Pour mettre fin aux dysfonctionnements qui entravent la mise à niveau du secteur de la santé, il est impératif de faire de l'ANAM un instrument de régulation fort, efficient et fiable. Cela ne peut être effectif que par l'amendement de la loi 65-00 portant code de la Couverture Médicale de Base (CMB) dont le projet est dans le circuit du SGG. Détails du projet d'amendement dont EcoActu.ma détient une copie. Sans doute, la mise à niveau du secteur de la santé et la généralisation de la Couverture sanitaire figurent parmi les chantiers les plus pressants dans une société qui place le citoyen au coeur de ses préoccupations. Sauf que malgré une volonté de satisfaire tous les besoins et de faire de ce secteur une priorité nationale, force est de constater que les défis à relever sont énormes et les obstacles à surmonter le sont encore plus. Un constat sans appel pour un secteur où un pas en avant équivaut à deux pas en arrière. Ce qui explique que souvent les efforts déployés par la tutelle ne sont pas palpables sur le terrain. Bien au contraire. La qualité des services fournis notamment dans le public laisse à désirer. Quant au privé, il s'agit plutôt d'une crise de confiance et de transparence entre les prestataires de soins et les patients. Malheureusement, le ministère de la Santé n'arrive toujours pas à mettre de l'ordre dans le secteur ni même l'ANAM qui est censée jouer le rôle de régulateur ou en d'autres termes du gendarme du secteur de la santé. Aujourd'hui, de par la loi 65-00 portant code de la Couverture Médicale de Base (CMB), les missions et le champ d'intervention de l'Agence sont limités. Un constat relevé par les magistrats de la Cour des comptes dans un rapport 2018 publié en septembre 2020. « La lecture de la loi n°65.00 et ses décrets d'application rend délicat de situer le rôle censé être assuré par l'ANAM. Ceci se manifeste au niveau du déphasage entre la loi et ses textes d'application, ce qui rend les pouvoirs de l'ANAM, en tant qu'organe de régulation, ambigus », lit-on dans le rapport. Compte tenu de ce constat et de la dynamique dans laquelle le secteur s'est lancé, l'ANAM a saisi le ministère de tutelle pour activer le processus d'amendement de ladite loi. Nous avons appris de source proche du dossier, que la tutelle a déposé un projet d'amendement de la 65-00 au Secrétariat générale du gouvernement (SSG) juste après la nomination du nouveau ministre de la Santé en octobre 2019. Nous avons appris qu'une première réunion s'est tenue au sein du SGG en présence de tous les acteurs concernés (tutelle, ANAM, CNSS, CNOPS...) suite à laquelle le projet a été soumis aux départements concernés pour avis. Une autre réunion est prévue pour avancer dans le processus d'amendement. Les principales raisons de la refonte Dans une note relative au projet d'amendement, dont EcoActu.ma détient une copie, il ressort que la loi n'instrumente pas l'Agence de pouvoirs délégués par la puissance publique afin de rendre opposables les actions et outils de régulation. « L'insuffisance de la loi à cet égard suscite auprès des acteurs clés du système, des comportements ambivalents, ceux-ci ne voyant pas dans l'ANAM une autorité de la puissance publique de sorte que les actions dites de régulation ne sont perçues que comme des propositions dont la mise en œuvre se heurte à des problèmes technico-financiers », lit-on dans ladite note. Conséquence: plusieurs dysfonctionnements pèsent sur le patient déjà frappé par le fardeau d'une maladie. Parmi ces dysfonctionnements comme stipulé dans la note on cite : * le non-respect des tarifs conventionnels qui donne lieu à des pratiques de liberté des prix fixés par les acteurs du marché. Ces pratiques sont amplifiées lors des discussions portant sur le renouvellement de la convention nationale entraînant des dérives, à la suite de pressions « syndicales », sur le non-respect des tarifs; * le non-respect de l'intégralité des informations requises par les imprimés de facturation malgré les référentiels mis en place (codes des actes, INPE, tarif national de référence, etc.); * la multiplication des actes hors-nomenclature et des actes assimilés, révélant la nécessité d'une mise à jour de la nomenclature adoptée en 2006 dont la responsabilité échoit au Conseil national de la Nomenclature; * la non-transmission par les organismes gestionnaires à l'ANAM, d'informations détaillées sur la nature et la fréquence des prestations rendues et payées à l'endroit de chaque bénéficiaire des régimes. En guise de motif de refus de transmission, les organismes gestionnaires allèguent le prétexte qu'il s'agit d'informations nominatives, qui au titre de la confidentialité, ne sauraient être transmises à l'ANAM. Autant d'infractions aux dispositions des textes officiels qui doivent être sanctionnées et qui ne sont pas sans impact significatif notamment sur le plan des dépenses des ménages au titre de la santé, jugé par ailleurs trop élevé, sur la transparence des informations de consommation de soins et l'exactitude des données statistiques afférentes ainsi que sur la capacité de maîtriser des dépenses des régimes et la capacité de l'ANAM à piloter le système de l'AMO, s'agissant des équilibres financiers. Un amendement qui urge Ce qui arpente l'importance de disposer d'un organe de régulation fort, efficace et bien positionné. Cela dit, pour atteindre les objectifs que le Maroc s'est fixés dans ce secteur, il est indéniable de surmonter les contraintes et les limites juridiques qui entravent le bon fonctionnement de l'AMO. Sans oublier, que la dynamique enclenchée par le Plan stratégique 2020-2024 de l'ANAM dévoilé récemment et qui tend vers l'objectif de la couverture santé universelle à l'horizon 2030, doit impérativement être accompagnée par cette révision de la loi. Rappelons que l'un des quatre piliers de ce Plan est le renforcement du rôle de régulation de l'agence qui est une condition sine qua non de la réalisation des objectifs escomptés. Parmi ces limites, on retrouve l'incompatibilité de dispositions générales et particulières et l'insuffisance des dispositions devant réguler le système. « Articles 58- 59-60-78-84 », l'incohérence du dispositif juridique confiant à l'ANAM la veille sur le respect des dispositions de l'AMO et aux départements ministériels le contrôle effectif de ce respect ; le chevauchement d'entités chargées de l'exercice des contrôles portant sur l'application du dispositif juridique de l'AMO « articles 59-55-40 du décret 2-05-733 » ; l'absence de règles générales portant sur la mobilité des assujettis aux régimes de la CMB dans la perspective de l'universalité de la couverture « article74 » et bien d'autres. Pour toutes ces considérations, le ministère a proposé une reformulation du texte dans l'optique de clarifier le sens et la portée des dispositions « articles 24-25-30-43- 65... » ; de combler les insuffisances des textes eu égard au vécu de l'expérience et en fonction de l'avenir « articles10-12-13-15-17-20-21- 59-61-114... » ; de mettre fin aux incompatibilités et incohérences « articles 40-97-25-23 décret 2-05-733... » et enfin de concentrer l'activité de l'ANAM sur des missions principales afin qu'elle puisse jouer son rôle de bras de l'Etat pour garantir un système de CMB efficient et fiable. Le projet d'amendement prévoit 6 missions principales de l'ANAM à savoir : * la maîtrise macroéconomique du système ; * la gestion du risque maladie et l'animation de la vie conventionnelle ; * l'évaluation médico-économique actes médicaux, des produits, services et dispositifs de santé ; * la normalisation des pratiques médicales et des outils de gestion ; * les actions de prévention et de santé publique ; * le contrôle. Tout l'enjeu aujourd'hui est de réussir à mettre en place tous les dispositifs pour avoir un système de CMB fiable avec comme instrument de régulation l'ANAM qui doit veiller au bon fonctionnement en termes de respect des règles par tous, d'équité, d'universalité, et d'équilibre des régimes. Le rétablissement de la confiance des Marocains avec leur système de santé passera forcément par cette réforme.