La baisse des taux de rendement risque de s'installer dans le temps, d'où la nécessité pour les institutionnels de s'orienter vers d'autres alternatives parmi les poches existantes mais inexploitées tel que le marché international. Dans un contexte marqué par une baisse continue des taux qui se traduit par une dégradation du rendement, les institutionnels en tant que mobilisateurs de l'épargne longue sont appelés à s'orienter vers d'autres types de placements plus rentables. Si l'on prend le cas des caisses des retraites, ces dernières, avec plus de 500 Mds de DH de réserves et provisions constituées, ont un devoir de rentabiliser cette épargne collectée tout en s'assurant du respect des contraintes de sécurité et des différentes règles prudentielles tant prônées par les régulateurs. Aujourd'hui, nous parlons de mécanismes de financement innovants comme la titrisation, le partenariat public-privé, le private equity, les OPCC, les OPCI... une panoplie assez large de vecteurs à la disposition des institutionnels pour qu'ils puissent jouer le rôle qui est le leur en matière de financement de l'économie. Cela ne pourrait être possible que par une adaptation permanente du cadre législatif régissant lesdits placements. Or, la réglementation actuelle est pointée du doigt pour différentes raisons. « Ce que je souhaite, c'est de reconnaître l'infrastructure comme étant une classe d'actif. Aujourd'hui un investissement en infrastructures est une action non cotée en termes de pondération », explique Nabil Ahabchane, Directeur général délégué d'Upline à l'occasion de la 2ème édition des rencontres scientifiques de la Caisse marocaine des retraites. C'est pour dire qu'il y a un travail sérieux à faire dans ce sens en vue de mieux sécuriser le portefeuille des investisseurs. A juste titre, le fait de reconnaître l'infrastructure comme étant une classe d'actif permettrait de réduire la pression sur les acquisitions en bourse et autres. Ce qui va conduire à un équilibre et à des prix pas aussi chers que ceux que l'on constate actuellement sur le marché financier. Un cadre réglementaire sous-exploité Le cadre réglementaire reste parfois inexploité. On peut citer à cet égard, le marché international ouvert aux institutionnels, mais dont les montants investis par ces derniers demeurent extrêmement faibles. D'où les questions à se poser : Pourquoi ça n'a pas fonctionné alors que c'est une piste de diversification à exploiter ? Quelles sont les perspectives qui permettraient d'apporter une flexibilité ? Est-ce que les perspectives sont de plus en plus contraignantes pour un investisseur institutionnel afin qu'il puisse accompagner le financement de l'économie et diversifier ses investissements ? Tout en étant conscient que l'univers de l'investissement est assez large mais parfois mal exploité, Abdeljalil El Hafre, Chef de la division des Assurances et de la Prévoyance Sociale au sein du ministère des finances reconnaît qu'il y a des contraintes réglementaires. Il corrobore ses propos par l'exemple de la retraite. En matière de retraite, nous avons autant de règles que de caisses de retraite. La CNSS qui a l'obligation de faire un dépôt en espèces auprès de la CDG que l'on pourrait assimiler à un placement 100% de trésor même si c'est différent. Nous avons juste après la CMR qui a des classes d'actifs figées au niveau de la loi. La caisse ne peut pas investir dans l'infrastructure. La CMR a d'autres règles en plus de la loi qui fixent les classes d'actifs qui sont déjà très limitées. A cela s'ajoutent les restrictions du ministre des Finances. Nous avons le RCAR qui n'a aucune limite au niveau de la loi et qui a un décret plus souple puisqu'il fixe uniquement les classes d'actifs sans prévoir de limitation. Et nous avons la CIMR, jusque-là très libre, qui depuis quelques temps est soumise à la circulaire de l'ACAPS qui l'oblige à investir par exemple dans les bons du trésor à un niveau supérieur à 35%. Une harmonisation de la réglementation entre les différentes caisses est plus que souhaitable Cela étant dit, il est admis que les gestionnaires ne jouissent pas assez de souplesse. « Nous sommes conscients qu'il va falloir responsabiliser ces gestionnaires et de mettre en place des règles des plus souples possibles en s'assurant qu'il y a une gouvernance derrière qui va garantir à ces caisses de remplir convenablement leurs missions », annonce El Hafre. Parce qu'il est jugé anormal que les caisses de retraites aient des règles différentes. L'orientation à laquelle pense la tutelle et qui sera probablement mise en place très prochainement, c'est d'avoir un univers d'investissement le plus large possible et qui anticipe l'évolution du marché financier. « Donc on ne va pas fixer le nombre des instruments mais on va fixer juste de grands intitulés et renvoyer éventuellement à des textes réglementaires. Et en cas de besoins à des limitations. Peut-être que dans le temps on va faire évoluer les textes, pas d'un seul coup, mais en commençant avec certaines limitations et en responsabilisant les gestionnaires», enchaîne El Hafre. Il n'y aura plus l'autorisation du ministère des finances pour le coté immobilier. Comme cela a été le cas pour la CMR en ce qui concerne l'achat des cinq CHU. Le ministère des finances est ouvert par ailleurs à avoir demain une classe d'actifs infrastructure qui aura un règlement prudentiel privilégié. Des discussions à ce sujet auront lieu avec les autorités et les superviseurs notamment l'ACAPS. En ce qui concerne l'international, il a été permis, avec la circulaire de l'Office de change en 2007, aux investisseurs institutionnels d'y investir. Pour résumer les OPCVM peuvent investir à raison de 10% d'actifs, les caisses de retraites et les assurances à hauteur de 5% de leurs réserves mais lorsqu'on revient à leurs réglementations respectives, on va trouver que la CMR ne peut pas faire du non coté et ne peut pas aller à l'international, la CNSS a l'obligation de déposer auprès de la CDG, les sociétés d'assurances ne peuvent pas placer à l'international en représentation des provisions techniques. Il y a un travail de fond à faire tout en l'accompagnant par une réglementation de changes pour se prémunir contre le risque de change. Est-ce que les investisseurs institutionnels ont aujourd'hui les moyens de gérer ce type de risques ? Une question qui mérite d'être posée parce qu'il faut admettre que la solution n'est pas juste réglementaire.