Dans un marché publicitaire mondial en pleine mutation, bouleversé par les changements dans les habitudes d'usage des médias, l'investissement total du marché marocain d'achat d'espace publicitaire est estimé en net à 3.4 milliards de DH, selon plusieurs sources disponibles sur le marché en 2016. Le Maroc est ainsi un des marchés les plus dynamiques en Afrique du Nord. Cet investissement est dominé par la télévision et l'affichage à 30% chacun, la radio draine 25% et la presse se situe à moins de 15%. Face à cette pléthore publicitaire et à l'encombrement des médias classiques, le consommateur devient de moins en moins sensible au message publicitaire dans ses formats classiques. Par conséquent, une bonne partie des messages publicitaires ne créent plus l'émotion recherchée par la marque, chose qui pousse les publicitaires à reconsidérer leurs stratégies de construction des marques « Brand Building ». Ce constat a été soulevé lors de la conférence organisée par l'Association Marocaine du Marketing et de la Communication (AMMC), sous le thème « Le marché publicitaire au Maroc, entre contraintes et transformations ». Un débat qui a réuni les acteurs du marché du marketing et de la publicité. La rencontre a été animée par Hicham Mekouar, directeur développement et stratégie du groupe Matin Soir, Abdellah Bniaiche, vice-président responsable de la stratégie, du marketing et de la chaîne d'approvisionnement de McDonald's Morocco, Marouane Harmach, directeur associé du cabinet Consultor et Boutaina Tazi, directrice générale de Mindshare Maroc. Depuis cinq ans, le digital connaît un taux de croissance à deux chiffres. En l'absence d'outils fiables de mesure, les publicitaires estiment que le total des investissements en achat d'espaces dans le digital varient entre 200 et 300 millions de DH. Le Maroc est dans la configuration mondiale qui veut que Facebook et Google drainent 60 à 68% de cet investissement. En l'absence de plateformes digitales maroco-marocaines qui pourraient attirer les mêmes flux d'audiences que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), ce ratio continuerait à se stabiliser, voire évoluer, ont estimé les intervenants. Force est de constater que l'évolution du digital est alimentée par des tendances durables d'ordre technologique (le mobile réuni à lui seul tous les médias), géographique (la possibilité de travailler avec des acteurs internationaux), opérationnels (la capacité pour l'annonceur de monter sa campagne de bout en bout, sans l'intervention d'autres acteurs et la poster sur une plateforme internationale). Une évolution d'autant plus favorisée par la possibilité de traitement et d'exploitation des données que n'offrent pas la presse écrite et difficilement les autres médias, et qui permet de nouvelles libertés pour les annonceurs, y compris la possibilité de créer des dispositifs immersifs et non-agressifs pour l'utilisateur. Les intervenants ont insisté sur le fait que le digital ne doit pas être appréhendé comme une finalité, mais plutôt comme une pensée agile qui vise à privilégier l'émotion qui est et sera toujours l'un des fondamentaux de la publicité et du brand content. Il servira avant tout de moyen pour créer des formats plus adaptés que les formats télévisuels. Ajouté à cela le multicanal, les publicités peuvent être ainsi plus denses et plus riches. Cela veut-il dire que les médias classiques vont disparaître ? Pas du tout. Ils devront cependant changer de position, prendre leur part de l'évolution technologique et adapter, comme toute entreprise d'ailleurs, une stratégie de diversification, insiste Hicham Mekouar. Les effets de la digitalisation sur les organisations sont multiples et la manière de l'aborder se focalise sur une composante clé du changement : la formation des collaborateurs au digital avec des enjeux d'agilité pour lesquels ils ne sont pas suffisamment préparés. Il faudrait également que les annonceurs, en leur qualité de donneurs d'ordres, fassent challenger l'écosystème et que les vrais professionnels fassent leur apparition, selon Abdellah Bniaiche. Ces réflexions ont été partagées lors de la rencontre organisée à Casablanca par l'AMMC à l'ESCA Ecole de Management.