Ecrit par Imane Bouhrara | La reddition des comptes, la transparence, la simplification des procédures et la lutte contre la corruption sont les fondamentaux d'une bonne gouvernance économique et les gages d'une bonne reprise économique, surtout en temps de relance après le choc de la Covid-19. Où en est le Maroc ? Le choc de la pandémie de la Covid-19 a fait resurgir de manière flagrante les points de faiblesse de notre modèle économique, fiscal, financier et social en raison de certaines réformes qui ne se sont pas opérées rapidement. De même qu'il a mis à mal certaines politiques publiques, notamment dans les secteurs sociaux. Souvent on pointe du doigt l'hésitation dans la réforme fiscale ou encore un niveau d'endettement qui devient un boulet au pied du Maroc. Mais l'expérience d'une année que nous avons vécue avec la pandémie plaide également en faveur d'un assainissement de la vie publique et politique au service de l'efficience et l'efficacité, une aspiration exprimée depuis longtemps par les citoyens mais également les entreprises pour gagner en compétitivité, notamment en luttant contre la corruption et la rente, et en simplifiant les procédures. Il serait injuste de dire que rien n'a été fait en ce sens, mais les résultats sont là et ne tolèrent pas d'ambages. Sans oublier les indicateurs publiés régulièrement par des instances internationales qui analysent l'évolution des pays sur ces points précis. Le cas du FMI qui tout en assurant que des pays comme le Maroc, continuent d'améliorer leur gouvernance politique, il n'en demeure pas moins que des enquêtes montrent que les citoyens et les entreprises continuent de considérer la mauvaise gouvernance et la corruption comme de sérieux problèmes dans la région. Les indicateurs de gouvernance du FMI corroborent globalement ces vues. Cette démarche réformatrice entamée pour le Maroc trouve tout son sens dans le contexte actuel où l'aspiration est générale à plus d'équité, de justice sociale, de concurrence loyale ... pour ne pas creuser plus que ça les disparités, non pas seulement entre citoyens mais entre entreprises également. Dans ce sens, la reddition des comptes principe consacré par la Constitution de 2011 revêt une importance cruciale doit devenir effective et non accessoire. Puisque d'un côté, elle instaure le principe de responsabilité dans la gestion de la chose publique et induit par ricochet plus de transparence. Sur ce dernier point, il y a lieu de souligner que plusieurs lois ont vu le jour facilitant l'accès à l'information et allant vers l'instauration de plus de transparence notamment dans la passation des marchés publics, en recourant notamment à la digitalisation, à titre d'exemple. Concernant les finances publiques, la TGR a mené un travail de digitalisation surprenant dans cette dynamique pour ne citer que la soumission électronique. Cette reddition des comptes passe également par les audits et les contrôles internes et dans ce sens le Maroc élabore actuellement un projet de loi sur l'enrichissement illicite afin d'aider la Cour des comptes à déceler les actes qui relèvent de ce phénomène et à en poursuivre les auteurs. Par ailleurs, le chantier de la simplification des procédures a connu un coup d'accélérateur sous l'effet de la pandémie, avec l'entrée en vigueur de loi 55-19 en septembre dernier et donnant six mois aux administrations publiques pour s'y conformer. Une réforme dans l'urgence du secteur public Toujours est-il et face à la pandémie, les autorités publiques se sont rapidement mis à l'évidence : pas de relance sans réforme du secteur public. D'ailleurs, le discours du Roi, le 29 juillet dernier était on ne peut plus clair : « Par ailleurs, une réforme profonde du secteur public doit être lancée avec diligence pour corriger les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics, garantir une complémentarité et une cohérence optimales entre leurs missions respectives et, in fine, rehausser leur efficience économique et sociale. C'est dire qu'il y a du chemin à faire puisque cette réforme passe par une restructuration de l'action publique sur fond de crise. Cela passe notamment, selon les axes stratégiques dévoilés par la création de l'agence nationale de gestion stratégique des participations de l'Etat pour renforcer le rôle de l'Etat en tant qu'actionnaire et d'amélioration de la gouvernance au niveau des EEP. Bien évidemment, cette gouvernance passe également par le renforcement du rôle des instances constitutionnelles comme le Conseil de la concurrence ou l'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption. Lutte contre la corruption, blanchiment d'argent... en cours Endémique, systémique, problématique... la corruption est certainement dans ce paysage le pire ennemi des chances d'une croissance inclusive du Maroc puisqu'elle favorise les inégalités et l'accès à des droits indus, aussi bien entre marocains qu'entre entreprises puisqu'elle est favorise la concurrence déloyale et sape tous les efforts d'assainissement du climat des affaires. La corruption a également eu une incidence fâcheuse aux conséquences lourdes notamment la perte de la confiance des citoyens. Après plusieurs années de mise en veilleuse, l'Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption revient sur les devant de la scène et le projet de loi n° 19-46 est actuellement dans les circuits législatifs. En attendant, l'instance constitutionnelle ne dispose pas de larges prérogatives pour faire face à cette gangrène qu'est la corruption ni d'un dispositif de lutte fiable malgré toute la bonne volonté. Et un tel dispositif est nécessaire pour ne pas permettre à certaines pratiques de trouver foyer dans cette dynamique de relance très sensible au moral des citoyens et des entreprises. L'autre loi très attendue et même sollicitée par les organismes internationaux est la loi n°43.05 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et qui instaurera le cadre réglementaire général de lutte aussi bien contre le blanchiment d'argent que le financement du terrorisme. Une loi qui est également dans le circuit de validation législatif. Et étant donné qu'il ne reste pratiquement plus qu'une seule session parlementaire pour ce mandat, avant les prochaines législatives en 2021, autant dire que cette réforme de la gouvernance économique demeure pour l'instant au stade de chantier. Or la relance doit être effective et tous ces éléments susmentionnés jettent la base d'une relance saine et inclusive. Leur absence est facteur de blocage face aux ambitions exprimées pour cette année 2021.