Depuis la récupération en 1975 par le Maroc de ses Provinces du Sud, l'Espagne qui était la puissance occupante, a maintenu une position ambiguë sur cet événement. Elle a notamment marqué son mécontentement après la reconnaissance par les Etats-Unis le 10 Décembre 2020 de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Mais la goutte qui a fait déborder le vase a eu lieu le 18 Avril 2021, lorsque l'Espagne a accueilli dans un hôpital espagnol Brahim Ghali, le Chef des milices séparatistes du Polisario. Ce dernier a été admis à l'hôpital Logroño près de Saragosse avec un faux passeport et une identité usurpée. De plus, Brahim Ghali est poursuivi par la justice espagnole par un mandat d'arrêt daté de 2016, pour crimes contre l'humanité, génocide, viol et tortures. L'Algérie est impliquée dans cette affaire puisque Brahim Ghali était accompagné par un médecin algérien, et transporté d'Algérie en Espagne dans un avion médicalisé algérien. Plusieurs plaintes notamment de citoyens espagnols ont été adressées à la justice espagnole contre le leader du Polisario dès son arrivée en Espagne. Le Maroc qui n'a pas été informé de cet événement a protesté énergiquement auprès du gouvernement espagnol, en demandant des explications et en convoquant l'Ambassadeur d'Espagne à Rabat. Les autorités marocaines ont considéré que cet acte est d'autant plus incompréhensible qu'existe entre les deux pays un partenariat stratégique multidimensionnel. L'Espagne a répondu qu'elle a reçu Brahim Ghali pour des raisons humanitaires, ce qui n'a pas convaincu les autorités marocaines. Après son identification par la police espagnole, Brahim Ghali a été convoqué par la justice espagnole le 1er Juin 2021. Le 17 Mai, une marée humaine de 8.000 candidats à l'émigration dont des mineurs entre à Sebta en provenance du Maroc. Le même jour, les autorités espagnoles procèdent à 5.600 expulsions vers le Maroc. Le lendemain 18 Mai le Premier ministre Pedro Sanchez arrive à Sebta et Mellilia et déclare qu'il défendra par tous les moyens les espagnols résidant dans les deux présides. Le 18 Mai, l'Ambassadrice du Maroc est convoquée dans l'urgence par la ministre espagnole des Affaires étrangères, qui a manifesté sa désapprobation de l'entrée massive d'émigrés à Sebta en provenance du Maroc. Suite à cette entrevue, l'Ambassadrice du Maroc en Espagne est rappelée à Rabat pour consultations, et ne retournera à son poste qu'après la résolution de la crise selon le ministre Marocain des Affaires étrangères. Après l'entrée en masse des migrants le 17 Mai à Sebta, les premières réactions ont été vives aussi bien de l'Espagne que de l'Union européenne. La ministre de la Défense espagnole a déclaré « L'afflux des migrants en provenance du Maroc est une agression à l'égard des frontières espagnoles, mais aussi de l'Union européenne. C'est un chantage de Rabat en utilisant les mineurs ». Le Vice-Président de la Commission européenne a déclaré de son côté « que personne ne peut intimider ou faire chanter l'Union européenne ». La France a réagi d'une façon plus modérée : le ministre Français des Affaires étrangères a déclaré que le Maroc est un partenaire essentiel de la France et de l'Union européenne pour la lutte contre la migration clandestine et le terrorisme, en souhaitant la fin rapide de la crise entre le Maroc et l'Espagne. De son côté, le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell a loué le partenariat avec le Maroc et affirmé qu'il est nécessaire de trouver une solution pour surmonter les tensions actuelles et préserver le partenariat solide entre l'Union européenne et le Maroc. Dans une conférence de presse, le ministre Marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a déclaré que la cause de la crise entre le Maroc et l'Espagne est l'entrée du leader du Front Polisario Brahim Ghali en territoire espagnol dans des conditions indignes d'un Etat de droit. Il a déploré également l'inaction totale de la police espagnole vis-à-vis des flux de migrants à destination de Sebta. Etant donné les liens multidimensionnels entre le Maroc, l'Espagne et l'Union européenne, il est souhaitable qu'une solution soit trouvée rapidement dans la crise actuelle. C'est l'Espagne qui est à l'origine de cette crise en recevant le Chef du Polisario sur son territoire sous un faux nom, et alors qu'il est poursuivi par la justice espagnole. Pour une sortie honorable de cette crise, Brahim Ghali doit se rendre à la convocation de la justice espagnole le 1er Juin, et qu'il lui soit interdit de quitter le territoire espagnol avant son procès. Par Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)