Pays-Bas en 1980, et progresse en Manche occidentale. En 1982, elle apparaît en quelques localités de Bretagne Sud, et se trouve l'année suivante dans le bassin d'Arcachon en France. Dernièrement, la sargasse a été observée dans la lagune de Venise et en Suède (Loraine, 1989). Tout récemment, l'espèce a franchi la péninsule Ibérique et a été détectée sur les côtes atlantiques marocaines (Sabour et al., 2013). Ces localisations très éloignées témoignent de sa grande tolérance vis-à-vis du milieu qu'elle colonise.
B.S



Douée d'un pouvoir reproducteur très élevé, d'une dispersion efficace des rameaux grâce aux flotteurs et surtout d'une croissance très rapide qui peut atteindre 10 cm par jour au printemps, cette algue étrangère qui estconsidérée comme la deuxième cause d'appauvrissement de la biodiversité marine, représente de nos jours une menace effective pour toute la côte Nationale, à commencer par celle d'El Jadida qui risque compromettre son capital en Agar Agar.
Cette découverte de grande importance environnementale et qu'on peut aisément qualifier de véritable sonnette d'alarme, est le fruit des travaux de recherches de l'équipe « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » relevant de la Faculté des Sciences, Université ChouaïbDoukkali d'El Jadida.
Pour en savoir plus sur cette première, nous avons contacté le Professeur Brahim Sabour qui a bien voulu nous éclairer sur ce phénomène.



Q : Comment s'est effectuée cette découverte d'autant plus que la sargasse est une espèce inconnue dans la zone et n'a jamais entamé les côtes Africaines ?

R : Cette découverte, comme vous dites, est le fruit d'un travail de recherche que nous avons entamé récemment au sein de notre Equipe, « Algologie, Ecologie et Valorisation des Ecosystèmes Aquatiques » .Nous avons opté pour une thématique de recherche sur les algues envahissantes etCela se justifie par le manque aigu d'informations concernant la diversité et l'écologie des algues invasives, les voies de cheminement, les vecteurs associés et les implications probables sur les côtes marocaines.C'est donc dans ce cadre là, que nos travaux de recherche sur la flore algale des côtes sur l'axe CasablancaEl JadidaSafi nous ont permis de détecter, pour la première fois au Maroc, la présence de l'algue invasive Japonaise Sargassummuticum avec quelques populations dans leur premier stade d'installation. Les premiers résultats de ces recherches viennent déêtre publiés récemment dans le journal international Aquatic Invasions (Sabour et al., 2013). Cette publication correspond au premier rapport scientifique sur la présence de l'espèce sur le continent africain ce qui représente une extension remarquable de son actuelle aire de distribution géographique au Sud de la péninsule ibérique et l'introduction la plus méridionale de la sargasse japonaisele long des côtes Est de l'atlantique.

Q : Quels sont les impacts écologiques qui peuvent découler d'une pareille invasion ?
R : Lorsque les peuplements sont denses, la sargasse crée une compétition pouvant aller jusqu'à l'élimination des espèces concurrentes. La compétition pour l'occupation de l'espace, la captation de la lumière, l'utilisation des sels nutritifs se manifeste tout d'abord vis à vis des autres algues situées sur le fond : la sargasse, par l'importante canopée qu'elle forme au printemps crée un véritable écran qui empêche la diffusion de la lumière. Elle peut réduire, voire empêcher le développement des autres algues. Au niveau des algues planctoniques, la sargasse capte de l'azote et du phosphore, éléments nécessaires au développement du phytoplancton.
Q : Quels sont les répercussions côté économique ?
R : Plusieurs activités sont gênées dans les secteurs de forte densité de la sargasse. Il y a tout d'abord les fermes aquacoles (huitres, moules,..) qui peuvent être impactée à plusieurs niveaux. D'une part la sargasse se fixe sur les coquilles créant des difficultés et du travail supplémentaire à la récolte, d'autre part, elle encombre aussi les accès, gêne l'entretien des parcs et des installations tout en alourdissant les filièresd'huîtres colonisées. Dans ce même contexte la navigation est aussi sujette à nombre de problèmes, dans la mesure où cette algue envahissante handicape la circulation soit à cause de ses latérales qui se prennent dans les hélices ou bloquent les turbines. De même que les flotteurs de la sargasse peuvent colmater les circuits de refroidissement.
Q : Dans ces conditions, est ce que la Province d'El Jadida dont les côtes abritent prés de 80% des ressources Nationales en algues rouges, risque de perdre cet avantage économique ? Autrement dit, la sargasse japonaise peut-elle détrôner le Gelidium ?
R : Il est encore tôt pour qu'on puisse nous prononcer avec certitude sur cette problématique. Tout ce qu'on peut avancer pour le moment, c'est que ce danger n'est pas à écarter totalement. Le constat actuel peut verser dans la crainte du pire, puisque la zone affectée par la sargasse est à la limite de l'aire traditionnellement connue pour ses richesses en algues rouges.
Q : Sommes-nous donc face à une situation irréversible ? Est-ce qu'il n'existe pas un moyen d'éradiquer cette invasion ou au mieux valoriser ses composantes ?

R : Les techniques de lutte contre la sargasse sont coûteuses et généralement d'une efficacité limitée. Des recherches de valorisation ont été effectuées, mais ne permettent pas encore une exploitation à caractère industriel.
Propos recueillis par Chahid Ahmed


L'EXOTISME DEVASTATEUR

Les espèces exotiques envahissantes représentent l'un des grands enjeux environnementaux du 21ème siècle. Il s'agit d'espèces allochtones ou non-indigènes dites aussi invasives, dont l'introduction volontaire ou fortuite par l'homme, l'implantation et la propagation menacent les écosystèmes les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences économiques, sanitaires et/ou écologiques négatives. Elles sont caractérisées par une grande amplitude écologique, une large aire de répartition géographique, une grande tolérance vis-à-vis des facteurs environnementaux limitant pour les espèces indigènes, un taux de reproduction élevé et une efficacité de l'exploitation des ressources trophiques. Même si cela peut paraître à priori paradoxal, elles sont considérées comme la deuxième cause d'appauvrissement de la biodiversité, juste après la destruction et la fragmentation des habitats. Contrairement à une pollution accidentelle dont les effets diminuent non seulement avec le temps mais aussi avec la distance du point d'impact, les espèces introduites se propagent de proche en proche, jusqu'à occuper la totalité des habitats et la totalité de l'aire géographique qui leur sont accessibles.
B.S

R'BIA, SERAIT-CE LA FIN D'UN REGNE ?
Les côtes marocaines, qui s'étendent sur 3500 km, présentent une richesse importante en espèces d'intérêts économique et écologique. Mais malgré cette diversité importante, presque une seule espèce d'algue rouge, Gelidium sesquipedale, et dont les côtes d'El Jadida abritent prés de 80%, est exploitée pour sa richesse exceptionnelle en agar-agar ou gélose fortement plébiscité pour ses propriétés gélifiantes étonnantes.
L'exploitation du Gelidium a débuté à El Jadida en 1949, surtout pour l'espèce G. sesquipedale qu'on trouvait en abondance rejetée en épave par la mer ou sur les rochers du médiolittorale. De nos jours, lors des périodes de récolte, ce sont quelques milliers de riverains démunis et plusieurs centaines de barques qui charrient une biomasse algale avoisinant les 14000 tonnes, générant ainsi un chiffre d'affaires dépassant les 30 millions dhs.
Cette espèce a un rendement intéressant en agar avoisinant les 25 à 30% du poids sec. Elle est la seule de la flore marine marocaine, que la loi essaye de protéger de l'intense exploitation destructive.
Aujourd'hui, il s'avère que l'intrusion de la Sargasse Japonaise dans l'aire de prédilection du Gélidium peut représenter une menace réelle pour cette dernière. C'est ce qu'on peut qualifier de duel à mort, où notre « sympathique » R'bia serait loin d'être en mesure de repousser les assauts destructeurs de cette rivale nous vient d'ailleurs.
Modalités d'introduction et répartition
La sargasse a été très probablement importée accidentellement un peu partout dans le monde depuis l'Asie, sous forme de zygotes ou peut-être de plantules, avec les naissains de l'huître japonaise Crassostrea gigas, comme ceci a pu être démontré en Europe (Verlaque et al. 2007). En 1966, des importations clandestines auraient déjà été effectuées. Officiellement, les importations massives de C. gigas en provenance du Japon et de la côte ouest des USA ont eu lieu en 1975. En 20 ans, cette algue a colonisé les côtes atlantiques de la Norvège au Portugal, ainsi que celles de France en Méditerranée (Verlaque et al 2007) : en 1973, elle est repérée en Angleterre ; en 1975, elle est en baie de Seine ; en 1976, elle se développe à proximité des installations ostréicoles de Saint-Vaast-la-Hougue et de Grandcamp. Elle atteint les Pays-Bas en 1980, et progresse en Manche occidentale. En 1982, elle apparaît en quelques localités de Bretagne Sud, et se trouve l'année suivante dans le bassin d'Arcachon en France. Dernièrement, la sargasse a été observée dans la lagune de Venise et en Suède (Loraine, 1989). Tout récemment, l'espèce a franchi la péninsule Ibérique et a été détectée sur les côtes atlantiques marocaines (Sabour et al., 2013). Ces localisations très éloignées témoignent de sa grande tolérance vis-à-vis du milieu qu'elle colonise.
B.S


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