Du nouveau en matière de lutte contre la corruption au Maroc. Le Conseil des ministres, réuni vendredi, 1er avril, sous la présidence de SM le Roi, a adopté, entre autres, un projet de loi modifiant la procédure pénale concernant la protection des victimes, des témoins, des experts et des dénonciateurs des crimes de corruption, de détournement de deniers publics et de trafic d'influence. Le projet a pour principal but la consolidation de la moralisation de la vie publique et de la bonne gouvernance. Il répond aux instructions Royales, contenues dans le discours historique du 9 mars 2011 qui a appelé à « la consolidation des mécanismes de moralisation de la vie publique et la nécessité de lier l'exercice de l'autorité et de toute responsabilité ou mandat publics aux impératifs de contrôle et de reddition des comptes ». Il s'inscrit aussi dans le cadre du discours Royal du 20 août 2009 dans lequel le Souverain a appelé à la nécessité de la mise à niveau des structures judiciaires et administratives et la soumission des services centraux du ministère de la Justice et des tribunaux à la bonne gouvernance. En matière de lutte contre le fléau de la corruption, faut-il le souligner, le Maroc a signé la Convention des Nations Unies contre la Corruption le 9 décembre 2003 et l'a ratifiée le 9 mai 2007. Son article 6 met à la charge des Etats Parties l'obligation de mettre en place un ou plusieurs organes chargés de prévenir la corruption. C'est en application des dispositions de cet article que fut créée l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption par le décret n° 2-05-1228 du 13 mars 2007. Cette Instance a pour mission de coordonner, superviser et assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques de prévention de la corruption, de recueillir et de diffuser les informations dans ce domaine. Seulement, sur le terrain, cette Instance accomplit-elle vraiment toutes ses prérogatives ? La réponse d'Abdeslam Aboudrar, président de l'ICPC, est non. Dans un entretien accordé récemment à un hebdomadaire casablancais, M. Aboudrar a réclamé plus de prérogatives pour assumer ses missions, en particulier une « autorité suffisante » pour bien faire son travail. Il a estimé que l'ICPC a, certes, « le droit de réclamer des informations », mais sans « aucune garantie que ces informations » lui soient fournies. Il a considéré aussi que « la prévention sans la sanction ne fait que verser de l'eau dans le moulin de l'inapplication des lois ». M. Aboudrar a rappelé, dans ce sens, qu'il y a « des dossiers comme ceux du CIH, de la CNSS, de la BNDE et d'autres, ouverts depuis une décennie ou plus, qui n'aboutissent pas encore à des conclusions, par des sanctions contre les contrevenants et/ou des acquittements ». Il faut, a-t-il dit, « mettre fin à l'impunité (qui) est un passage obligé vers plus de transparence et de lutte contre la corruption ». Pour accorder ainsi plus d'efficacité à cette Instance, SM le Roi a donné récemment Ses Hautes instructions au gouvernement pour qu'il procède à la révision du cadre légal régissant cette instance, dans le sens de l'élargissement de ses prérogatives et du renforcement de ses modes de fonctionnement, notamment en lui conférant les compétences d'auto-saisine pour les cas de corruption et toutes les formes de prévarication. Cette révision devrait également lui permettre de se doter des ressources humaines et matérielles nécessaires, ainsi que des mécanismes juridiques, à même de lui permettre d'accomplir ses missions avec l'objectivité et l'efficacité requises, tout en veillant à la cohérence institutionnelle destinée à la consolidation de la citoyenneté responsable et des valeurs de moralisation de la vie publique. Le dernier classement de l'ONG Transparency international (TI) fait ressortir que le Maroc arrive en 85ème position sur une liste de 180 pays. C'est ce qui justifie, d'ailleurs, les efforts fournis actuellement au Maroc pour faire face au fléau. Cette expérience en matière de lutte contre la corruption peut servir de « modèle » pour les autres pays de la région, où les appels à la moralisation de la vie publique se font actuellement de plus en plus pressants, a affirmé, en février 2011, Stuart Gilman, expert et principal conseiller de l'Initiative pour la Primauté de la Loi de l'Association du Barreau Américain (ABA-ROLI). « Le Maroc constitue un partenaire important dans la lutte contre la corruption en raison de sa capacité d'être un modèle pour les autres pays de la région », a-t-il souligné dans un entretien accordé à la MAP. Il a noté que le Maroc « a franchi des pas importants dans la lutte contre la corruption » en raison notamment de l'existence d'une « véritable volonté politique » d'éradiquer ce fléau, tout en soulignant le « travail remarquable » réalisé par le Royaume en la matière. M. Gilman a cité, à cet égard, la création de l'ICPC, dont l'action constitue un « modèle » en la matière, se félicitant dans ce sens de sa composition représentative de la société marocaine et de son large mandat pour la lutte contre la corruption dans l'ensemble des secteurs. En dépit des efforts, il reste à espérer que lesl citoyens adhèrent, massivement, à la lutte contre la corruption.