Dans les villes, la pollution atmosphérique est devenue une question de vie ou de mort. L'équivalent de presque 8 millions d'années de vie sont perdues tous les ans du fait des problèmes de santé associés à une mauvaise qualité de l'air. Le secteur des transports contribue dans une large mesure à cette crise mondiale, car une grande partie des polluants que nous respirons au quotidien provient des moteurs de véhicules. Etant donné le rôle vital de la mobilité, le problème est difficile à résoudre. Dans de nombreuses parties du monde, la population est toujours privée d'un accès aux infrastructures et services de transport même les plus basiques. C'est pourquoi il est urgent de trouver des solutions qui permettent de réduire les émissions produites par les véhicules tout en offrant à la population des moyens de transport accessibles, abordables et sûrs. La mobilité électrique est un élément primordial de cette transition. Des voitures aux bus en passant par les deux et trois-roues, les véhicules électriques (VE) ont connu un succès foudroyant sur certains marchés. En 2021, les ventes mondiales de voitures électriques ont doublé pour atteindre le niveau record de 6,6 millions de véhicules. Mais le phénomène se limite pour l'instant à certains marchés comme l'Europe, la Chine ou les Etats-Unis. Les VE offrent de nombreux avantages, et font partie des solutions les plus prometteuses pour atteindre à terme la neutralité carbone dans le secteur des transports. Dans les grandes métropoles comme Le Caire, Jakarta ou Santiago du Chili, aux prises avec une intense circulation automobile, ils sont à même d'améliorer considérablement la qualité de l'air, pour le plus grand bien des habitants. Mais les bienfaits des VE ne se limitent pas à la décarbonation des transports : ils peuvent également contribuer à la réalisation de nombreux autres objectifs de développement. Dans des pays comme le Mali ou le Burkina Faso, où l'insuffisance de transports publics rend toujours difficile l'accès à l'emploi, à l'éducation et aux services de santé, les véhicules électriques à deux ou trois roues peuvent permettre de résoudre les problèmes de mobilité « du dernier kilomètre » auxquels sont confrontés de nombreux habitants à faible revenu. Un nombre croissant de pays en développement cherchent à tirer parti du potentiel de la mobilité électrique, et la Banque mondiale accompagne déjà cette volonté de transition dans plusieurs régions du monde. En Inde, par exemple, elle examine actuellement avec les autorités — et aux côtés d'autres partenaires — comment accompagner un ambitieux programme visant à développer les deux et trois-roues ainsi que les bus électriques. Forte de son expertise en la matière, la Banque a également mis en place des programmes d'assistance technique pour soutenir la mise en place de bus électriques dans de multiples grandes villes à travers l'Amérique latine, l'Asie et le Moyen-Orient. Malgré ces avantages, force est de constater que le déploiement des véhicules électriques reste assez timide à l'échelle de la planète. Une des principales raisons qui expliquent ce retard à l'allumage : jusqu'à récemment, les VE étaient trop chers par rapport aux véhicules à motorisation thermique. En effet, ils coûtent à l'achat parfois jusqu'à 70 à 80 % de plus que les véhicules traditionnels. Ce facteur a représenté jusqu'à présent un obstacle majeur à l'adoption des VE, tant pour les consommateurs que pour les pouvoirs publics qui chercheraient à rendre leurs flottes plus écologiques. Cependant, une nouvelle étude de la Banque mondiale montre que la donne est en train de changer, et ce, plus vite qu'on ne pourrait le croire. Cette analyse se penche sur l'économie de la mobilité électrique dans les pays à revenu faible et intermédiaire, en prenant en compte le prix d'achat des VE (prix actuel et projections dans les dix ans à venir), ainsi que les économies potentielles en termes de carburant et d'entretien. Elle comptabilise également leurs bienfaits pour la santé et pour l'environnement, traduits en termes monétaires. Il en ressort clairement que le développement de la mobilité électrique présente plus d'intérêt économique que jamais. Dans la moitié des pays que nous avons analysés, notre étude montre que les véhicules électriques présentent d'ores et déjà un bilan économique plus favorable que les véhicules traditionnels, en particulier concernant les bus et les véhicules à deux ou trois roues. Dans les années qui viennent, il est probable que les prix à l'achat continuent de baisser et renforcent encore davantage l'attractivité des véhicules électriques, grâce notamment à l'évolution des technologies et à l'instauration de procédures plus efficaces dans les passations de marchés publics. Bien sûr, les VE ne peuvent à eux seuls résoudre tous les problèmes de transport auxquels font face les pays en développement. Leur adoption doit s'inscrire dans une stratégie plus large de transition vers une mobilité durable. Pour y parvenir, on pourrait notamment investir en priorité dans l'électrification de moyens de transport offrant une efficacité et une capacité élevées, comme par exemple le bus à haut niveau de service (BHNS). L'expérience sur le terrain montre que l'électrification des transports collectifs peut être une excellente façon de réduire les émissions de carbone, tout en offrant aux populations des moyens de déplacement fiables et bon marché. Les véhicules à deux ou trois roues présentent eux aussi un fort potentiel. Enfin et surtout, les gouvernements peuvent investir dans des bornes et autres équipements de recharge. La présence d'infrastructures de recharge fiables représente en effet un facteur déterminant dans l'achat d'un véhicule électrique, plus encore que les subventions et autres mesures incitatives. Il est crucial d'accélérer les progrès vers la mobilité durable dans les pays en développement, et les véhicules électriques sont amenés à jouer un rôle déterminant dans cette évolution. Tous les pays doivent se doter d'un plan pour intégrer la mobilité électrique dans leur stratégie de transports et identifier les investissements les mieux adaptés au contexte local. La Banque mondiale se tient prête à soutenir chaque étape de cette transition. Avec Riccardo Puliti (Banque Mondiale)