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Les Relations internationales au temps du Coronavirus
Publié dans EcoActu le 09 - 04 - 2020

ne s'inscrivent certainement pas dans l'écriture romancée et tragique de Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature en 1982, dans « l'Amour aux temps du choléra », ou encore son chef d'œuvre « Cent Ans de solitude », et dans l'espoir que ce ne soit pas non plus comme il l'écrit dans sa « Chronique d'une mort annoncée »...
Les titres du grand auteur colombien portent certes des qualifications prémonitoires qui font froid au dos et donnent de la sueur au front. Toutefois, les relations internationales sont régies par d'autres théories qui déterminent les relations entre les différents acteurs, principalement les Etats.
Le Coronavirus est arrivé sans prévenir pour nous rappeler un principe fondamental de la théorie la plus prégnante des relations internationales, à savoir la « réaliste », qui ne prend pas en considération l'amitié, la morale ou l'éthique, mais exclusivement les intérêts de chaque Etat. L'Espagne, hier, selon plusieurs médias, et bien qu'elle ait démenti l'information, aurait appliqué à l'encontre du Maroc, des restrictions quantitatives sur des produits médicaux, qui devaient être acheminés de la voisine ibérique vers le Royaume.
Alors que ces restrictions quantitatives sont prohibées par les accords du GATT et les sources de droit de l'OMC. Seulement, pour se justifier, l'Espagne va faire prévaloir le recours au principe « de la situation critique due à une pénurie de produits alimentaires ou d'autres produits essentiels pour la partie contractante exportatrice, ou pour remédier à cette situation ».
Nous avons remarqué tout au long de cette pandémie qui se prolonge, des actes de brigandage de plusieurs pays en détournant d'une manière ou d'une autre, de leurs destinations, des avions ravitaillés de matériels et de produits médicaux sous prétexte de la primauté de l'intérêt national. Ces actes ne se dissocient nullement, des agissements sans morale ni vertu, de plusieurs pays et puissances de surcroît, en temps de paix ou de guerre, à travers le prisme du réalisme.
Quid de cette théorie réaliste, qui trouve écho et succès au temps du Coronavirus ?
Tout d'abord, les théories des relations internationales se présentent sous deux grands volets, que sont d'une part, les théories générales classiques, qui sont aux nombre de trois, notamment le réalisme, le libéralisme, et le marxisme ; et d'autre part, les théories générales néoclassiques divisées, elles aussi, en trois théories, à savoir : le néoréalisme, le néolibéralisme, et le néomarxisme.
Le réalisme, reste quant à lui, la théorie la plus prépondérante dans les relations internationales, qui a marqué les siècles passés et surtout le XXème siècle et notre siècle présent. Et qui se démontre d'une manière magistralement malheureuse avec la pandémie du Coronavirus et les attitudes égocentriques et dénuées d'éthique de certaines puissances économiques.
Le réalisme, selon Braillard, part du principe qui considère que l'humain et les rapports sociaux, notamment les relations politiques, tels qu'ils sont et non tels que l'on voudrait qu'ils soient au nom d'un idéal[1].
Pour les réalistes, les Relations Internationales sont des rapports diplomatiques et stratégiques que les Etats souverains entretiennent entre eux en dehors des organisations internationales. Plusieurs caractéristiques définissent lesdites relations; la rivalité en est la première, car, chaque Etat vise toujours à défendre et accroître sa puissance politique et militaire. Ensuite, la puissance est inégalement répartie au sein de la société internationale.
Enfin, les Etats n'admettent pas de se soumettre à une autorité centrale qui les obligerait à coopérer entre eux. Pour toutes ces raisons, la société internationale est anarchique, et non pas parce qu'elle est entièrement dépourvue d'ordre et livrée totalement à la violence.[2]
Pour comprendre ce dogme réaliste, il faut remonter à l'antiquité avec le philosophe grec Thucydide (471-400 av J.-C), considéré comme précurseur avec son ouvrage « Histoire de la guerre Péloponnèse », où il analyse les fondements de la puissance militaire et politique d'Athènes et Spartes, et de l'agressivité de l'un envers l'autre, pendant la guerre qui les a opposées pendant 28 ans. Ensuite, viennent les fondateurs attitrés de cette philosophie réaliste, que sont Nicolas Machiavel au XV- XVIème siècle et Thomas Hobbes au XVIIème siècle.
Pour ces deux penseurs, c'est la loi de la jungle qui détermine les rapports interétatiques. Le plus fort impose sa volonté au plus faible. Les hommes sont alors des êtres animés d'un instinct inné de domination et de puissance qui les porte à rivaliser entre eux pour l'acquisition de la richesse, du pouvoir et du prestige...
Par ailleurs, cette lutte se décline impérativement par la victoire de ceux qui possèdent des attributs de leur naissance (force physique, capacités intellectuelles, milieu familial plus favorisé), ou des chances que leur a procuré l'existence, ou des ressources supérieures aux autres. Ainsi, la nature et la conduite des Etats ne différent pas de celles des hommes qui les dirigent. Les Etats sont animés d'une volonté de puissance et de conquête qui les incite à rivaliser constamment entre eux.
Les Etats étant inégaux, certains étant avantagés par la distribution naturelle inégale des ressources géographiques, économiques, démographiques et autres, ou plus aptes à utiliser efficacement la force militaire et la ruse diplomatique, cette rivalité conduit in fine à la domination des plus faibles par les plus forts.[3]
Sommes-nous avec cette épidémie du Coronavirus dans cette perspective où la rivalité poussera les puissances à haut potentiel technologique et médical, à se disputer le contrôle de l'arène internationale avec pour objectif la mainmise sur le monde d'après la pandémie et ensuite la domination des pays les plus faibles ?
Pour revenir à Machiavel, les relations internationales sont dénuées de toute préoccupation religieuse ou morale et consacrées essentiellement au triomphe du plus fort qui est selon ses dires « le fait essentiel de l'histoire humaine ». D'ailleurs, dans son livre « Le Prince », le désir d'acquérir est « une chose ordinaire et naturelle » et cette fin justifie les moyens. Les Etats sont des monstres froids qui n'ont ni amis, ni ennemis, mais uniquement des intérêts nationaux à défendre.
Encore, une fois, l'échiquier international n'est-il pas entrain de s'inscrire dans cette vision où les monstres froids qui sortiront vainqueurs de ce chaos sanitaire, seront les maîtres du monde dont seuls leurs intérêts nationaux primeront devant le jeu diplomatique des amitiés et des inimitiés ?
Pour ce qui est de la philosophie de Hobbes, qui va approfondir la pensée de Machiavel, à travers son célèbre ouvrage « Le Léviathan » en 1651, elle part du principe de l'existence d'une opposition radicale entre les sociétés nationales et internationales. Car pour lui, dans ces différentes sociétés, et en l'absence d'un pouvoir organisé, les hommes vivent dans une situation d'anarchie où chacun est un concurrent avide de puissance et voit son droit le plus fondamental, le droit à la vie, constamment menacé.
Les hommes peuvent sortir de cet état naturel de guerre et entrer en société en concluant collectivement un « pacte » ou un contrat social avec un Prince ou un Assemblée, par lequel ils renoncent à leurs droits et libertés en échange de la protection de leur vie et de leur sécurité. Toutefois, un tel contrat social n'est pas possible entre les Etats puisqu'il impliquerait que ces derniers renoncent à leur souveraineté, qui est le fondement de leur existence, au profit d'une autorité supranationale unique. La société internationale est donc condamnée à rester anarchique et caractérisée par la méfiance et la force plutôt que la confiance, l'ordre et la paix[4].
La pensée de Hobbes trouve le répondant, malencontreusement dans de cette crise mondiale. En effet, c'est la méfiance et non la confiance qui règne dans la société internationale à cet instant présent.
Le cas de certains pays européens, notamment l'Italie frappée sévèrement par la crise, démontre les limites de la coopération, de la solidarité et surtout de la « Subsidiarité », un principe consacré haut et fort par le Traité de Maastricht dans son article 5, al 2,.
Ce dernier stipule que : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de façon suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».
Face à une Italie, plongée dans sa détresse, sans pouvoir répondre de manière suffisante au Coronavirus, la Communauté ne s'est pas déployée à temps, ou peut-être tardivement... pour apporter son soutien à ce pays fondateur de l'UE, depuis son ébauche avec la CECA en 1951, tout en passant par la CEE et son traité de Rome de 1957 avant d'arriver au Traité de Maastricht.
Oui, la Communauté européenne n'a pas fait prévaloir ni son rôle de subside, qui est synonyme de secours, et où l'intervention de l'autorité est dictée par son devoir et non pas par son droit d'intervenir, ni son rôle de « subsidiaire« , qui se décline dans l'idée de suppléance, où l'autorité supérieure, en l'occurrence l'Etat et dans ce cas la communauté européenne, qui ne peut intervenir que lorsque l'autorité inférieure ou l'individu a révélé son incapacité d'agir. Oui, l'Italie était incapable d'agir seule... Hélas, le principe de subsidiarité n'a pas trouvé preneur...
Pour revenir au réalisme, c'est Hans J. Morgenthau, qui, au XXème siècle, est considéré comme le principal successeur contemporain de Machiavel et Hobbes en raison de sa majeure contribution à la conceptualisation et la systématisation de la pensée réaliste classique, dans son ouvrage célèbre « Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace ».[5]
Pour ce penseur, le réalisme politique est basé sur six principes.
* La politique, comme la société est gouvernée par les lois objectives qui puisent leurs racines dans la nature humaine. Donc, il est possible de faire une distinction entre ce qui est vrai, objectivement et rationnellement, et l'opinion,
* La loi objective fondamentale qui gouverne les relations internationales est le fait des Etats qui agissent toujours dans le but de défendre leurs intérêts ou leur puissance politique, qui est indépendante de l'économie, de l'éthique, de l'esthétique ou de la religion, bien qu'ils prétendent sincèrement et hypocritement, agir au nom des motivations morales, humanistes et autres,
* La puissance politique d'un Etat peut inclure toute chose qui établit et maintient le contrôle de l'homme sur l'homme,
* Le réaliste est conscient de l'inéluctable tension entre l'impératif moral et les exigences de l'action politique, mais il considère que le respect de ces dernières comme la vertu suprême en politique,
* Le réaliste refuse d'identifier les aspirations morales particulières d'un Etat avec la morale universelle
* Le réaliste croit à l'autonomie de la sphère politique bien qu'il reconnaît l'importance d'autres sphères et la pertinence d'autres pensées. Le réaliste repose sur une vision pluraliste de la nature humaine mais il croit que pour saisir la dimension politique de cette dernière, il faut l'aborder dans ces propres termes[6].
Encore une fois, cette théorie réaliste est sortie triomphante, en s'inscrivant méticuleusement dans les principes de Morgenthau. Ce sont les lois objectives tracées par les puissants, à l'instant Coronavirus, qui ont gagné, car plusieurs puissances économiques ont été submergées par ce virus totalitaire. Ce n'est pas l'impératif moral qui a eu gain de cause, mais, c'est la défense des intérêts et de la puissance politique qui ont eu le dernier mot.
Pour Paul Viotti et Mark Kauppi, quatre thèses sont le fondement de la pensée réaliste, et qui se déclinent comme suit[7] :
* Les Etats sont les seuls ou les principaux acteurs des relations internationales,
* L'Etat est par nature unitaire,
* L'Etat est rationnel et vise constamment à maximiser son intérêt national, d'où le recours périodique à la force,
* La sécurité et les questions politiques constituent l'unique ou la principale finalité de la politique étrangère.
Après ce parcours entre les penseurs réalistes depuis l'antiquité à nos jours, nous pouvons conclure que nous sommes sur le chemin non d'une « chronique d'une mort annoncée » de Marquez, mais peut-être sur le chemin d'une « grande guerre mondiale annoncée », pas spécialement militaire mais surtout économique et sanitaire...
Et comme disait le diplomate français Alain Peyrefitte dans son essai publié en 1973, dont le titre évoque une phrase attribuée à Napoléon 1er : « Quand la Chine s'éveillera...le monde tremblera »... La Chine s'est éveillée et le monde a tremblé... Et lorsqu'elle a toussé, le monde attend ses mouchoirs et ses masques !!!
Ali Lahrichi
Docteur en Droit Public et Relations Internationales
[1] Philippe Braillard, Théories des relations internationales, Paris, Presses universitaires de France, 1977, p.69
[2] Diane Ether, Introduction aux relations internationales, Les Presses de l'Université de Montréal, 2010, pp.21-32, 274.p.
[3] Ibid.
[4] Ibid
[5] Hans J. Morgenthau, Politics among Nations. The Struggle for Power and Peace, New York, Alfred A. Knopf, 1950.
[6] Op.Cit., Braillard, Théories des relations internationales, pp.82-96
[7] Paul Viotti et Mark V. Kauppi, International Relations Theory, Boston, Londres, Toronto, Allyn and Bacon, 3e éd, 1999, p.55-56


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