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Commerce exterieur : Un plan pour vendre quoi?
Publié dans Challenge le 09 - 05 - 2009

Maroc Export Plus, c'est la dénomination du dernier-né de la famille des plans gouvernementaux. Sauf que le benjamin des plans est présenté comme un complément de ses aînés sectoriels, ce qui est insuffisant pour ceux qui s'attendaient à ce qu'il marque l'avènement d'une vraie plateforme pour les secteurs exportateurs. Toutefois, c'est l'insuffisance au niveau du volet «Offre » que regrettent le plus les opérateurs privés, absents d'ailleurs à la présentation de ce plan. Le ministère du Commerce extérieur a axé sa démarche sur une étude réalisée par un cabinet indépendant qui a préconisé une approche typologique pour les opérateurs à l'export et les marchés qu'ils ciblent. Le but de cette démarche est de créer des champions nationaux de l'export et de sortir le pays de son déficit commercial structurel.
Ouverture oblige, le Maroc a signé ces dernières années des accords de libre-échange (ALE) avec 55 pays. Si l'on rajoute à cela les accords préférentiels signés avec 23 autres pays, cela nous donne potentiellement accès à un marché d'un milliard de consommateurs. Abdelatif Maazouz, ministre du Commerce extérieur, va même plus loin : « Ce potentiel d'un milliard de consommateurs peut même être théoriquement porté à 4 ou 5 milliards vu le différentiel dans le pouvoir d'achat avec les consommateurs dans les pays développés». En tout état de cause le potentiel est là et ces accords sont censés servir d'autant de facilitateurs pour les exportateurs nationaux. Toutefois, la donne peut être appréhendée d'une toute autre manière à la lumière de la dégradation du déficit commercial. Ce dernier s'est significativement aggravé ces dernières années. La balance des paiements est ressortie nettement en déficit en 2008. Abdelatif Maazouz avance dans ce sens : «La marge de manœuvre est très faible sur nos importations parce qu'en grande partie, ce sont des importations structurantes nécessaires à notre développement économique». La conclusion est donc simple, c'est la dynamisation des exportations qu'il faut lorgner. C'est ainsi que le ministre explique à l'assistance venue découvrir le plan Maroc Export Plus : «On a besoin d'un véritable accélérateur et c'est dans cette logique que le plan s'inscrit», avant de rajouter : «L'état se doit de faciliter, d'orienter et de planifier mais ce sont les opérateurs privés qui exportent». Cette affirmation est certes très pertinente, mais non confirmée par la présence de ces opérateurs privés. En effet, les arcanes de la toute nouvelle bibliothèque nationale, qui abritait mercredi 6 mai la présentation du plan national pour la promotion des exportations, étaient incroyablement dépourvues d'opérateurs privés. Ce fait est certes symbolique, mais non moins significatif, vu que ces opérateurs jouent le premier rôle dans la pièce de l'export. Saad Benabdallah, directeur général de Maroc Export, souligne d'ailleurs l'importance de leur rôle : « La collaboration du secteur public avec le privé est cruciale». Les officiels expliquent d'ailleurs que le privé a été consulté lors de l'avancement de l'étude, mais le fait qu'il soit absent lors de la présentation du plan n'est pas pour rassurer sur l'état de cette collaboration. Les opérateurs privés contactés pour les besoins de ce dossier se sont tous terrés dans un silence prudent, et pour cause, ils ne veulent pas risquer que le courroux du ministère s'abatte sur eux. Au-delà de l'absence des opérateurs privés, c'est le fait que ce plan soit présenté comme un complément aux autres plans sectoriels du gouvernement qui a interpellé les oreilles alertes de l'assistance. En effet, il est évident que le ministère du Commerce extérieur doit se positionner en tant que relais des autres ministères sectoriels pour le volet commercialisation. Toutefois, cela ne veut aucunement dire que rassembler les volets commercialisation des plans déjà établis fasse de facto un nouveau plan distinct. Ainsi, certains s'attendaient à ce que cette présentation soit l'occasion de l'avènement d'une véritable plateforme opérationnelle de l'exportation marocaine. Au lieu de cela, des voix chuchotent de manière officieuse : «Le plan décline des aspects plutôt théoriques. Et la question de l'opportunité d'un tel plan est d'actualité». Or, si l'on suit l'actualité, c'est la crise qui la fait aux quatre coins du globe. Ainsi, même si l'impact de celle-ci sur l'économie du royaume est tout relatif, son impact est indéniable sur les marchés cibles.
Protectionnisme...
Les gouvernements des pays concernés se défendent de tout protectionnisme à ce propos. Il y a tout de même un protectionnisme spontané du consommateur et plus encore, qui peut être déguisé de la part des Etats. «Ce n'est nullement un plan anti-crise», argue le ministre, avant d'ajouter : «Le comité de veille a planifié des mesures sectorielles anti-crise et cela ne concerne pas ce plan qui s'inscrit plutôt dans la continuité». C'est donc une démarche long-termiste, qui se base sur les conclusions de l'étude menée par le cabinet Booz-Allen Hamilton. Mais, si le plan se focalise sur les secteurs exportateurs et les marchés cibles, il semble seulement caresser le volet offre, selon les dires des opérateurs privés. Or, ce volet est des plus importants et le propos du directeur général de Maroc Export résume très bien la démarche à suivre : «Il faut produire ce que l'on peut vendre et non vendre ce que l'on produit». En effet, en temps de crise, il est important de coller au plus près aux besoins du consommateur dans les marchés qu'on veut toucher. D'autre part, il est tout aussi important de présenter des produits à valeur ajoutée et différenciés pour pouvoir contrecarrer une concurrence exacerbée en temps de crise. « L'une des priorités du chantier de l'exportation est d'améliorer l'offre exportable. Les consortiums constitués ou sur le point de l'être misent particulièrement sur l'élaboration de l'offre produit. Et le consortium s'avère être le meilleur instrument pour la PME dans cette perspective », estime Abdelali Berrada, membre du comité de pilotage du projet de consortiums. C'est également la logique de marché de nos opérateurs qui est à souligner. Un opérateur du secteur du textile tente d'illustrer la tendance des exportateurs nationaux à ne pas intégrer le fait : « nous avons oublié que nous vendons à un marché, sans nous interroger continuellement sur les attentes de ce dernier ». D'ailleurs, les besoins évoluent. Et c'est surtout sous couvert de troc que se réalisent les opérations d'échanges commerciaux.
Liquidié monétaire
Par les temps qui courent, la liquidité monétaire se fait rare dans la majorité des pays étrangers, et c'est une autre logique qui apparaît durant les transactions commerciales. « C'est à ce niveau qu'il faut préconiser des solutions », entend-on de toutes parts. Repenser la logique de marché, c'est bien là le questionnement. Pour certains observateurs, comme Ghali Benkirane, consultant en commerce international, « le ciblage des marchés ne consiste pas uniquement à en dresser une liste. Mais c'est en termes de collecte d'informations fiables à travers le réseau des conseillers économiques des ambassades que cela peut se réaliser ». En d'autres termes, il s'agit de « détailler la monographie économique des pays ciblés », en faisant le suivi des modes de consommation. La cartographie des marchés, présentée par le ministère de tutelle, pêche par son manque de pertinence. Dans le sens où le gros de l'effort promotionnel, soit un taux compris entre 60 et 65%, portera sur les marchés dits stratégiques, des marchés traditionnellement prospectés par les opérateurs nationaux. Sachant qu'en période de crise, les mesures protectionnistes sont à l'ordre du jour. Et ce n'est un secret pour personne. M. le ministre a même confié que la veille, à l'OMC, « nous avons attiré l'attention sur le fait que les partenaires qui ne tiennent pas les leurs soient rappelés à l'ordre ». Par ailleurs, l'autre malaise réside dans la conception des marchés dits adjacents. Ces derniers présentent de grandes similitudes avec les précédents. C'est uniquement en termes de volume et de genre de produits que la différenciation se fonde. Puis, ceux tant attendus, les marchés niches, restent très limités. Les pays d'Amérique Latine et ceux de l'Afrique australe n'ont pas été intégrés dans le ciblage. Interrogé à ce propos, Abdellatif Maazouz a une réplique sans appel : « nous ne pouvons pas être partout ». Certes, mais l'élargissement des marchés potentiels reste une condition clé dans l'évolution des exportations. D'autant plus que les pays de cette région de l'Afrique, notamment, représentent une manne inestimable. Le processus d'implantation de certains opérateurs du pays montre que les attentes des consommateurs de la contrée sont particulièrement satisfaites par les produits marocains. Quels seront dès lors les principaux acteurs de ce plan ?
On n'en finit jamais d'apprendre avec nos gouvernants. Notre ministre évalue la capacité à exporter des entreprises selon leur caractère d'opportunisme, sachant que pour le commun des mortels, un tel qualificatif a une certaine connotation péjorative. A moins que ce ne soit une simple erreur de langage. Toujours est-il que la classification des entreprises exportatrices se fait selon des critères autres que ceux traditionnellement admis comme la taille, le chiffre d'affaires…Mais cette stratégie se veut avant tout originale. Elle est animalesque et elle n'est pas sans nous rappeler les emblèmes des équipes de football africain, les gazelles de l'Angola, les éléphants de la Côte d'Ivoire ou encore les léopards de la république démocratique du Congo. Pour Maazouz, ce sera les gazelles pour les exportateurs émergents : « jeunes et pas assez opportunistes ». Ceux dont l'activité à l'export est irrégulière « opportunistes et vont vers le professionnalisme », seront représentés par le renard. Et enfin, les exportateurs confirmés, ces éléphants de l'export, sont censés subir à la longue une mutation pour se transformer en léopards.
Champions nationaux
Ces derniers seront les champions nationaux de l'export. Selon les dernières estimations, le nombre d'entreprises exportatrices s'élève à 5.700 structures, annuellement ce sont 75 nouvelles structures qui voient le jour. Les objectifs fixés par le plan sont ambitieux en termes de création, et présenteront l'avantage de voir le nombre des entreprises exportatrices s'accroître considérablement. Pour que, sur une période de 10 ans, 2.000 nouveaux opérateurs investissent le marché à l'export. Ce qui devrait passer par 200 nouveaux entrants par an. En chiffres d'affaires, les exportations enregistrent un montant de 114 milliards de DH en 2008. Laquelle somme sera portée à son double en 2015, soit 229 milliards de DH. Précisons tout de même que ces résultats intègrent l'ensemble des plans sectoriels. Et en 2018, elles devraient atteindront leur maximum à 327 milliards de DH. Quant au PIB additionnel, en 2015, ce sont 45 milliards de DH qui sont prévus. Puis, le triple devrait être atteint 3 ans plus tard, avec 85 milliards de DH. En outre, en termes d'emplois additionnels, en 2015, ce sont 200.000 nouveaux postes et 380.000 en 2018. Reste à savoir quels seront les principaux secteurs d'activités qui permettront d'atteindre ces ambitions. En tête de liste vient l'automobile, qui devrait contribuer à hauteur de 33%, suivie de l'agroalimentaire et des produits de la mer et enfin de l'électronique et de l'électricité, dont la contribution est également attendue. Sachant, comme l'a reconnu le ministre, qu'il est en difficulté et qu'un plan promotionnel est en cours. Sauf que la baisse des commandes est due à la conjoncture…Et l'exécution dans tout cela ? Les experts en la matière ont élaboré un organigramme qui a interpellé notre consultant. « Anachronique et infondé. Placer Maroc Export, l'instrument même de cette stratégie, au même niveau que le CNCE, l'OCE et l'OFEC est un non-sens ». Et les remarques se poursuivent : « Maroc Export doit coiffer l'ensemble ». Certes, l'opération de restructuration de l'ex-CMPE lui concède aujourd'hui les moyens d'être la principale cellule de mise en application de cette stratégie. Mais que dire des « vétustes » trois autres institutions, auront-elles un autre rôle à jouer que celui de figurant ?
Maroc Export : La multinationale du public
En prenant son poste le 29 juillet 2008, Saad Benabdallah avait à cœur de mener à bien les trois volets du chantier qu'on lui confiait. Développer l'identité visuelle du produit Maroc, accompagner l'élaboration de la stratégie nationale, et puis surtout, dépoussiérer l'institution qu'il prenait en charge en la restructurant. À partir de là, le centre marocain de promotion des exportations allait muer de son état initial d'institution publique qui frise l'archaïsme vers ce que son nouveau patron aime à nommer la multinationale de l'état. Le travail amorcé par l'ancien diplomate marque une rupture dans l'approche adoptée jusque-là. Dès lors, l'objectif poursuivi se voulait à la fois pragmatique, cohérent et surtout rationnel. L'aspect des ressources humaines a été traité en priorité, car il fallait s'assurer que l'institution disposait des ressources adéquates. Un cabinet spécialisé en RH a donc été mandaté pour mener une mission d'évaluation et jauger au mieux le potentiel de chaque collaborateur du promoteur des exportations nationales. Cela a mené au départ volontaire de pas moins de 25 collaborateurs, sous la formule DVD, et surtout une inversion du rapport entre les cadres et les agents d'exécution. En effet, avant la restructuration, Maroc Export comptait une majorité d'agents d'exécution qui représentaient 72% du personnel contre 28% seulement de cadres. Alors qu'après cette restructuration, les cadres passent à un pourcentage de 65% et les agents d'exécution à seulement 25%, avec un dégonflement substantiel de la masse salariale. Cette réorientation des ressources humaines n'est pas fortuite et émane de manière directe du rôle qu'est appelé à jouer Maroc Export. Car désormais, Maroc Export est voué à étoffer ses prérogatives exécutives par une mission de réflexion. Son top manager veut la mener sur la voie de la transformation en véritable bras armé de l'exportation marocaine. La seconde étape dans ce processus de restructuration a été menée en collaboration avec un deuxième cabinet RH. Cette fois, cela concerne la restructuration pratique de l'organisme et l'établissement d'un organigramme cohérent et efficace. Cinq directions, dont quatre techniques, ont donc vu le jour. La première dénommée direction «secteurs» a pour mission de travailler en étroite collaboration avec les opérateurs nationaux de l'export et mettre en place des relais dans les différentes régions du royaume. La deuxième, baptisée direction «marchés», se projette vers les pays cible et les antennes dans ceux-ci. Si l'on rajoute aux deux directions précitées les directions «communication», marketing et la direction administrative et financière, cela complète le tableau du nouvel organigramme. Une architecture habillée de profils pointus pour la plupart portés vers l'étranger et ayant une expérience confirmée au-delà des frontières du royaume. Cette logique est même poussée à son paroxysme pour les antennes rattachées aux ambassades où on privilégie des profils originaires des pays hôtes de ces antennes.
Une histoire de consortiums
La dernière actu en matière de consortium, c'est celle qui a regroupé trois entreprises opérant dans la confiserie. Un consortium à l'export qui comprend Michoc, la Compagnie Chérifienne de chocolat et Maghreb Industrie. Un document réalisé par les soins de l'expert onudien, Abdelali Berrada, dresse un topo sur la situation. Aujourd'hui, le Maroc peut enregistrer à son actif plus de 29 groupements de différentes tailles qui se distinguent par la jeunesse de leurs dirigeants. Ces groupements s'articulent sous trois formes. Il existe déjà 16 consortiums juridiquement constitués. Il reste cinq autres groupements en constitution et sept autres qui sont soit en phase de recomposition soit simplement en état de démarrage. Au final, on se retrouve avec plus de 151 entreprises qui, en termes d'effectifs, représentent près de 12.000 employés. Ces consortiums touchent pour l'instant onze secteurs d'activités. Une répartition sectorielle qui intègre quelques secteurs. C'est ainsi que le textile et l'habillement en comptent une dizaine, la mectronique et le tourisme respectivement deux et une. Un seul consortium est relevé dans les secteurs des matériaux de construction, de la mécanique et de la métallurgie, de l'ingénierie, de l'électricité, des composants automobiles et des nouvelles technologies. Quant au secteur de l'agroalimentaire, il en est à six groupements, suivi de celui du cuir avec ses quatre consortiums. De plus, ce n'est pas seulement la capitale économique du pays et la capitale administrative qui sont concernées par ce mouvement de concentration. Il se trouve que sur la liste des dix villes, l'on voit apparaître Fès, Essaouira, Taroudant, Agadir, Mohammedia, Tanger, Tiznit et Meknès. Comment en sommes-nous tout de même arrivés à cet esprit de mutualisation ? C'est l'Onudi qui en a été l'instigateur. Il a interpellé les pouvoirs publics de l'époque sur ce concept, comme un outil d'amélioration de la compétitivité des PME et PMI nationales. Dès 2003, le ministère du Commerce extérieur, à la tête d'un comité de pilotage regroupant Maroc Export, l'ANPME et l'ASMEX, sur financement italien, se sont attelés à la tache. Trois phases, dont une première dite d'initiation (2003-2004), consistant notamment à élargir le réseau des partenaires institutionnels. Ensuite, de 2005 à 2008, 16 consortiums et 15 groupements ont vu le jour. La troisième phase se déroulera dans les deux années à venir. Selon les résultats enregistrés, c'est la stratégie de la pérennité du projet qui est attendue. D'autant plus que l'expérience marocaine commence à intéresser les pays d'Afrique de l'Ouest. Alors pourquoi la balance commerciale du pays n'a pas pour autant affiché une sensible croissance des exportations ? Et bien, des problèmes, il en existe. Les constats témoignent du faible intérêt des confrères pour des stratégies d'alliances ou de partenariats inter-entreprises. Même comportement relevé auprès des organisations professionnelles et des associations sectorielles. L'identification des membres est également difficile. Puis, la loi sur le GIE démotive par l'aspect de responsabilité solidaire, les aspects fiscaux et comptables. Et enfin, une problématique bien de chez nous, celle des compétences humaines…Mais une lueur d'espoir. La tutelle annonce qu'elle « veillera à éliminer les obstacles légaux et fiscaux entravant le développement des consortiums », parole de ministre.


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