La coopération entre le Maroc et l'Union européenne est très étroite et très ancienne. Le premier traité commercial date de 1969, suivi d'un Accord de Coopération en 1976, et d'un Accord d'Association en 1996. Enfin le Maroc a obtenu en 2008 le « Statut avancé » qui le fait bénéficier de tous les avantages de l'Union sauf le volet de la gouvernance. Les Accords agricole et de pêche jouent un grand rôle dans la coopération entre le Maroc et l'Union européenne. L'Accord agricole accorde au Maroc des préférences douanières pour l'exportation, tandis que l'Accord de pêche donne droit à 132 bateaux de pêche européens d'exercer leur activité dans les eaux territoriales marocaines. A noter la prépondérance de l'Espagne qui bénéficie de 93 bateaux de pêche. Certains produits agricoles sont exportés vers l'Europe à partir des Provinces du Sud, de même que les bateaux de pêche européens sont autorisés à pêcher au large du Sahara. A la suite du recours du Polisario contre ces accords en 2015, le Maroc et l'Union européenne les ont renégociés en Janvier et Février 2019 en intégrant formellement les Provinces du Sud dans les accords. Le Polisario est revenu à la charge en Mars 2019 en déposant un nouveau recours. Le Tribunal de première instance de l'Union européenne a annulé le 29 Septembre 2021 les accords agricole et de pêche entre le Maroc et l'Union européenne. Il a en effet considéré que le recours du Polisario était recevable, alors qu'il s'agit d'un groupe armé non reconnu par l'Union européenne. A noter qu'en 2016 la Cour européenne de justice n'avait pas reconnu le Polisario comme représentant légitime du peuple du Sahara. Selon le Tribunal de l'Union européenne, les accords agricole et de pêche ont été annulés du fait qu'ils n'ont pas recueilli le consentement du « peuple du Sahara occidental ». Le Tribunal de l'Union européenne soutient que « dans la mesure où les accords litigieux s'appliquent explicitement au Sahara, et en ce qui concerne l'accord de pêche aux eaux adjacentes à celui-ci, ils affectent le peuple de ce territoire et impliquent de recueillir son consentement ». Lire également : Accord agricole et de pêche : l'Europe appelée à clarifier sa position Immédiatement après la décision du Tribunal de l'Union européenne, le Haut représentant de l'Union européenne Josep Borell et le Ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita ont fait une déclaration conjointe dans laquelle ils affirment « avoir pris connaissance des arrêtés rendus par le Tribunal de l'Union européenne, et annoncent qu'ils prendront les mesures nécessaires afin d'assurer le cadre juridique qui garantit la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc ». Ceci est possible car la décision du Tribunal de l'Union européenne accorde aux parties un délai de deux mois et dix jours « afin de préserver l'action extérieure de l'Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux ». Comme en 2016, il faut s'attendre à un pourvoi de la décision du Tribunal auprès de la Cour européenne de justice. Cette procédure sera menée par le Conseil de l'Union européenne avec le soutien de la Commission européenne et des Etats membres que sont la France et l'Espagne. Pourront se joindre également à la procédure la COMADER (Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural), ainsi que la Chambre des pêches de la Méditerranée. Les arguments à présenter pour justifier le pourvoi pourraient consister à démontrer que le Tribunal de l'Union européenne n'est pas habilité à traiter ce genre d'affaires, à mettre en œuvre la décision unilatérale du Tribunal sur le statut du Polisario en tant que représentant du peuple du Sahara. Le Conseil pourrait également démontrer « l'impossibilité de recueillir en pratique le consentement des populations des Provinces du Sud, mais pourrait fournir un rapport identifiant les bénéfices que recueillent la population du Sahara des accords agricole et de pêche avec l'Union européenne. En conclusion, on peut prévoir que le jugement du Tribunal de l'Union européenne sur les Accords agricole et de pêche avec le Maroc sera cassé en appel, et que les relations commerciales continueront à se développer dans les mêmes conditions. D'ailleurs, la coopération entre le Maroc et l'Union européenne est gagnant-gagnant et multiforme, puisque outre le commercial, elle inclue les investissements, la culture, et le sécuritaire (immigration et terrorisme). Aussi pour mettre fin à ces problèmes de territorialité, l'Union européenne devrait reconnaître la marocanité du Sahara à l'instar des Etats-Unis. Par Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)