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La réforme de la fiscalité locale : Un ajustement technique ou un changement de paradigme?
Publié dans Les ECO le 04 - 05 - 2018

La réforme de la fiscalité locale est engagée. La refonte des impôts locaux soulève de grands enjeux. Le périmètre de la réforme n'est pas que technique. Le sujet est aussi politique, économique, social, territorial... Il est transversal au point qu'il finit par concerner toute l'action publique portée par les collectivités locales. Pour mener la réflexion sur les enjeux de ce projet de réforme, il faudrait prendre en considération l'évolution du contexte dans lequel sera mise en œuvre la nouvelle politique fiscale locale. Il s'agit notamment des nouvelles lois organiques des collectivités territoriales, plus particulièrement l'élargissement de leurs compétences et le nouveau rôle dévolu aux régions; des perspectives de renforcement de la décentralisation et de la déconcentration et de la mise en œuvre d'une politique de contractualisation et de la régionalisation budgétaires; de la réforme en préparation de la politique d'urbanisme, de la revitalisation de la politique d'aménagement du territoire... Les dispositions des lois et règlements de ces chantiers ont une incidence en matière de finances locales, qu'elles concernent les ressources fiscales propres, le concours financier de l'Etat aux collectivités ou la solidarité financière (dotations de péréquation). La refonte de la fiscalité locale doit être en cohérence avec les principes annoncés par ces chantiers et encourager, en particulier, l'autonomie fiscale et la libre administration des collectivités concernées. Le système de la fiscalité locale est aujourd'hui très majoritairement jugé obsolète. Etat et collectivités partagent un constat: leurs relations financières ont besoin d'être repensées, clarifiées et rendues plus transparentes. Pour pouvoir mener des politiques publiques ambitieuses, les élus communaux, provinciaux et régionaux ont besoin d'avoir un cadre d'action clair et stable, des ressources prévisibles leur permettant de se projeter et une certaine liberté leur permettant de s'adapter aux réalités du terrain. C'est cette approche qui devrait guider la réforme. Un ensemble de questions me paraissent d'intérêt pour un débat autour de ce projet de réforme. Comment améliorer le rendement de la fiscalité? La fiscalité locale présente un paysage hétéroclite constitué de taxes gérées par l'Etat au profit des communes et de taxes et redevances gérées par les communes. Elle est dominée par des impôts de nature foncière peu réactifs à l'activité économique. Son potentiel de mobilisation est non optimisé: sa base d'imposition est mal cernée du fait de la complexité de l'assiette, des problèmes de recensement et d'identification des contribuables. La mobilisation des ressources est contrariée par les régimes de déclarations et des sanctions, la non maîtrise des restes à recouvrer et une gestion défaillante de l'administration fiscale locale. Des questions largement identifiées par le rapport de la Cour des comptes et les travaux de la Commission nationale de la régionalisation. Quelle adéquation de la fiscalité locale aux nouvelles compétences des collectivités locales? La libre administration des collectivités territoriales est entravée par le manque d'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Les conseils élus détiennent un pouvoir fiscal décisionnel limité. Il s'exprime notamment dans la fixation des taux et tarifs de certaines taxes et redevances mais en respectant les fourchettes prévues par la loi. Si la Constitution ne reconnaît aucun pouvoir fiscal aux collectivités territoriales, elle stipule pour autant dans son article 141 que «Tout transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales doit s'accompagner d'un transfert des ressources correspondantes».
Quelle adaptation de la fiscalité locale au financement de l'urbanisme?
L'effet déclencheur des précédentes réformes de la fiscalité locale a toujours été l'amélioration du rendement, la simplification et la réduction du nombre d'impôts et taxes exigibles. Dans ces réformes, à aucun moment la fiscalité sur le foncier ne s'est imposée comme un levier potentiel à une politique d'urbanisation. Il en est de même de la fiscalité de l'équipement qui reste quasiment absente du dispositif fiscal. C'est au regard de l'architecture d'ensemble du système actuel de financement de l'aménagement urbain, mais aussi des objectifs généraux fixés par les lois sur l'urbanisme, qu'il conviendrait d'examiner les orientations de la future réforme du système de fiscalité locale en vue d'adapter la fiscalité de l'urbanisme aux objectifs de financement de l'aménagement urbain, en tenant compte des dispositifs de financement actuels (fonds, contribution des établissements publics).
Quelle équité dans la prise en charge fiscale?
La réforme de la fiscalité locale doit permettre d'établir des impositions justes qui assurent une meilleure adéquation entre le niveau des prélèvements et les facultés contributives des redevables. La question est alors de savoir quels sont les bénéficiaires des opérations d'aménagement et d'équipement: les propriétaires, les aménageurs, les promoteurs et constructeurs, les acquéreurs de logements ou de locaux d'activité sur lesquels la charge devrait être répercutée. Ce qui revient aussi à s'interroger sur la répartition de l'impôt entre ménages et entreprises. La fiscalité locale doit en principe permettre aux citoyens-électeurs de porter une appréciation sur l'opportunité et le coût des politiques publiques locales en les conduisant à supporter directement, en tant que contribuables, le financement qu'elles requièrent. Or, les cas où la tarification est directement transparente -car liée à l'utilisation d'un bien ou service public local- sont rares. Les impôts locaux ne tiennent pas suffisamment compte du niveau de revenu. Une façon de remédier à cette situation d'iniquités est la refonte totale de la fiscalité locale en un seul impôt qui fasse payer réellement les services locaux, équitable entre tous les citoyens. Ce modèle serait-il concevable dans notre pays?
Quelle solidarité territoriale?
La ressource fiscale locale est très inégalement répartie sur le territoire. Le potentiel fiscal par habitant varie de un à plus de cent entre les communes. Les valeurs inégales des bases fiscales conduit à des inégalités de capacités de financement propres. La péréquation est l'expression financière de la solidarité qui est indispensable à la cohésion des territoires et de la société. Les péréquations sont généralement répertoriées selon leur origine (fonds provenant de l'Etat: verticales; fonds versés de collectivités à collectivités: horizontales) et selon leurs ressources (recettes fiscales ou budgétaires). Actuellement, les transferts de l'Etat s'opèrent à travers la distribution des dotations TVA aux régions et communes. La lecture critique du déploiement de ce mécanisme devrait renseigner sur sa capacité à réduire les inégalités observées entre régions et entre communes. Il s'agira de mettre à plat le mécanisme de péréquation mis en œuvre jusqu'à présent, à travers une lecture critique de la répartition des transferts financiers de l'Etat aux collectivités locales. Quelle gouvernance pour la fiscalité locale? La gestion de l'administration fiscale locale souffre de multiples dysfonctionnements qui affectent profondément la mise en oeuvre du processus fiscal à des degrés variables selon les taxes et les redevances. La procédure de recensement est rarement mise en oeuvre en raison de sa complexité et de l'importance des moyens qu'elle exige. La problématique de la valeur locative, principal déterminant de l'assiette, particulièrement difficile à administrer, est au centre des insuffisances relevées. L'administration communale n'est pas préparée au plein exercice de ses prérogatives et n'est pas suffisamment outillée en termes d'expertise, d'encadrement et de moyens humains et matériels pour gérer l'assiette relative aux taxes et redevances. Une multiplicité d'acteurs interviennent dans la gestion de la fiscalité locale (les collectivités territoriales, la DGI et la TGR) en tant qu'acteurs principaux dans le processus fiscal local. Les attributions de ces entités, le mode d'organisation et de gestion des dispositifs fiscaux se traduisent sur le plan opérationnel par les limites de la gestion intégrée.
Quelle complémentarité avec d'autres sources de financement?
Le financement des équipements publics est assuré par les collectivités territoriales grâce à la perception des impôts locaux. La fiscalité locale appliquée au foncier, aux autorisations de construire ou de lotir, aux terrains non bâtis permet de mobiliser des ressources et de contribuer au financement des équipements publics (voiries, réseaux, infrastructures et superstructures...) nécessités par le développement urbain. Mais du fait de leur importance, ces dépenses ne peuvent plus être prises en charge par la seule fiscalité locale, ni même par le seul budget des collectivités, quelles que soient les sources fiscales et non fiscales qui l'alimentent. Aussi faudrait-il réfléchir à de nouveaux outils de financement pour faire financer, par des personnes privées, des équipements publics rendus nécessaires par des opérations d'aménagement ou de construction ponctuelles. Ces outils permettraient de mobiliser des ressources dans des cadres négociés contractuellement et faciliter ainsi la réalisation dans les meilleurs délais des équipements publics nécessaires en permettant notamment le préfinancement de ces équipements.
Quelle articulation entre fiscalité locale et aménagement du territoire?
L'enjeu clé de la réforme consiste à se pencher sur les modalités d'une meilleure prise en compte de la perspective territoriale en matière de fiscalité locale, notamment à travers une meilleure appréciation de l'implication territoriale tant du mode de financement que de l'allocation des ressources des collectivités locales. Cela signifie, d'une part, analyser la différenciation actuelle des collectivités locales du point de vue des finances publiques, et d'autre part d'apprécier l'impact régional des réformes fiscales et du financement des collectivités locales, de manière à articuler finances publiques locales et régionales d'une part, et organisation de l'espace et aménagement du territoire de l'autre. La question des moyens de financement des collectivités territoriales en général et des régions en particulier se fera de plus en plus pressante. Pour permettre à l'autonomie fiscale de produire ses pleins effets, il est nécessaire qu'elle soit accompagnée de certaines contreparties, notamment un partage équitable et transparent de la fiscalité nationale avec les collectivités territoriales. Il importe que le degré d'autonomie fiscale soit suffisant, c'est-à-dire que les impôts sur lesquels la collectivité a une marge d'autonomie représentent un pourcentage significatif des ressources. Il s'agit aussi de fixer des mécanismes objectifs d'évolution des concours de l'Etat afin d'éviter l'arbitraire, l'instabilité, la dépendance des collectivités par rapport aux aléas de la régulation du déficit de l'Etat.
Quels enseignements tirer des expériences étrangères?
Les exemples étrangers invitent à repenser la fiscalité locale et le mode de financement des collectivités territoriales. De manière générale, l'impôt foncier constitue l'impôt local commun au plus grand nombre de pays avancés. Le poids de cet impôt et la réévaluation régulière de sa base permet par ailleurs de l'utiliser comme un outil incitatif en jouant sur la modulation de l'assiette et des taux, éventuellement par voie contractuelle. C'est ainsi que ces formes de fiscalité incitative, correctement articulées avec une planification spatiale et un zonage bien maîtrisé, un système sophistiqué de fiscalité foncière permettent pratiquement de neutraliser l'impact des règles d'urbanisme sur le prix des biens. Il ressort de ces expériences que la taxe d'habitation est en voie de disparition dans les pays de l'OCDE. Elle est par ailleurs anti-redistributive. Pour compenser le manque à gagner liée à sa suppression, l'Etat procède à une hausse des impôts nationaux. Toutefois, les effets des transferts de charges entre ménages sont différents, selon que la suppression de la TH s'accompagne d'une hausse de l'impôt sur le revenu ou de la TVA. La taxe professionnelle a fait l'objet de réformes dans beaucoup de pays. Elle est généralement remplacée par une Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, un impôt qui a prouvé son intérêt et son efficacité. Enfin, deux options se présentent en général dans les réformes de la fiscalité locale pour mieux adapter son contenu et ses dispositifs au financement de l'aménagement urbain et des territoires: le partage d'impôts nationaux et les dotations garanties. Mais, si du point de vue de l'Etat, partager une recette ou encore allouer une dotation induisent les mêmes conséquences sur le plan financier, en revanche, du point de vue des collectivités, la logique des impositions et des dotations diffère, dès lors que le produit d'un impôt partagé évolue comme son assiette, alors qu'une dotation évolue en fonction d'une norme fixée dans la loi de Finances.
La concertation s'impose
Si elle ne constitue pas un «big-bang territorial», la réforme de la fiscalité locale n'est pas non plus un simple ajustement pragmatique. Elle doit être l'occasion d'une «remise à plat» du système fiscal local actuel, de simplifier le maquis des taxes à faible rendement et présentant des difficultés de recouvrement, d'établir une corrélation entre les services demandés par la population et le coût répercuté. La réforme aurait plus d'impact sur la dynamique des collectivités territoriales si elle était soucieuse de l'adéquation des ressources mobilisées aux compétences qui leur sont dévolues, si elle veillait à la cohérence de ses dispositifs avec les orientations de la politique urbaine et de l'aménagement du territoire, si elle incitait à l'autonomie et à la responsabilité financière des instances locales élues et se construisait sur un socle de gouvernance transparent et efficace. Un processus de réforme réussie suppose un large débat national des négociations entre les associations de collectivités et l'Etat, une vraie démarche de concertation et la conduite d'études d'impact préalables solides et partagées.
Larabi Jaidi,
Enseignant à OCP Policy Center


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