Sur instructions du Roi Mohammed VI, plusieurs avions militaires vont acheminer 90 tonnes de produits alimentaires au profit des forces armées et du peuple libanais. Cette aide dont la première livraison a eu lieu le Samedi 17 Avril 2021, a pour but de faire face aux défis économiques et aux répercussions de la pandémie de la Covid-19 dans le pays du cèdre. En effet le 4 Août 2020, une double explosion dans le port de Beyrouth a détruit plusieurs quartiers de la ville. Cette catastrophe a causé 200 morts, 6.500 blessés et 300.000 sans abri après la perte de leur logement. L'enquête a prouvé qu'elle était due à la mise à feu accidentelle de 2750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans un entrepôt du port depuis six mois, et sans aucune mesure de précaution. A cela s'est ajoutée les conséquences de la pandémie de la Covid-19 qui a frappé également le Liban. La répercussion de ces deux événements sur l'économie libanaise est désastreuse : dépréciation de la livre, explosion du chômage, hyperinflation (146% en 2020), hausse du seuil de la pauvreté (50% de la population). La colère du peuple contre le gouvernement avait déjà commencé en Octobre 2019 par des manifestations qui ont dénoncé la mauvaise gestion de l'administration et la corruption des dirigeants politiques. Il faut remonter au Pacte national de 1943 pour comprendre le système politique libanais. Ce Pacte non écrit fait office de compromis communautaire entre les principales entités qui composent le peuple libanais : les sunnites, les maronites et les chiites. Les principes de ce pacte qui établissent l'égalité entre les communautés sur le plan politique, ont été intégrés dans le préambule de la Constitution. Le pacte répartit les hautes fonctions de l'Etat. Le Président de la République et Commandant des forces armées doit être maronite, élu par la Chambre des députés à la majorité des deux tiers pour six ans. Le Président du Conseil des ministres doit être sunnite et le Président de la Chambre des députés doit être chiite. Les Vice-présidents de la Chambre des députés et du Conseil des ministres doivent être des Grecs Orthodoxes. On peut parler d'un système politique confessionnel. La Chambre des députés est composée de 128 membres élus tous les 4 ans avec la moitié des chrétiens et la moitié des musulmans. Dix partis politiques sont représentés ainsi que huit indépendants. La majorité actuelle de la Chambre est constituée de deux partis chrétiens (Courant patriotique libre, Brigade Marada) et trois partis musulmans (Chiite : Amal el Hezbollah, soufisme : Association de bienfaisance islamique). L'opposition de la Chambre est constituée de deux partis musulmans (Courant du futur, parti social nationaliste syrien), un parti chrétien (Forces libanaises) et un parti Druze (parti socialiste progressiste). Le Liban subit également l'influence étrangère pour des raisons historiques et du fait de sa position géographique au centre du Moyen-Orient. Suite au démantèlement de l'Empire ottoman, la France a reçu le 25 Avril 1920 mandat sur la Syrie qui comprenait le Mont Liban. Le 1er Septembre 1920, la France créa le Grand Liban en y incluant Beyrouth, Tripoli et la plaine de la Bekaa. Sa présence au Liban dura jusqu'à l'indépendance qui a eu lieu le 22 Novembre 1943. La France a toujours maintenu d'étroites relations avec le Liban sur le plan politique, économique et culturel. Après la double explosion du 4 Août 2020, le Président Macron s'est déplacé deux fois à Beyrouth le 6 Août et le 1er Septembre. Il apporta une aide financière et matérielle de grande envergue notamment sur le plan alimentaire et médical. Le deuxième pays qui a fortement influencé le Liban est la Syrie qui le considère comme faisant partie de la Grande Syrie. En 1976, le Président syrien Hafez El Assad a déclaré « Le Liban et la Syrie forment un seul peuple dans deux Etats ». Il a toujours intervenu dans les affaires intérieures du Liban, n'hésitant pas à faire assassiner les opposants à la présence syrienne. L'occupation militaire du Liban par la Syrie dura 29 ans de 1976 à 2005. Le troisième pays qui joue également un rôle important au Liban est l'Iran. En effet, après la révolution islamique en 1979, l'Iran a soutenu toutes les minorités chiites au Moyen-Orient. On lui prête l'ambition de créer un « Croissant chiite » allant du Liban à l'Iran. Son bras politique au Liban est le parti Hezbollah fondé en 1981, qui dispose d'une milice armée constituée de 20 à 25.000 combattants. Tout en faisant partie du gouvernement et du parlement libanais, le Hezbollah n'a pas hésité à intervenir militairement en Syrie pour soutenir le Président Bachar-El-Assad un alaouite chiite. A noter que suite à la guerre civile en Syrie à partir de 2011, le Liban a reçu 1,5 million de réfugiés syriens. La quatrième pays qui a intervenu plusieurs fois au Liban est Israël. Dès la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948, les réfugiés palestiniens se sont installés au Liban au nombre de 455.000 repartis dans 40 camps. Prenant prétexte de la lutte contre l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) Israël a mené deux guerres au Liban. La première guerre a eu lieu à partir du 6 Juin 1982 et a permis l'invasion du Sud Liban et l'évacuation des combattants palestiniens de Beyrouth. La deuxième guerre a eu lieu à compter du 12 Juillet 2006 et a opposé l'armée israélienne principalement à la milice du Hezbollah. En conclusion, on ne peut que saluer le Don Royal au Liban qui va contribuer à diminuer les souffrances du peuple du Liban. Cependant ce pays connaît une situation complexe à la fois sur le plan intérieur et extérieur. Malgré l'urgence de constituer un « Gouvernement de mission » comme l'a demandé le Président Macron, le Premier ministre Saad Hariri n'arrive toujours pas à former un exécutif qu'il souhaite composé de technocrates. Il est nécessaire de réformer le système politique libanais basé sur le confessionnalisme qui a démontré ses limites. Il faut aussi procéder à des réformes de structure afin dé bénéficier du financement du FMI et des bailleurs de fonds internationaux. Il faut enfin désarmer la milice du Hezbollah ou l'intégrer à l'armée libanaise, car un Etat ne doit disposer qu'une seule force armée. Il faut enfin résoudre le conflit israélo-palestinien qui mine la stabilité de tout le Moyen-Orient. Par Jawad KERDOUDI Président de l'IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)