Dans son dernier rapport sur la fiscalité, le Conseil économique, social et environnemental s'est penché également sur la fiscalité locale qui nécessite une réforme en profondeur. A la pluralité d'impôts et taxes, s'ajoute la complexité de base de leur calcul. Depuis quelques années, le Maroc s'est inscrit dans la dynamique marquée par la régionalisation avancée. Cette dernière confère à chaque niveau de collectivités locales, des attributions et des prérogatives parmi lesquelles celles portant sur le développement économique et social, et qui ne pourraient être envisagées sans y inclure la dimension de la fiscalité. Dans un contexte pareil, la fiscalité locale prend toute son importance, en tant que vecteur principal d'un système basé sur une volonté de décentralisation et porté par les collectivités territoriales. Au Maroc, la fiscalité locale a connu plusieurs évolutions dans le temps, dans le sens d'accompagner et de s'adapter au processus de décentralisation souhaitée. Le but étant de mobiliser les ressources de financement nécessaires à la couverture des dépenses publiques et à accompagner le développement local. En effet, les taxes locales sont souvent complexes et parfois assises sur des bases jugées inadaptées. D'où la nécessité de revoir en profondeur les questions d'assiette, des base de taxation et de leur fondement. Dans le cadre de son rapport sur la fiscalité, à quelques semaines des prochaines assises, le CESE préconise une fiscalité locale cohérente (avec la fiscalité nationale), efficiente avec une large couverture et incitative à l'acte d'investir. Le système fiscal marocain a connu plusieurs réformes dans l'objectif de la consolidation des ressources fiscales locales, notamment en 1989 à travers la loi 30-89 qui a institué 37 taxes dont 34 au profit des communes urbaines et rurales et 3 au profit des préfectures et provinces. La réforme a été poursuivie en 2008 dans le cadre des lois 47-06 et 37-09, aboutissant à un système fiscal local qui compte aujourd'hui, en plus des 13 droits, contributions et redevances, 17 taxes réparties entre les communes, les préfectures et provinces et les régions. Ces taxes, ont connu des évolutions successives, les plus significatives et les plus récurrentes se rapportant à la taxe professionnelle, à la taxe d'habitation et à la taxe de services communaux, qui sont toutes des taxes gérées par l'Etat au profit des collectivités locales. Toutefois, le montant des prélèvements fiscaux ne dépend pas du revenu perçu par les contribuables assujettis. L'évolution qui a marqué les taxes gérées par les communes s'est limitée aux aspects relatifs aux taux et tarifs et à certaines modifications concernant leur champ d'application. Les instances locales disposent pour certaines taxes d'une liberté pour la fixation du tarif dans le cadre d'une fourchette établie par la loi. Bien que le cadre juridique régissant la fiscalité locale nationale ait connu des réformes qui se voulaient structurantes, il reste encore dispersé. Une telle situation interpelle les Collectivités territoriales (CT), la Direction générale des impôts (DGI) et la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) en tant qu'acteurs principaux dans le processus fiscal local ainsi que le ministère de l'intérieur en tant que tutelle, à travers la DGCL. En pratique, les collectivités locales ne disposent pas de pouvoir de création d'impôts, car celui-ci reste constitutionnellement du ressort exclusif de l'organe législatif. Dans le cadre des lois et règlements en vigueur, les collectivités décentralisées se chargent de la gestion de l'assiette, des tarifs (taux) et des règles de perception (instituées par les lois n°47.06 et n°39.07), du recouvrement et du contrôle des diverses taxes, redevances et droits divers qu'elles perçoivent (l'exception de la taxe professionnelle dont la DGI est en charge, de la taxe d'habitation et de la taxe de services communaux dont la TGR est en charge). C'est le Conseil Communal qui exerce les prérogatives en matière fiscale locale, notamment à travers la fixation, dans le cadre de fourchettes prévues par la loi, des taux et des tarifs de certaines taxes et redevances. Les différents rapports produits en matière de fiscalité locale ont relevé plusieurs dysfonctionnements. Nous pouvons citer à cet effet, les limites d'ordre organisationnel et insuffisances en matière de processus (absence de manuel de procédures, d'organigramme...). Il ressort également des carences structurelles qu'il convient de réviser à travers des dispositions sur l'organisation et ce pour plus de cohérence, de convergence et d'articulation optimale des rôles, avec une délimitation des responsabilités des différentes administrations (DGI, TGR et CL). Le financement des CL est composé d'impôts d'Etats affectés aux entités territoriales et de taxes et redevances spécifiquement locales. La rétrocession d'une part du produit de certains impôts d'Etat aux collectivités locales s'est imposée suite à la charte relative aux collectivités locales et au transfert de nouvelles responsabilités économiques et sociales au niveau local. Ce qu'il faut absolument réformer… Face à cette situation, le CESE note que le cadre de référence actuel de la fiscalité locale constitue une source d'insécurité juridique en raison de la pluralité d'impôts et taxes et de la complexité de base de leur calcul. A cela s'ajoute le chevauchement des textes juridiques applicables, ainsi que la multiplicité des intervenants sans cadre de convergence et de cohérence globale, qui serait capable d'assurer plus d'efficience. Aussi, plusieurs taxes sont difficiles à appliquer, à recouvrer et à contrôler, soit par méconnaissance de leur existence ou encore parce que les collectivités territoriales ne disposent pas de l'expertise qui leur permettrait d'en cerner le périmètre d'application et de les suivre en conséquence, notamment au niveau des communes, surtout celles petites et rurales qui disposent d'encore moins de moyens. De nombreuses taxes sont assises sur des éléments déclaratifs sans que les bases puissent être appréhendées et cernées pour faire l'objet d'un contrôle efficace. Le dispositif fiscal local présente également des inégalités territoriales flagrantes, six régions sur les douze concentrant près de 73% des recettes des budgets principaux des collectivités territoriales. Pour toutes ces raisons, la fiscalité locale, qui est un levier important pour le développement territorial, devrait connaître une profonde réforme, afin de consolider les bases réelles de recettes. Face à l'étendue des bases potentiellement imposables, cet objectif ne pourrait être atteint, sans la recherche d'une automatisation de la constitution des bases des contribuables et des objets de contribution, pour aller vers l'élargissement escompté et générer plus de ressources pour les collectivités territoriales (en adéquation avec le vrai potentiel), et assurer simplification, lisibilité, pertinence et cohérence, intrinsèque et avec la fiscalité nationale, et par conséquent l'attractivité et la facilitation pour les acteurs et investisseurs. Voir également : Michel Bouvier / Fiscalité locale garante de la réussite de la régionalisation avancée