On peut parler de success story quand on regarde la montée en puissance de la marque «MayMouna», sur le marché national des farines et semoules. Voici pourquoi. Certaines marques ont une connotation très positive. Suffisamment positive pour installer chez le consommateur une disposition de confiance, sinon de bienveillance. «MayMouna» fait partie de celles-là. Sémantiquement, le terme porte la notion de «Youmn», qui renvoie aux valeurs de bonté et de baraka. Est-ce pour cela que la société Les Grandes Semoulerie du Maroc a choisi de donner ce nom à sa marque de farine-vedette ? On peut le penser en écoutant Adil Sellami, son président, expliquer en quoi son produit-fétiche est porteur d'une image forte : «la ménagère marocaine a adopté massivement la gamme «MayMouna» parce qu'elle s'y retrouve en termes de qualité, de pérennité et de prix. Peu de spécialistes ont le don ou le toucher, comme la ménagère, pour sentir et jauger au plus juste une farine ou une semoule de qualité supérieure. Allez donc constater, de visu, ce phénomène dans les commerces de Garage Allal ou sur les grandes surfaces de distribution». Une image forte auprès des ménagères Perception directe des utilisatrices au foyer ou vertus de la communication ? Toujours est-il que de plus en plus de femmes à travers tout le pays, se rallient au produit. Depuis quelques semaines, la marque invite, sur les supports d'affichage public, le consommateur à découvrir la texture du pain ou le goût de la pâtisserie élaborés avec des produits «MayMouna». Une campagne qui n'a guère laissé indifférentes les ménagères, depuis le mois du Ramadan. «L'image véhiculée par «MayMouna» a été très positivement perçue par le grand public. Je pense qu'on a un peu bousculé les idées reçues en mettant en avant un style de communication fraîche, novatrice et de proximité», confie Assia El Asri, de l'agence Mass Media, en charge de la campagne. Une image qui a, en tout cas, impacté sensiblement le marché de ce produit car l'attitude des consommateurs dans les circuits de distribution montre clairement un certain glissement vers «MayMouna» et ses dérivés (semoules grosses, semoules fines, finot, etc) par rapport aux produits de certaines marques concurrentes… La démarche est relativement nouvelle pour la société Les Grandes Semouleries du Maroc, présente à travers Forafric, depuis plusieurs années sur le secteur des céréales via des activités de collecte, de stockage et de commercialisation de blé tendre, blé dur, orge et maïs. Activités développées autour de quatre importants moulins basés à Casablanca, Marrakech, Safi et Essaouira. C'est en 2008, en effet, que l'état-major de la minoterie casablancaise a décidé de mobiliser une enveloppe d'environ 10 millions de DH pour soutenir l'effort de communication autour de sa marque de farines et semoules haut de gamme. Deux autres marques sont distribuées par l'entreprise, en l'occurrence «Ambre» et «Bou Dheb», mais leur cible de consommateurs (plus populaire) en fait des produits à part en termes de prix et de segment. «C'est un investissement énorme puisqu'il représente près de 1% de notre chiffre d'affaires» confie M. Sellami qui assume, par ailleurs, la présidence directe des quatre minoteries industrielles du groupe. «Nous détenons actuellement près de 35% de parts de marché sur de grandes surfaces comme Marjane et Acima et nous revendiquons environ 22% des volumes nationaux d'écrasement de céréales», précise le numéro deux du groupe Forafric. Adil Sellami a été tôt repéré et recruté par Houcine Benjelloun, fondateur du conglomérat, un septuagénaire qui a fourbi ses armes dans diverses activités financières et de négoces. Il a été notamment dans le top-management des assureurs Aceca et Zurich. La compétence intrinsèque mais aussi les capacités d'anticipation ont valu à ce dipômé de HEC Lausanne de gravir les échelons de la hiérarchie au sein de Forafric depuis 1985, année où il a débarqué dans le groupe en qualité d'attaché de direction. Le patriarche n'a pas hésité à miser sur sa valeur et, quand le processus de diversification a commencé dans la minoterie industrielle, il s'est vu offrir le statut d'actionnaire avec titre d'administrateur directeur général. C'est lui qui, entre autres idées porteuses, a décidé de faire peindre la flotte des 20 camions des Grands Moulins de Casablanca en couleurs «fashion» pour mieux fixer les regards. Du coup, les austères engins de livraison sont devenus de véritables supports d'image, joliment bariolés aux couleurs de «MayMouna». Diversification stratégique Pour le groupe Forafric, l'histoire a commencé en 1943. Plusieurs décennies d'activité sous le double signe de la rigueur et de l'exigence. Dès le départ, la société s'était spécialisée dans la récolte, le stockage et la commercialisation de céréales (blé tendre, blé dur, orge et maïs) et autres produits de la terre tels que les légumineuses, les plantes aromatiques et médicinales, les épices et autres graines. Après plusieurs décennies d'activités sur ce créneau, Forafric est ainsi devenu leader de son secteur au Maroc. En 1980, le groupe a pris forme avec la création d'une filiale, Prodela, devenue par la suite Prodela Premix, une société qui s'est spécialisée avec succès dans la nutrition animale : production de pré-mélanges, d'additifs et de compléments minéraux vitaminés, destinés à l'amélioration de l'aliment des bovins, ovins et volailles. En 1989, une autre entité a été créée, Hanylak, structure à vocation de holding, constituée d'une majorité d'actionnariat de Forafric. La société s'est spécialisée dans la gestion et l'acquisition de valeurs mobilières. En 2003, elle a pris des participations dans Finergy, une société de bourse devenue filiale du groupe. En 1997, dans le sillage de la libéralisation du secteur céréalier (intervenue un an plus tôt), le groupe a étendu son champ d'activités à la minoterie industrielle en rachetant Les Grands Moulins d'Essaouira, une affaire qui tournait avec une capacité moyenne de 160 tonnes/jour et qui fera, plus tard, l'objet d'un plan de mise à niveau industrielle destiné à en accroître le potentiel. Cette opération sera le tournant dans le métier céréalier du groupe car, dès 2002, l'évolution stratégique de cette activité s'est concrétisée avec la mise en perspective de trois autres projets dans la minoterie industrielle. Les Grandes Semouleries du Maroc à Casablanca en 2003, Les Grandes Semouleries de Safi en 2005 et Les Grands Moulins du Tensift à Marrakech en 2006. L'unité de Casablanca a subi, en 2007, un programme d'extension de ses capacités, qui sont passées à 250 tonnes/jour. Celles de Safi et de Marrakech connaîtront le même processus en 2009 et passeront à des capacités de production respectives de 250 et 500 tonnes/jour. Un effort financier considérable car chaque mise à niveau de l'outil industriel a requis un investissement aux alentours de 150 millions de DH. Aujourd'hui, quand on lui pose la question de savoir s'il compte ou non répondre à la tentation de la bourse, Adil Sellami reste prudent mais marque néanmoins clairement sa prédisposition pour cette alternative. Une prudence qu'il faut mettre en phase avec la culture du père-fondateur : la bourse ? Pourquoi ce tourment ? La maison tourne bien sans… Alors, wait and see ?