Le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) de l'UE est une opportunité pour les entreprises marocaines, notamment celles orientées à l'export. Elles doivent, cependant, s'y préparer suffisamment à l'avance pour éviter un impact direct sur leur compétitivité. Le parlement européen a voté le 10 mars 2021 une résolution sur le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) de l'UE. Un instrument, dont l'entrée en vigueur est prévue en 2023, qui devrait permettre d'élargir le champ de la politique climatique européenne aux importations. Cela veut dire que cet outil appliquera, sur les produits importés, la tarification carbone en vigueur sur les mêmes produits européens intensifs en émissions de gaz à effet de serre. En principe, cela devrait se traduire par des taxes supplémentaires aux produits en provenance de l'étranger. Sans aucun doute, le Maroc sera fortement concerné par ce nouveau mécanisme, étant donné que l'UE constitue un grand marché stratégique pour les produits marocains. Comment alors mesurer les enjeux et les impacts de cet instrument ? Comment anticiper cette nouvelle réglementation pour maintenir sa position ou, le cas échéant, en subir l'impact et atteindre sa compétitivité ? Y a-t-il des recours ou des programmes d'appui et si oui lesquels ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre les participants à un webinaire organisé tout récemment par l'Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX), en partenariat avec le Bureau Veritas Maroc (BVM) sous le thème : « Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières de l'UE pour les exportations marocaines (MACF) ou Carbon Boarder Adjustment Mechanism (CBAM) ». C'était l'occasion pour les différents intervenants de mettre en lumière les enjeux et impacts liés au risque d'évolution de la réglementation relative aux émissions de gaz à effet de serre (GES), dont notamment l'instauration du MACF et les mesures d'anticipation pour y faire face. Décarbonisation, nouveau défi pour les entreprises marocaines Lors de cette rencontre virtuelle, on s'accordait à dire, en effet, que plusieurs secteurs d'activité au Maroc sont concernés par cette nouvelle mesure et doivent, par conséquent, s'y préparer suffisamment à l'avance pour éviter un impact direct sur leur compétitivité. Il s'agit notamment de l'électricité, l'automobile, la parachimie et les fertilisants. Sans oublier l'industrie agro-alimentaire et le textile qui pourraient être concernés dans un second temps. « Même si ce nouveau dispositif comporte des obstacles, il pourrait en même temps contenir d'importantes opportunités pour le Maroc afin de continuer à se positionner comme un partenaire stratégique de l'UE », a souligné Mounir Ferram, directeur exécutif de l'ASMEX. Dans ce sillage, Hassan Sentissi El Idrissi a indiqué que l'ASMEX suit toutes les évolutions de la conjoncture liée aux exigences de la décarbonation qui s'ajoutent aux leviers de compétitivité des entreprises exportatrices marocaines. « A ce titre, nous avons multiplié les partenariats avec les entreprises expertes dans ce domaine telle que le Bureau Véritas Maroc, afin de proposer à nos membres des solutions qui leur permettront de s'aligner sur les exigences internationales et maintenir leurs parts de marché », a déclaré le président de l'ASMEX. L'entrée en vigueur du MACF pour janvier 2023 De son côté , Abdelaziz Belhouji, expert climat et bilan carbone chez Veritas, a noté que le MACF de l'UE fera l'objet en juin prochain d'une proposition législative par la Commission Européenne qui devra entrer en vigueur en janvier 2023. Il a expliqué que plusieurs options sont actuellement sur la table : droits de douane sur les produits à forte intensité carbone, paiement d'une taxe carbone (taxe sur le contenu carbone du produit importé comme s'il avait été fabriqué par le pays importateur) ; subvention à l'export des entreprises européennes engagées en matière de climat, extension du système d'échange de quotas européens aux importations appliqué actuellement. En attendant de trancher, M. Belhouji a estimé que les entreprises marocaines n'ont d'autre choix que de se préparer en pofitant de toutes les mesures stratégiques et les programmes d'accompagnement mis à leur disposition dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable adoptée par le ministère chargé de l'Economie Verte et Numérique. « II y a une carte essentielle à jouer par notre pays qui viendra s'ajouter aux atouts dont il dispose déjà par rapport au marché européen », a déclaré, à son tour, Saïd Mouline, directeur de l'Agence Marocaine de l'Efficacité Energétique (AMEE) Des options à l'étude A ce titre, il a déclaré que le Maroc a pour projet d'élaborer une norme marocaine reconnue au niveau européen pour évaluer le bilan carbone des entreprises nationales. Ce projet est bien avancé et attend juste que l'Europe fixe les points à calculer. On apprend également que le Maroc discute avec l'UE un pacte vert qui liera les deux parties et qui permettra d'accompagner la mise en place de toute la transition vers l'économie verte, en général, et le processus de décarbonation, en particulier. « En plus des enjeux pour l'industrie et pour l'export, il est important que le Maroc soit également perçu par les investisseurs étrangers comme une destination de production industrielle carbone neutre. Et c'est possible grâce notamment aux projets de zone industrielle au carbone neutre qui sont programmées », soutient M. Mouline. Pour financer leur investissements et leurs projets dans l'efficacité énergétique et l'intégration des énergies renouvelables, les opérateurs économiques marocains disposent d'une panoplie de formules de soutien financier dans le cadre de TatwirEnergie Verte mis en place par Maroc PME. Comme l'a expliqué Mounir Zraidi, responsable développement et promotion de l'expertise à l'ANPME (Agence Nationale Pour la Promotion de la PME), ce programme porte sur cinq domaines prioritaires : le conseil et l'expertise (prise en charge jusqu'à 90% du coût d'accompagnement), les projets d'investissement dans l'efficacité énergétique et l'intégration des énergies renouvelables (prime de 30% du programme d'investissement), les projets d'innovation et de développement de nouveaux produits éco-conçus (prise en charge jusqu'à 50% du coût du projet), les projets d'amorçage de filières industrielles vertes et les projets d'optimisation des procédés de fabrication et des flux de matières (Aide remboursable de 5% du programme d'investissement). Comment le MACF doit-il contribuer à la lutte contre le changement climatique ?C L'idée d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières n'est pas nouvelle. Elle avait été soumise par l'UE en 1991, un an avant le Sommet de la Terre de Rio. Si l'idée avait été rapidement écartée par bon nombre d'Etats membres à l'époque, elle est revenue à l'agenda de la Commission Européenne fin 2019. Concrètement, ce mécanisme définirait un seuil d'émissions de gaz à effet de serre à partir duquel une activité économique serait considérée comme trop polluante. Tous les biens, importés sur le territoire de l'Union et dont la production affiche un bilan carbone supérieur à ce seuil, seraient alors soumis à un surcoût. Celui-ci pousserait les entreprises exportatrices, dont les entreprises marocaines, à se tourner vers des technologies moins polluantes et permettrait à l'UE de limiter son bilan climatique externe.