Le diagnostic établi par l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) a révélé l'existence de failles de fond en matière des efforts déployés pour la lutte contre la corruption notamment l'absence d'une approche intégrée en matière d'exécution de la loi, a indiqué le président de l'Instance, Abdeslam Aboudrar. Dans un entretien accordé à la MAP, à l'occasion de la journée nationale de lutte contre la corruption, célébrée demain vendredi, Aboudrar a précisé que cette situation est le résultat de plusieurs facteurs notamment les limites de l'efficacité des mécanismes de reddition des comptes et des règles de transparence. Il a ajouté que l'Instance a identifié des difficultés notamment au niveau de l'adoption d'une approche sectorielle et participative capable de compléter l'approche globale basée seulement sur la gouvernance juridique et institutionnelle. M. Aboudrar a souligné que cela tient aussi à la non-intégration de la dimension régionale et de la gouvernance territoriale dans l'approche globale qui doit, à son tour, instaurer un système régional pour la transparence, la probité et la reddition des comptes, en vue d'accompagner le projet de la régionalisation élargie et consolider la démocratie locale. Le Maroc a fourni des efforts considérables, ces dernières années, en matière de lutte contre la corruption tant au niveau institutionnel que législatif, a rappelé M. Aboudrar, estimant qu'il y a un manque de suivi de procédures permettant l'application des dispositions législatives et institutionnelles. Il a mis l'accent sur la nécessité d'accélérer la promulgation d'une loi garantissant l'accès, sans restrictions, à l'information et de la loi sur la protection juridique des dénonciateurs de la corruption. Le président de l'ICPC a précisé que ces efforts doivent être renforcés par d'autres au niveau du parachèvement des mécanismes de la bonne gouvernance notamment en ce qui concerne le renforcement des libertés individuelles, la consolidation de l'efficience des politiques publiques, l'amélioration de la qualité des services et la promotion du principe de la primauté de la loi. L'impunité : une des causes de la corruption L'impunité constitue l'une des causes de ce phénomène, a-t-il souligné, relevant que parmi ces causes figurent également des lacunes qui entachent la loi et la pratique, et qui empêchent, voire qui rendent impossible, l'engagement de procédures à l'encontre de certains responsables. Le législateur, malgré sa réaction favorable aux propositions de l'ICPC, est appelé à accompagner les orientations constitutionnelles notamment au niveau de l'annulation des différents privilèges injustifiés accordés à certains fonctionnaires, a-t-il dit, ajoutant que le principe d'égalité doit être de mise conformément aux dispositions de l'article 6 de la constitution. Création de tribunaux spécialisés dans les délits de corruption -. En vue de garantir un rôle influent de la justice dans toute stratégie de moralisation de la vie publique et de lutte contre la corruption, il faudrait obligatoirement mettre en place un système judiciaire capable de réprimer les différentes formes de corruption, ce qui suppose la création de tribunaux spécialisés, a estimé M. Aboudrar. Il a ajouté que cela requiert l'adaptation de la procédure d'instruction et d'enquête avec les spécificités de ce type de délit, la création d'une police judiciaire spécialisée, l'affectation d'un parquet spécialisé et l'adoption par le juge d'instruction des procès-verbaux établis par les officiers de la police judiciaire ainsi que des rapports d'expertise et de perquisition, le cas échéant. Ceci exige également une justice spécialisée qui fait appel aux services des huissiers de justice et d'autres organismes spécialisés dans les aspects techniques des affaires de corruption ainsi que la promotion de la formation et le renforcement des capacités, a-t-il encore argué, appelant à l'accélération de la création d'un observatoire pour approfondir la compréhension des différentes manifestations de la corruption, élargir l'arsenal juridique pénal et mettre à niveau les mécanismes de travail de la justice spécialisée. Conclusion de conventions entre l'ICPC et plusieurs ministères M. Aboudrar a par ailleurs expliqué que l'ICPC vise à travers les nombreuses conventions conclues avec des ministères la mise en Œuvre de ses propositions et recommandations, soulignant l'importance pour les citoyens de s'approprier la lutte contre la corruption et la prévarication. Selon le président de l'ICPC, le citoyen peut agir à différents niveaux : d'abord en refusant ce type de pratiques, en les dénonçant -surtout après l'entrée en vigueur depuis octobre de la loi qui protège les dénonciateurs- et en constituant une force de proposition que ce soit dans le cadre des organisations de la société civile, des média ou de tout autre moyen disponible. Stratégie de sensibilisation des citoyens M. Aboudrar a également déploré le manque de moyens qui a empêché l'application de la stratégie élaborée par l'ICPC pour sensibiliser les citoyens aux dangers de la corruption, en expliquer les manifestations et les causes et les informer de leurs droits, ajoutant que le nouveau statut d'instance nationale de probité et de lutte contre la corruption octroyée à l'ICPC par la nouvelle constitution va permettre de redéfinir l'action à venir. Il s'agira, a-t-il noté, de consolider son action au niveau du renforcement de la culture d'intégrité par une contribution plus active à l'élaboration des programmes d'enseignement, de formation et de sensibilisation et par de nouvelles prérogatives pour faire face aux différentes formes de corruption. Ce nouveau statut va accorder à l'Instance une prérogative d'encadrement horizontal des efforts entrepris à l'échelle nationale pour prévenir et lutter contre la corruption, par le biais d'une stratégie nationale tout en gardant l'aptitude d'en évaluer l'exécution, a conclu M. Aboudrar.