Ecrit par I. Bouhrara | On en sait un peu plus sur les axes stratégiques de la réforme du cadre réglementaire relatif aux marchés publics. Cette réforme veut répondre à l'impératif de la relance de la machine économique post Covid-19, le programme gouvernemental ayant fait de la commande publique un véritable levier de croissance, de trouver un juste équilibre entre les exigences différentes des différents intervenants dans les marchés publics, et réaliser une convergence entre l'offre des entreprises et les besoins des entreprises de manière à garantir la qualité des prestations avec un coût raisonnable. Depuis le décret de 2013, le cadre réglementaire des marchés publics ne cesse d'être réformé pour plus de transparence et une meilleure gouvernance mais aussi pour prendre en considération les différentes mutations sur le plan économique mais également réglementaire et technologique. Mais des réformes qui nécessitent d'être renforcées davantage pour permettre à la commande publique de remplir le rôle qui est sien : principal moteur de l'économie marocaine ! Elle l'est devenue d'autant plus post Covid-19 pur amorcer la relance économique tant attendue pour un secteur privé bien balloté après deux ans de pandémie. Elle occupe d'ailleurs une place prépondérante dans le programme gouvernemental 2021-2026 avec des objectifs ambitieux en matière de meilleure répartition territoriale, une plus grande efficience sur le plan économique ou encore accorder une plus grande place à la préférence nationale. Aujourd'hui encore, les marchés publics sonnent dans la tête des entreprises marocaines particulièrement les PME et TPE comme un marathon de procédures. La réforme prônée et présentée par le ministre délégué auprès du ministère de l'Economie et des Finances chargé du budget, Fouzi Lekjâa, implique justement de passer d'un système procédural à une approche moderne de gestion de l'achat public. EcoActu.ma a pu obtenir les détails de la réforme préconisée telle que présentée lors du Conseil du gouvernement tenu le 9 juin qui repose sur 13 axes stratégiques et comporte 63 mesures. Une réforme dictée par un contexte national et international en profondes et rapides transformations. Mais aussi, doit-elle prendre en considération les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Une réforme qui tend à renforcer le mécanisme de la préférence nationale, le soutien à la valeur ajoutée locale, la modernisation des méthodes des achats publics, la promotion de l'innovation, la simplification des procédures, la consécration des dimensions économique, sociale et environnementale des marchés publics, l'amélioration de la gouvernance et la consolidation de la transparence. En détails, Fouzi Lekjaa a déroulé devant les membres du Conseil du gouvernent les 13 axes stratégiques de la réforme attendue. Et le premier axe de la réforme des marchés publics est l'élargissement du champ d'application du décret de loi, dont l'article 2 le limite aux EEP dont la liste est fixée par arrêté du ministre des Finances. Ce qui se traduit par une multiplicité des régimes particuliers et une absence de codification des textes réglementant les marchés publics. Dans ce sens, la réforme tend à élargir le périmètre du décret à l'ensemble des EEP bénéficiant de ressources allouées ou des subventions accordées par l'Etat, en prenant en considération les particularités de chaque établissement. Aussi, il est proposé d'adopter un Référentiel unique d'application du décret sur les marchés publics qui intègre l'ensemble des organismes et services de l'Etat, en lieu et place de régimes exceptionnels dont jouissent encore certaines institutions tel que le CESE, par exemple. Le périmètre d'application du décret sur les marchés publics devrait également inclure les contrats conclus entre les secteurs public et privé, les travaux réalisés à l'étranger au profits d'organismes et services publics sis à l'étranger ainsi que quelques accords conclus entre EEP exemptés de l'application dudit décret. En matière de renforcement de la préférence nationale, la réforme devrait introduire de l'appel d'offres national exclusivement dédié aux entreprises nationales lorsque le montant estimé du marché est égal ou inférieur à dix millions de dirhams hors taxes pour les marchés de travaux et à un million de de dirhams hors taxes pour les marchés de fournitures et de services. Aussi, l'article 155 du décret devrait être amendé pour que le seuil maximum de 15 % dédié à la préférence nationale devient désormais un seuil fixe, en d'autres termes chaque marché doit réserver 15% à cet objectif. Une clause de recours au savoir-faire des artisans pour les marchés comportant une composante artisanale est également introduite ainsi qu'une clause de recours aux experts nationaux par les concurrents étrangers soumissionnaires aux marchés portant sur les études, y compris les marchés de conception et de développement des systèmes d'information, aux ressources nationales. Et ce dans le cadre du renforcement de la valeur ajoutée locale. Par ailleurs, parmi les nouveautés qui devront être apportées par la réforme est celle de l'introduction du dialogue compétitif qui est un mode de passation des marchés portant sur des projets de nature complexe ou des projets innovants pour lesquels le maître d'ouvrage n'est pas en mesure de définir, par ses propres moyens, les besoins à satisfaire ou les conditions techniques de réalisation du projet et le montage juridique et financier y afférent. Le recours au dialogue compétitif est soumis à l'autorisation préalable du chef de gouvernement après avis de la commission nationale de commande publique. Pour ce qui est du gardiennage et du ménage, il est proposé de remplacer l'appel d'offres sur offres de prix par l'appel d'offres à majoration pour éviter tous les problèmes à caractères sociaux... Pour ce qui est des évaluations des offres, une mesure prévoit l'élimination systématique des offres anormalement basses. De même que la réforme prévoit la création de l'observatoire de la commande publique. A noter également pour les PME, TPE et autoentrepreneurs, la réforme fixe la caution provisoire à 2% comme seuil maximum de l'estimation du marché. Dans sa présentation, Fouzi Lekjâa a également dévoilé les réformes complémentaires programmées entre 2022 et 2026. Il s'agit notamment de la réforme du Cahier des clauses administratives appliquées aux marchés des services générales (CCAG-Services) ainsi que la réforme Cahier des clauses administratives appliquées aux marchés d'études et de maîtrise d'œuvre (CCAG-EMO). Le ministère planche sur la réforme du système de cautionnement ainsi que la mise en œuvre de la cartographie des risques pour les marchés publics. Deux autres défis se posent actuellement, celui de la mise en œuvre des recommandations de l'étude sur la dimension économique des marchés publics mais aussi sur le référentiel des prix dans les marchés publics. 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