Ecrit par S. Es-Siari | Malgré la légère reprise des recettes fiscales en 2021, l'amélioration des finances publiques s'avère toujours difficile à atteindre face à des dépenses globales toujours en hausse. L'endettement au titre du budget général devrait augmenter à 80% du PIB. Les pronostics de Ahmed Zhani, Economiste en chef à CDG Capital. La Bourse de Casablanca et l'Association Professionnelle des Sociétés de Bourse (APSB) ont entamé le mardi 4 mai le deuxième cycle de webinaires sous le thème : « Saison de publication des résultats : Bilan et opportunités d'investissement ». Avant de se pencher sur les opportunités d'investissement dans une conjoncture mitigée, les organisateurs ont décidé de faire une radioscopie de l'économie marocaine tout en se projetant dans la période post covid-19. C'est Ahmed Zhani, économiste en chef à CDG Capital Insight qui a ouvert le bal en procédant au diagnostic de la conjoncture économique marquée par la crise sanitaire dont les ondes de choc se sont ressenties foncièrement sur les différents pans de l'économie se traduisant par une détérioration des finances publiques. A ce titre, Ahmed Zhani rappelle que l'exercice 2020 est marqué par un fort recul de la croissance économique, une forte détérioration de l'équilibre des finances publiques et un accroissement important de la masse monétaire. La masse monétaire a été essentiellement alimentée par le cash (monnaie fiduciaire). Il cite toutefois les indicateurs en atténuation tels que l'allégement du déficit commercial, la baisse de l'inflation et la facilitation de l'accès au financement aux TPME. Outre la pandémie qui a malmené les ressorts internes de l'économie, l'agriculture non plus n'a pas été au rendez-vous. Autrement dit, la croissance économique a subi un double choc sous l'effet de la pandémie et de la sécheresse. L'atténuation des pressions inflationnistes malgré les mauvais résultats de la campagne agricole 2019/2020 s'explique principalement par la baisse de la demande intérieure. Cette baisse n'est que la résultante de la hausse du chômage, le ralentissement des transferts des MRE, l'affaiblissement des revenus des ménages … Sur le plan des finances publiques, on assiste à une forte détérioration des finances publiques. Et pour cause : la baisse des recettes fiscales face à une hausse des dépenses. Les taux de déficit public et d'endettement se sont établis respectivement à 3,4% et 11% du PIB en 2020. Sur le plan des échanges commerciaux, le déficit commercial a reculé compensant ainsi la forte baisse des recettes touristiques (-42,5 Mds de DH). « La baisse du déficit commercial a atténué l'impact de l'équilibre extérieur global sur les avoirs en devises », rappelle A. Zhani. Dans un contexte aussi contraignant et pour soutenir aussi bien l'offre que la demande, la Banque Centrale a mené une politique monétaire expansionniste avec une baisse de 75 Pbs du taux directeur en 2020 et du taux de la RMO à 0% avec engagement de BAM pour une transmission totale vers les taux débiteurs. Dans le même lignée et pour contrecarrer le choc de la crise sanitaire qui s'est muée en crise économique profonde, la Caisse Centrale a développé des mécanismes de garantie à hauteur de 53 Mds de DH à fin 2020. Pour l'économiste en chef, parmi les facteurs ayant atténué l'impact de la crise, il cite notamment la Contribution négative de la demande étrangère au cours de la dernière décennie ainsi que la faible part de l'industrie orientée vers l'exportation. « La nature de notre modèle économique basé sur la demande intérieure, l'investissement public et la rigidité du marché de l'emploi a permis d'amortir l'impact du choc », explique A. Zhani. De même, certains équilibres macro-économiques se sont améliorés, notamment le déficit commercial, les pressions inflationnistes et l'accès au financement. Concernant le marché des taux, en dépit de l'importance du besoin de financement du Trésor, qui a plus que doublé en 2020, la courbe des taux a baissé sous l'effet de : la politique monétaire expansionniste de Bank Al-Maghrib (taux et liquidité), les levées à l'international du Trésor public d'environ 40 Mds de DH et la rareté des opportunités de placement. Une fois, le diagnostic de la situation macroéconomique établi, Ahmed Zhani passe aux pronostics pour les exercices 2021 et 2022. Quid des prévisions ? Pour 2021, l'économiste prévoit un retour de la croissance grâce au bon comportement de la campagne agricole et la reprise de la valeur ajoutée non agricole bénéficiant d'un effet de base. Pour 2022, il faut s'attendre à un léger recul de la croissance sous l'hypothèse d'une campagne agricole moyenne de 75 Mqx et d'une légère consolidation de la reprise non agricole. 2022 serait ainsi marquée par une poursuite de la reprise corrigée à la baisse de l'effet de base. En matière de commerce extérieur, les pronostics tablent sur un rebond du déficit commercial en résultat d'un retour de la demande nationale et internationale et un renchérissement des prix des matières premières et énergétiques et de la faiblesse des recettes touristiques. Pour 2022, la reprise des recettes touristiques devraient atténuer le déficit du compte courant en % du PIB. L'économiste considère que malgré la légère reprise des recettes fiscales en 2021, l'équilibre budgétaire s'affiche toujours difficile à atteindre face à des dépenses globales toujours en hausse. En dépit de la légère atténuation du déficit public, l'endettement au titre du budget général devrait augmenter à 80% du PIB. Le besoin de financement du Trésor ressort quasi-stable comparativement à l'année 2020. Concernant le marché de taux, le scénario le plus probable est la stabilité de la courbe des taux. L'économiste en chef se base sur un taux directeur inchangé (Déficit de liquidité en creusement/ alimenté par les instruments long terme) ; Un besoin important du Trésor suite à un encaissement des recettes fiscales inférieur aux prévisions ; Demande importante des opérateurs Les levées resteront ainsi importantes mais sans impacts significatifs sur la courbe des taux sous l'hypothèse d'un cadre monétaire stable. S'agissant de l'emprunt national dont les contours ne sont pas encore dessinés, Ahmed Zhani considère que cette opération devrait générer une recette d'environ 5 Mds de DH. Elle représente l'équivalent de deux levées du Trésor sur le marché local. Concernant son impact sur la courbe des taux, il est conditionné par la réussite de cette levée.