Les prix de la viande rouge, ovine et bovine, n'ont pas cessé d'augmenter face à un pouvoir d'achat de plus en plus limité, structurellement et conjoncturellement. Les petits et moyens professionnels voient rouge et dénoncent une situation de quasi-monopole dont profiteraient les grands éleveurs et distributeurs. Une situation qui risque de s'aggraver. Au niveau des boucheries, partie la plus visible de l'iceberg, le prix de vente des viandes rouges, bovine et ovine, affichent des montants variant de 120 à 140 DH le kg. En remontant vers l'amont, au niveau des marchés de gros, à la fin du mois de septembre, le prix de la viande bovine a atteint 95 DH/kg, alors que celui de la viande ovine est passé à 115 DH/kg. En moins de 4 ans, les prix ont ainsi plus que doublé. Les marocains vont-ils devenir végétariens, non par choix libre mais par contrainte ? Comment expliquer cette hausse continue qui ne cesse pas de mordre dans les petites bourses de la majorité des consommateurs, déjà vides. Médias 24 a recueilli l'avis des professionnels pour tenter de comprendre cette tendance. Ainsi, si Omar Arrab, secrétaire général de l'Association nationale des producteurs des viandes rouges, évoque la sécheresse et le coût élevé du fourrage sur le marché international, comme principaux facteurs de cette tendance haussière, pour Abdelali Ramou, président de l'Association nationale des vendeurs de viandes rouges, ces facteurs cités n'ont fait qu'aggraver ladite tendance. Pour lui, ce serait principalement le « boycott du lait cru, remplacé par le lait en poudre » qui a été le facteur déterminant et principal. Ramou remonte même à 2011. Mais, pour lui, c'est surtout à partir de 2018, lors du boycott du lait cru que les petits et moyens éleveurs n'investissent plus dans le cheptel bovin. Ces derniers investissaient dans les vaches à lait pour produire à la fois du lait et de la viande. Lire aussi | Viandes rouges et lait : un appui à l'offre pour éviter la hausse des prix Or le lait frais a été remplacé par le lait en poudre, exonéré de la TVA et des droits de douane, et subventionné par l'Etat. Ainsi Ramou met à l'index la responsabilité directe d'une politique publique dont les professionnels, surtout les petits et les moyens, « paient les pots cassés aujourd'hui ». Evoquant aussi, par ailleurs, le « monopole exercé sur les subventions accordées par l'Etat pour la reconstitution des cheptels », lesquelles subventions ne seraient accessibles qu'aux gros investisseurs agricoles ! « Il faut aussi parler de l'accaparement des subventions accordées par l'Etat pour la reconstitution du cheptel par les grands éleveurs, au détriment des plus petits ». Plus explicitement, « la filière de viandes rouges a été gravement lésée malgré les contrats-programmes pour lesquels des milliards de dirhams ont été alloués. Ces derniers ont été malheureusement monopolisés par les grosses têtes, tandis que les petits éleveurs n'en bénéficient pas. Les projets convenus dans lesdits contrats (modernisation des abattoirs, boucheries...) n'ont pas été réalisés non plus. Il faut qu'il y ait un suivi et un contrôle (reddition des comptes) ! » (Médias 24). Lire aussi | Discussions autour de contrats-programmes pour les filières lait et viandes rouges Sans ces subventions versées au profit des gros éleveurs, quel aurait été le prix de la viande ? Encore beaucoup plus chers ? L'acteur gouvernemental principal qu'est le ministère de l'Agriculture semble absent en matière de communication. Les professionnels se sont exprimés. Mais les aspects parasitaires relatifs aux mécanismes informels d'intermédiation et de distribution qui renchérissent les prix ne sont guère évoqués. Les associations de consommateurs aussi ne font guère entendre leur voix. La rentrée scolaire a certainement fortement impacté les petites bourses. Près d'une boucherie, à Rabat, un consommateur en colère déclare spontanément : « Tous les prix augmentent ! Sauf les salaires ! »