Pragmatisme et concertation, sont les maîtres mots du travail qu'effectuera la Commission en charge de la réforme du modèle de développement du Maroc. Après la nomination de son président, Chakib Benmoussa par le Roi fin novembre, les choses sérieuses commencent. Les membres seront nommées par le Roi dans les jours qui viennent et le rapport devra être remis d'ici fin juin 2020. Les révélations de Chakib Benmoussa. Une rencontre de presse décontractée mais studieuse a eu lieu entre Chakib Benmoussa, récemment nommé à la tête de la commission de réforme du modèle de développement du Maroc, et quelques médias de la place. Les choses sérieuses commencent mais avant, le président de la Commission a préféré nous mettre au parfum de la philosophie qui présidera au travail de la commission qui donnera vie, enfin à ce modèle ou plutôt référentiel de développement évoqué dans le discours du Roi Mohammed VI, en octobre 2017. L'occasion également de cerner les contours de son action et de sa méthodologie de travail. Chakib Benmoussa souligne d'emblée qu'il s'agit d'un enjeu, non pas seulement de la commission, mais un enjeu national et collectif sur lequel il convient que l'effort de tous soit mobilisé pour apporter les réponses qui conviennent et pour relever les défis qui sont les nôtres, pour reprendre ses paroles. Les maîtres mots à retenir à ce niveau sont pragmatisme et concertation. Pragmatisme parce qu'il ne s'agit pas de s'embourber sur le terrain des doctrines économiques, de modélisation figée encore moins de refaire les débats sur les chantiers en cours. Le point de départ sont les acquis et les réalisations (mais également les faiblesses pointées du doigt par le Souverain) pour faire un état des lieux objectif, franc qui n'exclut aucun sujet ni aucun tabou afin de construire ensemble un schéma qui apportera à la fois des réponses rapidement aux questions urgentes, créera la dynamique attendue tout en faisant de la projection sur 10 à 15 ans dans le futur. Et la concertation, qui s'inscrit en droite ligne avec le cahier des charges de la commission tel que défini dans les différents discours du Roi qui prône une approche participative et inclusive. En effet, cette commission est amenée à recevoir, analyser les différentes contributions, qu'elles soient d'institutions du pays, que ce soient des différents acteurs nationaux, économique, syndicat, associatif ou que ce soit les apports qui peuvent provenir de débats, de rencontres d'audition de différentes natures de manière à faire que le dialogue ne se fasse pas en vase clos mais le plus large possible, y compris en associant les médias pour mettre la main à la pâte. Pour créer cette interaction au niveau de la société par ses différentes composantes, sur le plan méthodologique, Chakib Benmoussa souligne qu'il y a lieu de trouver les mécanismes par lesquels cet échange et cette interaction puissent être mis en place. Egalement auprès des citoyens qui sont au cœur de ce chantier de réforme du modèle de développement. Lors de cette rencontre qui a duré près de trois heures, le président n'a de cesse rappeler, comme précisé dans les messages royaux, qu'il ne s'agit pas d'un deuxième gouvernement mais d'une entité dont l'action est circonscrite dans le temps. La commission dont les membres seront nommés par le Roi dans les prochains jours, devra remettre son rapport d'ici fin juin 2020. L'objectif in fine est d'aboutir à un modèle de développement global et intégré, non pas seulement économique mais qui inclut un certain nombre de composantes notamment la création de la richesse par l'entrepreneuriat, l'innovation, la prise de risque, la création de valeur et d'emploi et qui identifie les systèmes de redistribution qui permettent de lutter contre les différentes formes d'inégalité. « Et qui dit système de redistribution cela renvoie à toutes les notions de capital immatériel et à tous les volets sociaux et services publics (santé, éducation, transport...)... explique Chakib Benmoussa. Liens sociaux, culturels, cohésion par rapport au choix qui peut être fait, gouvernance, qu'elle soit centrale ou au niveau territorial... tout sera fait pour créer les conditions de cette implication de proximité et de participation la plus large possible. Une commission maroco-marocaine, plurielle, diversifiée et bénévole La commission sera composée d'experts marocains dont ceux issus de la diaspora en capacité d'aborder les différentes thématiques qui ne seront pas rémunérés pour leur travail : l'économie, le social, la production, les services publics, les questions de redistribution, de gouvernance, de culture... Elle travaillera sur les propositions de réformes déjà déposées par différentes composantes de la société auprès du Cabinet royal, ainsi que les divers rapports et données existantes. Mais son travail ne sera pas la somme d'expertise individuelle, rassure son président. La volonté est qu'elle puisse travailler en interaction avec le reste de la société à travers l'écoute et les échanges mais également au niveau de la commission en intelligence collective pour assurer une cohérence de ce nouveau référentiel. Au-delà du débat sémantique du modèle, le travail qui sera enclenché vise une appropriation de ce chantier par tous les pans de la société. C'est cette appropriation qui balise le terrain vers la mise en œuvre de ce référentiel et sa réalisation. Benmoussa rappelle le rôle consultatif de la commission qui ne vient pas opposer un modèle mais faciliter sa construction commune en faisant adhérer les composantes de la société. C'est là que résidera la force de ce référentiel commun. La commission et ses membres sont amenés à adopter une approche nouvelle et audacieuse sur certains sujets qui peuvent constituer des points de blocage. L'idée est qu'avancer sur ces sujets qui font débat au sein de la société peut libérer les énergies, créer une nouvelle dynamique et une nouvelle étape dans le développement du pays, dixit Chakib Benmoussa. Disruption ? La valeur ajoutée du travail en cours est également de plancher sur des initiatives et des expériences intéressantes, innovantes et réussies qui apportent des réponses aux attentes légitimes des populations mais qui sont à une taille limitée pour leur donner un effet multiplicateur. Le travail de la commission sera de trouver les mécanismes, de les diffuser et d'accélérer la réponse à certains sujets comme le préscolaire, l'informel, dévoiler les talents dans les nouvelles technologies. Ces initiatives qui une fois multipliées et diffusées peuvent accélérer ce changement auquel nous aspirons tous. L'idée sous-jacente est de s'inscrire dans des propositions d'action qui peuvent être initiées rapidement et qui sont autant de réponses concrètes... Pour Chakib Benmoussa, la rupture est à chercher dans l'approche, dans la gestion de temps, « on est innovant mais pas tendanciel... » explique-t-il tout en soulignant que la commission apportera des solutions qui ne sont pas des réponses classiques à des problèmes tels qu'ils se posent depuis longtemps... en s'appuyant sur tous ceux qui peuvent apporter des réformes, du changement. Mais il ne s'agit pas de rouvrir tous les chantiers. C. Benmoussa en prend pour exemple le cas de la loi-cadre sur l'éducation qui a défini des objectifs après un consensus qui a nécessité des années et des années de labeur. Pour lui, le travail de la commission sera de voir comment accélérer l'effectivité de plusieurs programmes et réformes dans plusieurs domaines pour opérer l'impact attendu le plus rapidement possible. Donc, l'objectif est d'aller de l'avant au lieu de relancer des débats interminables pour répondre aux attentes tout à fait légitimes de la population. Des objectifs chiffrés ? Au-delà du diagnostic et de l'identification de ce qu'il faut faire, la finalité du travail de la commission sera de savoir comment opérer le changement. « Souvent c'est le comment qui est le plus compliqué à réaliser puisqu'il faut intégrer plusieurs facteurs complexes notamment les éléments de faisabilité, d'interaction avec les différents acteurs, la problématique de l'intégration, de gestion du changement... », Souligne Benmoussa. Il ne s'agira pas d'une approche comptable avec des objectifs chiffrés en termes de croissance, de création d'emploi, de fiscalité... mais de s'assurer de la faisabilité des propositions qui seront contenues dans ce nouveau référentiel. Bien évidement, qui dit commission hétéroclite, dit divergence. A ce niveau il est précisé qu'une fois le socle commun construit, s'il n'y a pas de consensus, il faut faire des arbitrages. Le fait d'être le plus inclusif, avoir le plus d'adhésion, contribuera à réduire les résistances à tout changement. Y compris au sein de la société. La mission de la Commission prenant fin à la remise de son rapport, se pose alors la problématique de la gouvernance de ce référentiel. C. Benmoussa rassure. Dans son rapport, la commission proposera les mécanismes de mise en œuvre et de suivi. Moins de sept mois donc pour connaître les tenants et aboutissants de ce nouveau référentiel et des réponses apportées aux priorités du pays. L'heure tourne…