La taxe carbone pourrait être un atout pour les entreprises marocaines afin de réussir leur transition vers l'économie verte. Encore faut-il bien se préparer. Un projet d'élaboration d'une une norme marocaine reconnue au niveau européen pour évaluer le bilan carbone des entreprises nationales est aujourd'hui bien avancé. Dans le but d'étudier avec les exportateurs, les mesures à prendre pour mieux se préparer à la nouvelle exigence européenne notamment la taxe carbone, l'Asmex a organisé récemment une rencontre virtuelle sous le thème: « Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières de l'UE pour les exportations marocaines (MACF) ou Carbon Boarder Adjustment Mechanism (CBAM) ». Une occasion pour mettre en exergue les enjeux et impacts liés au risque d'évolution de la règlementation relative aux émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), dont notamment l'instauration du MACF et les mesures d'anticipation pour y faire face. A rappeler que le parlement européen a voté en avril une résolution sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. L'instrument dont l'entrée en vigueur est prévue en 2023 doit permettre à l'UE d'imposer ces normes environnementales aux entreprises étrangères exportant sur son territoire. Au Maroc, plusieurs secteurs d'activité sont concernés par cette nouvelle mesure et doivent s'y préparer suffisamment à l'avance pour éviter un impact direct sur leur compétitivité. Il s'agit notamment de l'électricité, l'automobile, la parachimie et les fertilisants, sans oublier l'industrie agro-alimentaire et le textile, qui pourraient être concernés dans un second temps. "Même si ce nouveau dispositif comporte des obstacles, il pourrait en même temps contenir d'importantes opportunités pour le Maroc afin de continuer à se positionner comme un partenaire stratégique de l'UE", a souligné en introduction Mounir Ferram, directeur exécutif de l'ASMEX et modérateur de la rencontre. Lire également : Exportations vers l'Europe : entre contraintes écologiques et exigences de compétitivité Comment mesurer les enjeux et les impacts de ce nouveau mécanisme ? Comment anticiper cette nouvelle réglementation pour maintenir sa position ou le cas échéant en subir l'impact et atteindre sa compétitivité ? Y a-t-il des recours ou des programmes d'appui et si oui lesquels ? Pour répondre à toutes les interrogations des entreprises marocaines à ce sujet, ont été invités à intervenir, le directeur de l'Agence Marocaine de l'Efficacité Energétique (AMEE) Said Mouline, l'expert climat et bilan carbone chez Veritas, Abdelaziz Belhouji, la responsable pôle bilan carbone et service climat du bureau BVM, Mme Asma Faris ainsi que le responsable développement et promotion de l'expertise à l'ANPME, Mounir Zraidi. "Nous avons suivi au niveau de l'Asmex toutes les évolutions de la conjoncture liée aux exigences de la décarbonation qui s'ajoutent aux leviers de compétitivité des entreprises exportatrices marocaines. A ce titre, nous avons multiplié les partenariats avec les entreprises expertes dans ce domaine telles que le Bureau Véritas Maroc, afin de proposer à nos membres des solutions qui leur permettront de s'aligner sur les exigences internationales et maintenir leurs parts de marché", a déclaré Hassan Sentissi El Idrissi, président de l'Asmex, en marge de la rencontre. Lors de son intervention, Belhouji (BVM) a noté que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'UE fera l'objet en juin prochain d'une proposition législative par la Commission Européenne qui devra entrer en vigueur en janvier 2023. Il a expliqué que plusieurs options sont actuellement sur la table : droits de douane sur les produits à forte intensité carbone, paiement d'une taxe carbone (taxe sur le contenu carbone du produit importé comme s'il avait été fabriqué par le pays importateur), cette mesure est en cours d'étude pour vérifier sa conformité avec les règles de l'OMC ; subvention à l'export des entreprises européennes engagées en matière de climat, extension du système d'échange de quotas européens aux importations appliqué actuellement. En attendant de trancher, les entreprises marocaines n'ont d'autre choix que de se préparer en profitant de toutes les mesures stratégiques et les programmes d'accompagnement mis à leur disposition dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable adoptée par le Ministère du Commerce, de l'Industrie, de l'Economie Verte et Numérique. "II y a une carte essentielle à jouer par notre pays qui viendra s'ajouter aux atouts dont il dispose déjà par rapport au marché européen", a déclaré Said Mouline. A ce titre, le directeur de l'AMEE a déclaré aux participants que le Maroc a pour projet d'élaborer une norme marocaine reconnue au niveau européen pour évaluer le bilan carbone des entreprises nationales. Ce projet est bien avancé et attend juste que l'Europe fixe les points à calculer. On apprend également que le Maroc discute avec l'UE, un pacte vert qui liera les deux parties et qui permettra d'accompagner la mise en place de toute la transition vers l'économie verte en général et le processus de décarbonation en particulier. "En plus des enjeux pour l'industrie et pour l'export, il est important que le Maroc soit également perçu par les investisseurs étrangers comme une destination de production industrielle carbone neutre. Et c'est possible grâce notamment aux projets de zone industrielle au carbonne neutre qui sont programmées", soutient S. Mouline. Pour financer leur investissements et leurs projets dans l'efficacité énergétique et l'intégration des énergies renouvelables les opérateurs économiques marocains disposent d'une panoplie de formules de soutien financier dans le cadre de Tatwir-Energie Verte mis en place par Maroc PME. Comme l'a expliqué Mounir Zraidi (Maroc PME), ce programme porte sur 5 domaines prioritaires : le conseil et l'expertise (prise en charge jusqu'à 90% du coût d'accompagnement), les projets d'investissement dans l'efficacité énergétique et l'intégration des énergies renouvelables (prime de 30% du programme d'investissement), les projets d'innovation et de développement de nouveaux produits éco-conçus (prise en charge jusqu'à 50% du coût du projet), les projets d'amorçage de filières industrielles vertes et les projets d'optimisation des procédés de fabrication et des flux de matières (Aide remboursable de 5% du programme d'investissement). "Aujourd'hui avec ces financements nous avons beaucoup de demandes. Dès la première phase on a dépassé une centaine de projets dont certains sont déjà lancés", précise-t-il.