On les a vus se battre au sabre, ou au moins à coups de poings. Comme chaque année, Ramadan a été l'occasion pour beaucoup de laisser libre cours à leur violence, transformant un mois «sacré» en foire d'empoigne. par Noréddine El Abbassi C'est chaque année la même chose. A se demander si jeûner, autorise tous les débordements. On dit pourtant que Ramadan est un mois de paix et de recueillement, alors que souvent, il se transforme en «foire d'empoigne». Pleine heure de pointe à Casablanca le premier lundi du mois, l'air chargé de pollution, de bruits de klaxons et d'échanges d'insultes. La tension est palpable, pour Mohamed, chauffeur de taxi, qui reste calme. «Mramamdnin», commente-t-il. Et encore heureux que ces scènes d'échanges de noms d'oiseaux entre automobilistes, restent limitées aux mots. C'est plus loin, sur le marché aux légumes de Derb Ghallef qu'il faut se rendre pour prendre la mesure du phénomène. En plein milieu de la rue, un homme s'égosille dans la rue, prenant les gens à témoin. A proximité, deux chalands en viennent presque aux mains, pour des motifs futiles. Ramadan, c'est la «guerre». Pendant la trêve «piétiste», Casablanca prend des airs de ville assiégée. Il n'est pas rare qu'en se promenant au Centre Ville, près du Bd Mohammed V, on se fasse bousculer intentionnellement, et «provoquer» une bagarre. Là, on nous explique que c'est pour mieux dépouiller les esprits chauds lors de l'empoigne. Ce qui fait dire à Adil, banquier de 33 ans, que : «c'est fou, les gens ne sont pas dans leur état normal. On dirait que tout le peuple marocain prend de la drogue». Là où Houda explique : «ce ne sont pas les fumeurs, en manque, qui posent le plus de problèmes. Je dirais que les gens sont sur les nerfs sous les effets conjugués de la chaleur, la soif et le manque de sommeil, qui les mettent sous pression. En plus probablement de quelques problèmes de tension je suppose». Houda, 35 ans, n'est pas médecin, mais devant le sujet glissant, les professionnels n'ont pas répondu. La mauvaise humeur comme preuve de religiosité Le fait est qu'à sortir en ville, on se rend compte que la tramdina serait presque une «preuve de jeûne». Comme si en affichant leurs cernes, leur mauvaise humeur, les Marocains seraient «inconsciemment» assurés, que tout leur sera pardonné. Voire même des comportements agressifs, qu'on ne leur passerait aucunement le reste du temps. Exemple s'il en faut, cette altercation entre un automobiliste et un chauffeur de taxi. Le lieu? Riviera, non loin de Derb Ghallef. Leur conduite était «mauvaise», comme d'«habitude», sauf que cette fois-ci passant de noms d'oiseaux, passagers et chauffeurs ont fini par sortir de leurs véhicules et en sont venus aux mains. «On en arrive à se dire que si c'est pour se comporter comme des sauvages, ces gens-là feraient mieux de s'abstenir de jeûner», commente Abdo, 63 ans et passager du taxi. Cette conclusion, on l'entend souvent dans les cafés de la ville, entre jeunes et moins jeunes, jetant la pierre aux autres, voyant l'épi dans l'oeil du voisin, mais la poutre dans le sien. Et dans le même temps, la presse relaie des commentaires sur la dépénalisation de la rupture du jeûne en public autour d'arguments tels que: «si on punit des gens qui n'appliquent pas la religion, c'est que l'on a échoué à la leur faire aimer». Au point que Ahmed Raissouni, théologien et figure marquante du Mouvement Unicité et Réforme, l'aile prédicatrice du PJD, expose: «le jeûne est une question de conscience», tout en pointant qu'il faut une excuse admise par l'Islam. Contrôler ses pulsions et adopter un comportement «saint», ou moins de recueillement pendant ce mois sacré est une obligation. Ne pas être capable de s'y conformer devrait ouvrir la porte à ne pas jeûner tout bonnement…