Une centaine de promoteurs vont bientôt se présenter au Fisc pour payer une partie de ce qu'ils lui avaient caché. A priori, cela devrait les pousser à ne plus demander, ou du moins à moins demander, aux clients de verser des sommes faramineuses en guise de « noir ». La mise en place d'une charte éthique devrait normalement (aussi) les en dissuader. En sera-t-il vraiment ainsi ? Certains évoquent un chiffre de 50 voire 100. D'autres parlent de 200. Ce serait le nombre de promoteurs immobiliers qui ont décidé de franchir le pas. Ils se sont jetés dans la gueule du loup en allant, volontairement, frapper à la porte du Fisc pour trouver un arrangement à l'amiable. L'idée est de présenter des déclarations fiscales rectificatives. Ils remettront les compteurs à zéro. «Nous sommes disposés à payer quelque chose pour avoir un quitus et ne plus évoquer cet aspect de noir», rétorque le président de la commission fiscale et financière de la Fédération nationale des Promoteurs immobiliers (FNPI), Chakib Bennani. Une première liste est quasiment bouclée. Elle devra être présentée bientôt à la Direction Générale des Impôts (DGI), qui se chargera de traiter les dossiers au cas par cas. Rien ne filtre encore sur les pourcentages du chiffre d'affaires que les promoteurs en question seront prêts à « concéder » au Fisc. « Nous ne nous sommes pas immiscés dans ce détail. Notre but est de convaincre un maximum de professionnels qui se chargeront eux-mêmes de négocier des arrangements avec les Impôts», confie un responsable à la FNPI. En plus clair, via cette amnistie fiscale partielle (bien que les promoteurs préfèrent utiliser le terme d'arrangement amiable), les promoteurs immobiliers cherchent à se refaire une virginité. Ils veulent redorer leur blason et donner une image plus fidèle de leur profession qu'ils essaient d'assainir. Par cette action, doit-on s'attendre à ce que ces promoteurs « repentis » ne pratiquent plus de noir ? A priori, cela devrait être le cas. C'est d'ailleurs le but recherché. Ceux qui auront élaboré des déclarations rectificatives ne devront plus demander de noir. Les plus assidus chercheront à se ranger de crainte de ne voir le Fisc abuser de son autorité et venir fourrer son nez plus souvent dans leurs comptes. Mais rien n'est sûr. Cet arrangement à l'amiable n'est pas la seule action que comptent entreprendre les promoteurs pour redorer leur image. Ils ont concocté une charte d'éthique et de déontologie qui devra être signée lors du Salon international de l'immobilier Darna, qui sera organisé au mois de juillet prochain. On y retrouve, entre autres, des clauses qui stipulent l'obligation faite au promoteur faisant partie de la Fédération de respecter la non pratique du noir ou de la corruption. Une disposition est claire à cet effet : « le promoteur membre de la FNPI s'interdit tout comportement consistant, directement ou indirectement, à promettre, offrir, solliciter ou accorder des paiements illicites en vue d'acquérir ou de vendre un bien immobilier quelconque ». C'est une étape qui sera suivie par la mise en place d'un comité de vigilance chargé de suivre le respect de cette charte. Les signataires ne devront pas, eux non plus, procéder au noir. Auquel cas, que leur arrivera-t-il ? La Fédération devra se pencher sur cet aspect relatif notamment aux sanctions à mettre en place. Il pourrait s'agir, dans un premier temps, d'exclusion du promoteur incriminé de ladite Fédération. Les pouvoirs publics pourront avoir à réagir sur cet aspect. Elles pourraient, pourquoi pas, mettre en place des textes réglementaires qui interdisent formellement la pratique du noir au vu de sanctionner, par exemple pécuniairement ou pénalement, ceux qui y recouront. Cela nécessite cependant une forte volonté politique. Les prix du marché, ville par ville Une autre mesure viendrait s'ajouter à celles précédemment citées et qui devrait contribuer à réduire la pratique du « noir ». Pour disposer d'une meilleure information, précise et fiable, qui donne une appréciation objective des valeurs foncières et immobilières, la FNPI va charger un organisme indépendant d'élaborer une étude visant à publier des prix du marché par ville et par quartier. Ce baromètre devrait donner un aperçu des pratiques en vigueur. Au vu de ces chantiers, le noir pourra-t-il disparaître ? Saïd Sekkat, secrétaire général de la FNPI, est confiant. En 2003 par exemple, l'abondance de l'offre et la défiscalisation de certains logements ont permis de faire baisser la portion du noir que des promoteurs demandaient. «Tout ceci pour dire que lorsque les conditions sont favorables, le noir ne devrait plus exister, ou du moins, il devrait largement s'amoindrir ». Karim El Mrini, autre promoteur membre de la Fédération, poursuit : « lorsqu'il y aura une offre suffisante et plus de concurrence, il ne devrait plus y avoir autant de noir ». Ceux qui ont du mal à acquérir un logement devront alors attendre que tous les ingrédients soient rassemblés pour pouvoir le faire. Ce n'est pas de sitôt que cela se produira ! ◆ Une typologie des standings publiée à la fin de l'année Selon Driss Nokta, président de la commission «moyen et haut standing» de la FNPI, la Fédération et la Direction de la Promotion Immobilière du ministère de l'Habitat oeuvrent pour mettre en place une classification des différents types de logements et de standings. Un projet de nomenclature, élaboré par ladite commission, vient d'être remis aux pouvoirs publics. L'étude devra être prête d'ici à la fin de l'année 2008. Les promoteurs n'ont pas voulu trop s'attarder sur les détails. Selon l'un d'eux, il existerait au moins une vingtaine de critères pour définir un standing donné. Ils tiendraient compte de la zone, de la situation géographique, de la superficie du logement…mais pas forcément de l'élément prix. Pourtant, un autre professionnel ne manque pas de répondre qu'un logement moyen standing devrait normalement être catégorisé à partir d'un prix de 300.000 ou 400.000 DH. Cela aurait été valable si les prix sur le marché correspondaient réellement à la réalité.