Alliances Développement Immobilier grandit encore une fois. Elle rachète deux entreprises dans le secteur du BTP. Si synergies et optimisation des coûts sont les motivations avancées pour justifier cette opération, les véritables raisons se trouvent ailleurs… Depuis son introduction en bourse en juin 2008, on a l'impression que plus un mois ne se passe sans qu'Alliances ne fasse la une de la presse économique. En début de semaine dernière, les rumeurs les plus folles ont circulé autour de la suspension de son cours en bourse. Certaines d'entre elles se faisaient l'écho de la victoire du consortium dans lequel figure Alliances dans l'appel d'offres relatif au Parc Sindibad de Casablanca. D'autres mettaient en avant la désormais nécessaire institutionnalisation du tour de table d'Alliances et annonçaient en conséquence l'entrée dans le capital de la CDG. Mais il n'en est rien. «Le Groupe Alliances, en vertu du protocole d'accord signé le 22 mai 2009, acquiert 69 % du Capital de EMT et 69 % de Somadiaz aux côtés de Moroccan Infrastructure Fund, qui acquiert pour sa part 26 % du capital des deux entreprises», indique un communiqué de presse d'ADI envoyé le 27 mai dernier. Au total, c'est 95% des de EMT et de Somadiaz qui sont cédés pour un montant global de 365 millions de dirhams. Jusqu'où ira Alliances? Si jusqu'à présent, Alliances a mené des opérations de prises de participations ou d'acquisitions directement dans le secteur de l'immobilier, aujourd'hui, avec EMT et Somadiaz, elle marque un véritable revirement. Alors pourquoi un tel changement de stratégie ? Voilà la réponse du management d'Alliances via son communiqué de presse: «Ces acquisitions par le Groupe Alliances s'inscrivent dans la droite ligne de la stratégie d'intégration opérée depuis plusieurs années. En effet, en internalisant certaines compétences, le Groupe disposera de l'expertise requise dans la réalisation de ses projets, notamment dans les programmes Resorts Golfiques. Cette opération créera ainsi des synergies certaines et permettra d'optimiser les coûts de développement «. Une réponse qui ne semble pas convaincre les professionnels de la place, du moins ceux de la sphère financière. «C'est une opération qui, je dois dire, reste plutôt surprenante. Car prendre une participation dans une entreprise de travaux publics (réalisation d'aéroports et de barrages principalement) n'entre pas franchement dans le cœur de métier d'Alliances. Et ce n'est pas non plus une opération d'intégration verticale comme le présente le groupe Alliances dans son communiqué, car les deux entreprises acquises sont plus actives dans les travaux publics et non dans le bâtiment», s'étonne un analyste financier. Et d'ajouter: «cela dit, Alliances semble avoir l'intention de créer une ligne de métier bâtiment au sein d'EMT afin de poser les premiers maillons pour réaliser la fameuse intégration verticale dont il est question. Mais sans cela, elle n'existe pas». Une assurance de rentabilité pour les 2 prochaines années A supposer qu'Alliances crée effectivement un pôle bâtiment, le groupe pourra, comme il le prétend, optimiser ses coûts de développement. Mais ce n'est pas là sa principale motivation. Car EMT et Somadiaz présentent des atouts autrement plus intéressants, qui peuvent s'avérer vitaux pour Alliances dans les deux années à venir. Etant donné le carnet de commandes fermes que présente EMT à elle seule, soit 1,5 milliard de dirhams, en réalité, Alliances s'assure contre les aléas du marché de l'immobilier pour les deux années à venir. Car le principal client d'EMT n'est autre que l'Etat, et celui-ci ne compte pas revoir ses projets à la baisse, quelle que soit la conjoncture nationale et internationale. Une analyse que l'on ressent également chez Attijari Intermédiation. «(…) L'exposition importante du groupe dans l'immobilier touristique peut sembler risquée, eu égard à l'état de la conjoncture. Néanmoins, afin d'y faire face, le promoteur a entamé un programme de diversification dans l'immobilier intermédiaire devant lui permettre d'être positionné dans ce segment à hauteur de 44% à l'horizon 2010, contre 30% en 2009. Aussi, le faible niveau d'endettement du groupe lui donne une marge de manœuvre importante pour concrétiser ses projets et faire face à un éventuel ralentissement «. Autrement dit, après s'être peu à peu orienté vers l'habitat intermédiaire pour pallier au ralentissement dans le haut standing, et peut-être le resort golfique, Alliances se prémunit contre tous les risques dans le secteur de l'immobilier en sortant de son core business, pour compenser la panne du logement haut standing. Une opération possible car jusqu'à présent, le groupe immobilier n'avait pratiquement pas de dettes. «Avec un si faible niveau d'endettement, il faut s'attendre à ce qu'ADI rachète d'autres entreprises. Cette opération n'est qu'un début», pense un observateur du secteur. Seulement, la boulimie dont fait preuve la valeur montante de l'immobilier ne risque-t-elle pas de mettre en péril son développement via des rachats tous azimuts ? « Il est clair qu'avec EMT et Somadiaz, Alliances réalise là une bonne opération, car elle est accompagnée par le Moroccan Infrastructure Fund. Ce qui lui permet d'être majoritaire dans les deux entreprises sans pour autant aller au-delà de ses moyens, puisqu'elle va garder un niveau d'endettement maîtrisable et confortable», explique l'analyste d'une société de bourse. D'ailleurs, c'est une opération win-win pour ce fonds d'investissement co-géré par Attijari Invest, filiale d'AttijariWafa, la banque d'Alliances. Spécialisé dans la prise de participation dans les projets d'infrastructure, le MIF va accompagner Alliances tout en profitant de son savoir-faire. Cependant, de l'avis de nombreux opérateurs, et malgré son faible niveau d'endettement, Alliances devrait marquer une pause dans cette vague de prises de participations majoritaires en général, pour consolider l'acquis. «Désormais, il serait plus prudent de garder ce levier de financement dont elle dispose encore pour l'utiliser dans son cœur de métier, afin de garder une marge de manœuvre en vue acquérir du foncier si l'opportunité se présente», conclut un spécialiste de l'immobilier.