Saad Sebbar, administrateur directeur général de Lafarge Maroc. Selon les analystes d'Attijari Intermédiation, la fusion entre Holcim et Lafarge au Maroc pourrait se faire en deux étapes. Dans un premier temps, les deux entités pourraient être amenées à céder des actifs afin de se conformer à la législation en matière de concurrence. Dans un second temps, le nouvel ensemble pourrait bénéficier des effets de synergies. Toujours selon eux, compte tenu de son faible niveau d'endettement, Cimar pourrait se positionner comme acquéreur en activant son levier financier. A l'international, la fusion entre les deux géants mondiaux du ciment, le Suisse Holcim et le Français Lafarge a été largement commentée par la presse économique et financière, mais aussi par les analystes financiers de tous bords. Au Maroc, également tout le monde suit avec intérêt l'impact que cela devrait avoir sur les deux filiales respectives de ces géants. Même si la fusion ne se fera pas sur simple décision des actionnaires de référence de Lafarge-Maroc et Holcim-Maroc, tout le monde sait que le rapprochement est inéluctable. La société de bourse d'Attijariwafa bank, en l'occurrence Attijari intermédiations, vient d'émettre son avis sur l'impact qu'aura l'opération au niveau du marché marocain du ciment. Attijari intermédiation rappelle que ce rapprochement stratégique entre le Suisse et le Français, leaders du ciment, tend à concrétiser deux principaux objectifs. Le premier consiste à contrecarrer les géants chinois qui ne font que progresser, mais également le groupe Dangote dont les investissements projetés en Afrique, en Amérique Latine et au Moyen-Orient se chiffrent en dizaine de milliards de dollars. Ainsi, au niveau des pays émergents Lafarge et Holcim se devaient chacun de son côté de revoir sa stratégie afin de conserver leur avance, mais également de capter tout le potentiel de croissance dont regorge l'Afrique, l'Asie et le sud du continent américain. Les groupes cimentiers occidentaux n'ont d'autres choix que d'aller chercher des poches de croissance dans ces pays en construction. Car faut-il le rappeler, ce n'est pas avec la croissance des pays européens, négative pour la plupart et très faible pour beaucoup d'autres, que Lafarge et Holcim peuvent assurer leur avenir de leaders mondiaux. Il est crucial pour Holcim et Lafarge d'aller chercher la croissance là où elle se trouve, c'est-à-dire dans ces pays en développement. L'autre raison pour laquelle, la fusion était nécessaire, c'est que vu leur activité, ces deux groupes ont un grand potentiel quant aux effets de synergie. L'objectif est ici d'améliorer la rentabilité financière de l'entité fusionnée au profit des actionnaires. Car là également, «la situation de Holcim et Lafarge est pénalisée par les difficultés auxquelles les économies européennes sont confrontées», expliquent les analystes d'Attijari Intermédiation. En France par exemple, l'activité économique stagne, quand elle ne se contracte pas comme c'est le cas durant ces dernières années. Et le secteur des matériaux de construction, sans doute plus qu'aucun autre, ne peut pas assurer sa croissance dans un contexte de morosité surtout si les Etats ne conçoivent pas la relance par les grands travaux. En effet, l'époque du New deal semble bel et bien révolue. On a pu le voir également pour le cas des pays du Sud européen, notamment l'Espagne. Parce que la crise est venue du secteur de l'immobilier, il n'était pas question de chercher la solution dans les séquelles de cette même crise. Par conséquent, le secteur du bâtiment et des travaux publics est laissé à son triste sort. Ce n'est donc pas dans une telle économie que les cimentiers européens pourront améliorer leur rentabilité financière. Heureusement pour eux qu'il s'agit de grands groupes aux tentacules qui s'étendent sur les cinq continents. Leur présence au Maroc le montre à suffisance, puisque ces deux groupes représentent à eux deux plus de 60% du marché du ciment et du béton au Maroc. Selon les analystes, d'Attijari Intermédiation, au Maroc, «cette fusion répond parfaitement à la problématique du secteur cimentier». De plus, le Maroc commence à voir la rentabilité de ses entreprises cimentières reculer progressivement de manière relative. Et c'est surtout le cas depuis l'arrivée des Ciments de l'Atlas qui contribue à réduire les marges du secteur, tout en rognant sur les parts de marché des différents industriels. C'est pourquoi, selon les analystes, «le secteur cimentier marocain affiche des rentabilités financières largement en deçà des niveaux observés sur les marchés comparables à l'international». Et d'ajouter que: «plus concrètement, ce rapprochement permettrait aux opérateurs cotés d'optimiser l'utilisation de leurs capitaux dans un contexte sectoriel marqué par une certaine maturité». Car aujourd'hui, l'amélioration de la rentabilité ne peut plus passer par des investissements tous azimuts». Ainsi au Maroc, Lafarge et Holcim devraient commencer à se concerter dans cette problématique afin d'améliorer sensiblement la rentabilité financière. Concernant le déroulé du rapprochement au Maroc, les analystes d'Attijari Intermédiation formulent l'hypothèse d'un scénario en deux phases distinctes. La première consisterait éventuellement en la «cession d'actifs de la part de Holcim-Lafarge avec comme objectif de s'aligner avec les contraintes réglementaires du conseil de la concurrence». En effet, ces deux groupes pourraient occuper une position dominante qui s'avérerait gênante non seulement vis-à-vis de la concurrence, mais également des consommateurs». Par conséquent, seule la cession de certains actifs pourrait permettre de réduire certaines participations afin d'éviter une fin de recevoir de la part des autorités de concurrence. «Dans un second temps, soulignent toujours les analystes d'Attijari Intermédiation, le nouvel ensemble pourrait bénéficier des effets de synergie en termes d'économie de charges et de transfert de technologie». Et selon ce scénario, ce serait le groupe Cimar, filiale d'Italcimenti, qui serait le mieux placé pour acquérir d'éventuels actifs à céder dans le cadre le cette opération de fusion. En effet, toujours selon les experts de la société de bourse, Cimar présente actuellement une structure financière désendettée qui lui permet de se positionner à volonté par rapport à des offres de cession d'actifs. Car, cette société qui est également cotée à la bourse de Casablanca peut lever suffisamment de fonds pour une éventuelle croissance externe. De plus, un endettement ne pourra qu'être bénéfique pour les actionnaires. Puisqu'il permettra de leur faire profiter d'un effet de levier qui améliorera «sensiblement sa rentabilité financière». Car en réalité, le nouveau capital économique supplémentaire pourrait ne pas faire appel aux fonds propres, alors qu'il est susceptible de dégager une rentabilité largement supérieure au niveau actuel des intérêts.