Hommage planétaire, c'est juste. Nelson Mandela a eu droit à un véritable plébiscite post mortem. L'homme, l'œuvre le méritaient. Mais, dans cet unanimisme, on a escamoté quelques vérités. Si je les rappelle, ce n'est pas pour jouer les mouches du coche, mais par refus de toute complaisance coupable face à la vérité historique. Commençons par Netanyahu et Shimon Pérès qui ont renoncé au voyage, officiellement « parce que le billet d'avion est trop cher ». C'est une insulte au bon sens. La vérité, c'est que les autorités Sud-Africaines n'étaient pas excessivement chaudes. Israël a été le dernier des soutiens du régime de l'apartheid et ce, jusqu'au bout. C'est à Durban, en Afrique du Sud, que la communauté internationale a condamné le racisme de l'Etat hébreu. Les palestiniens, malheureusement, ont préféré le leurre des négociations et ont accepté l'abandon de cette condamnation qui mettait Israël, là où il doit être, c'est-à-dire au ban des nations. Parmi les Etats représentés lors de l'hommage à Mandela, peu ont réellement combattu l'apartheid. Ce n'est qu'en 1981, après l'élection de Mitterrand que l'ANC a eu le droit d'ouvrir un bureau à Paris. Elle n'a jamais eu le droit de le faire aux USA ou en Grande Bretagne, avant la sortie de prison de Mandela. Cameron, l'actuel premier ministre britannique soutenait, dans sa jeunesse l'apartheid le plus radical. Aujourd'hui, ils sont tous là et leur presse réinvente une histoire que nous avons vécue. Ainsi, Mandela aurait été un pacifiste convaincu. Il n'y a rien de plus faux. Il était le dirigeant militaire de l'ANC. C'est à ce titre qu'il a reçu argent et armes de feu Hassan II par le biais du docteur Al Khatib en 1962. A sa sortie de prison, lors d'un congrès, il a refusé de déposer les armes, ce qui était une condition de Frédéric De Kluck pour entamer les négociations. Cela ne diminue en rien l'aura de l'icône. Les noirs à qui on refusait la moindre humanité, qui subissaient des violences inouïes, étaient en droit de prendre les armes, ils en avaient même le devoir. C'est un chapitre que les occidentaux gomment pour cacher leur propre lâcheté. Ils ont préféré l'apartheid au nom de la guerre froide. La grandeur de Mandela, ce n'est pas sa résistance à l'apartheid. Ils étaient des millions dans cette situation. Mandela a été exceptionnel, dans la gestion de la sortie de crise. Inébranlable sur ses convictions, il a réussi à professer le pardon, au travers de son mot d'ordre « la Nation arc en ciel », et son choix de la justice transitionnelle limitée à la vérité. Il a refusé un second mandat à la tête de la démocratie naissante. C'est un grand symbole qui nous a quittés. Dans des conditions historiques extrêmes, il a été fidèle à un humanisme clairvoyant. Travestir l'histoire, sert peut-être sa légende, mais pas son combat. Quand Madiba était au bagne, « Israël » et les pays occidentaux soutenaient ses geôliers. C'est une vérité que ne peuvent occulter les louanges d'aujourd'hui. Ceux qui l'oublient, insultent déjà la mémoire de Mandela.