L'information fait lentement son chemin. Il semble que des opérations de recrutement aient été lancées. Info ou intox ? Les professionnels en la matière parlent d'une sensible relance, mais les raisons ne sont pas uniquement conjoncturelles. Analyse. Les annonces de suppressions d'emplois et les images des sites de production qui ferment leurs portes commencent à saper sérieusement le moral des Marocains. Le choc des images. Certes, ces mesures draconiennes ne concernent pas le Maroc. Mais il n'y a qu'un pas pour céder à la panique. Et puis, lentement, des offres d'emplois se font plus visibles. Et la dernière, c'est bien l'annonce officielle du groupe Kerzner, qui pour le compte de Mazagan Beach Resort, lance une opération des plus originales en matière de recrutement. «Pour le recrutement de ses 1.200 collaborateurs, Mazagan Beach Resort organise une caravane de recrutement sur Casablanca, Marrakech, Tanger, Agadir, Rabat et Casablanca», déclare-t-on auprès du développeur de la station touristique d'El Jadida. Le coup d'envoi en a été donné le 15 juin dernier. L'emploi sera-t-il épargné ? Ou bien, le pays bénéficie-t-il d'une certaine conjoncture ? En corroborant les différents constats émis par les professionnels de l'emploi et du recrutement, une embellie serait possible. «Depuis deux mois, les entreprises commencent à dégeler le recrutement», témoigne Alexandra Montant, DGA chez Rekrute.com, site de recrutement en ligne. Si la situation qui prévalait durant les premiers mois de cette année tenait du «stand-by», aujourd'hui, ce n'est pas l'euphorie. «Auparavant, suite à des départs ou à la vacance d'un poste, les entreprises ne se précipitaient pas ; elles prenaient leur temps avant de lancer la procédure de remplacement», ne manque-t-elle pas de préciser. Et d'ajouter que les niveaux enregistrés ces derniers temps sont loin de s'aligner sur ceux généralement atteints. La relance reste sensible Même son de cloche auprès du cabinet DIORH. «La relance reste sensible. Elle n'affiche pourtant pas les niveaux enregistrés durant la même période, les années précédentes », indique à ce propos Essaid Bellal, directeur général. Les explications qu'il apporte ne manquent pas d'acuité. En effet, de parole d'expert, il se trouve qu'il existe une donne sur ce marché. C'est ainsi que généralement, vers les mois de mai et juin de chaque année, on assiste à un regain de recrutement. Toutefois, notre interlocuteur insiste, «cette année, il n'est pas au même degré». Du côté d'un cabinet spécialisé dans le recrutement des dirigeants et des cadres supérieurs, IBB Management, les choses commencent également à bouger depuis deux à trois mois. Mais, le tassement enregistré depuis le début de cette année ne trouve pas uniquement ses origines dans la crise. «Eu égard à notre population, cette période a été marquée par la clôture des budgets et des organigrammes qu'élaboraient les entreprises», confie Abdelaziz Bennis, directeur général. Si certains, comme Alexandra Montant, reconnaissent que «tout le monde était inquiet, nous l'étions et les entreprises également ». D'autres, en revanche, mettent en avant le fait que «les opérations de recrutement sont lentes, elles s'étalent plus dans le temps», déclare Essaid Bellal. À titre d'illustration, dans le secteur des nouvelles technologies avec l'installation de nouveaux opérateurs, l'embauche se fait au compte-goutte. Quels sont donc les secteurs à la recherche de nouvelles têtes ? De l'avis des professionnels, viennent en tête de liste les métiers de la banque, de la finance et des assurances. Le mouvement de recrutement concerne également les secteurs de la distribution et de l'énergie. Celui de la construction intégrant l'immobilier et le BTP n'est pas en reste. «Si l'immobilier de luxe connaît un certain ralentissement, force est de reconnaître que les segments intéressants, le logement social et économique ont toujours le vent en poupe. La demande n'est pas prête de se tarir. Le même raisonnement peut aussi être tenu en ce qui concerne l'immobilier touristique», précise à cet effet, le directeur général d'IBB Management. Question essentielle: qui recrute ? La question incontournable demeure : qui recrute? La réponse de Essaid Bellal plante le décor. «Ce sont les entreprises nationales qui se lancent le plus dans le recrutement. Au niveau des multinationales, nous ressentons un certain gel en la matière». Ces dires sont corroborés par les autres professionnels. «Différentes raisons expliquent cette situation. D'une part, des investissements sont en cours et continueront jusqu'à la fin de l'année. Ensuite, au Maroc, on assiste également au phénomène de préparation de la relève. De nombreuses compétences partent à la retraite et l'heure est à la préparation des cadres supérieurs à faire leur entrée dans les comités de direction», témoigne à ce sujet Abdelaziz Bennis. Il poursuit ses explications en indiquant que de nombreuses entreprises sont en cours de restructuration, ce qui se traduit par la création de nouveaux débouchés et de nouvelles stratégies. Ces dernières concernent tout particulièrement les entreprises qui pénètrent le giron du privé, mais intéressent également celles qui sont en train de mettre en branle des opérations de repositionnement. Qu'en est-il des multinationales ? Notre expert confie sur la base de son expérience que les filiales locales, voire maghrébines, ne sont pas aussi impactées que celles implantées à l'étranger. Il semble même que dans la région, elles continuent à maintenir leur croissance, toutefois pas au même rythme que l'année précédente. Alors terminée la période des vaches maigres pour le business du recrutement ? « D'ici à la fin de cette année, on ne peut pas véritablement parler d'embellie ; mais les choses devront s'arranger plutôt d'ici l'année prochaine», estime Essaid Bellal. Toujours est-il qu'un sentiment d'espoir renaît… DRH, la perle rare ! Aux côtés des compétences toujours vedettes dans les métiers de commerciaux et ceux de la Finance dans sa globalité, la grande star est aujourd'hui, la fonction RH (ressources humaines). «Elle est très recherchée», déclare Essaid Bellal, DG de Diorh et soutenu par Abdelaziz Bennis, DG d'IBB Management : «l'entrée en force est celle des directeurs de ressources humaines». C'est une véritable évolution en termes de nouvelles compétences que connaît ce métier. Les professionnels reconnaissent que le profil n'a jamais compris autant de spécificités. Il est attendu de ces personnes la capacité d'optimiser la mise en œuvre de nouvelles visions, la gestion des organisations et le développement de procédures en matière commerciale. «Nos recherches portent aujourd'hui sur des profils aptes à accompagner à la fois l'entreprise dans sa mise à niveau et dans ses grands chantiers stratégiques», explique-t-il. Alors par grands chantiers, il faut entendre, aussi bien la gestion du recrutement, de la formation. Mais également la gestion de carrière et par là-même celles des compétences et de la préparation de la relève. Et puis dans ce contexte de difficultés économique, il incombe également aux DRH de se pencher sur la gestion du rendement dans une situation de baisse de profits. Des profils rares qu'il faut dégotter par tous les moyens.