Avec la flambée des cours du pétrole, la croissance mondiale est en baisse de régime. Le Maroc, qui n'échappe pas à cette tendance, devra, pour renforcer ses options énergétiques et réduire sa dépendance, relancer de nouveaux partenariats dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée. Le point avec Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération Nationale de l'Energie. Les cours du pétrole subissent des hausses continuelles. Cette flambée est loin de s'estomper pour le reste de l'année 2008. Pour Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération Nationale de l'Energie, cette inflation des cours est liée non à des facteurs conjoncturels mais plutôt structurels. «D'abord à la géopolitique. Il suffit qu'un pipe soit endommagé au Nigeria ou que surviennent des troubles en Angola, au Qatar ou en Arabie Saoudite pour voir le cours flamber. C'est pour dire que le pétrole obéit beaucoup plus à une conjoncture spéculative. Le pétrole est devenu non pas une matière stratégique, mais plutôt une matière financière. Qu'il y ait un cataclysme en Birmanie, et vous allez voir le prix du gaz monter en flèche». La flambée des cours de cette matière «financière» n'est cependant pas sans impact sur l'économie du Maroc et de son principal associé en matière d'échanges commerciaux, l'Union européenne. Néanmoins, l'impact n'est pas le même dans un pays ou un autre, et naturellement, les conséquences non plus. «Son impact est variable selon les pays. Pour les pays développées et industrialisés, quoique l'on dise de la cherté de la vie ou du pouvoir d'achat, les Européens parviennent à digérer les augmentations car ils ont une capacité de production par ailleurs. Ce sont des pays producteurs. La population travaille d'arrache-pied. En Europe, les prix à la pompe fixés par le marché ne changent pas, car il n'y pas d'intervention de la part de l'Etat. Ce dernier subventionne dans le cas de certains pays européens des secteurs particuliers comme la pêche ou le fuel quand il fait froid. Mais la subvention dans ce cas est allouée directement aux ménages, le prix fixé par le marché ne change pas». Union pour la Méditerranée, une bouffée d'oxygène Qu'en est-il du Maroc ? «Pour un pays comme le nôtre, qui ne produit pas d'énergie fossile, qui n'a pas développé ses exportations qui demeurent limitées au textile, à quelques primeurs et légumineuses sans oublier le phosphate, dont le prix connaît par ailleurs, à l'instar des autres minerais, un renchérissement, ses exportations sont en baisse de régime. Le Maroc connaît actuellement une conjoncture très difficile. Le dynamisme qu'a connu le Maroc ces 3 dernières années ne risque-t-il pas d'être quelque peu atténué ? Ne va-t-on pas connaître un certain ralentissement du fait du dilemme face auquel se trouve l'Etat, qui consiste à satisfaire les nombreuses attentes du peuple qui veut accéder au mieux-être ? Faut-il faire des investissements qui vont générer des emplois, et partant un relèvement du niveau de vie, ou bien l'Etat doit-il se contenter de colmater les brèches et de palier les insuffisances du panier de la ménagère ?», s'interroge Moulay Abdellah Alaoui. Il est évident que l'impact de la hausse du prix du baril commence à être palpable sur la croissance de l'économie européenne. L'UE a révisé à la baisse sa croissance pour 2008, à 1,7 ou 2%. En plus, «l'élargissement de l'UE à 27 pays sous-tend que les Européens les plus riches vont d'abord tirer vers le haut les pays qui viennent de les rejoindre», affirme le président de la FNE. Pour le Maroc, il y a cette bouffée d'oxygène due à l'initiative de la République française qu'est l'Union pour la Méditerranée. «Cette union peut permettre de jouer à fond cette carte pour tisser de nouveaux partenariats gagnant-gagnant avec des pays voisins, en l'occurrence l'Espagne, le Portugal, la France et l'Italie avec lesquels nous pouvons construire autour de la Méditerranée des partenariats de développement et de prospérité partagée. Je crois que nous pouvons développer des projets avec le soutien de nos amis méditerranéens. Et là, je cite un grand projet d'énergie solaire que le Maroc est en mesure d'exporter vers certains pays du bassin sud de la Méditerranée, qui ont besoin de sources de production de l'énergie électrique en croissance». Les options énergétiques du Maroc L'ex-PDG de la compagnie américaine Mobil Oil, et actuel président de la Fédération des Professionnels de l'Energie, sait que les options énergétiques prises par le Maroc depuis quelque temps devraient finir par minimiser la dépendance vis-à-vis de l'or noir. «Il ne faut pas occulter que nous nous tournons vers un bouquet énergétique diversifié. Il y a quelques années, nous étions dépendants du pétrole à 90%. Aujourd'hui, notre dépendance est de 60%, parce que nous avons mis en place de nouvelles options énergétiques, le gaz naturel, le charbon qui représente le tiers de la consommation électrique, et les énergies renouvelables comme l'éolien avec pour objectif d'atteindre 20% de notre production électrique grâce aux énergies renouvelables en 2012, et encourager l'autoproduction électrique, l'OCP devant prochainement pouvoir produire sa propre électricité grâce à l'éolien. Sans oublier le programme de revalorisation du phosphate, qui sera transformé en acide phosphorique et en ammoniaque et duquel sera extrait l'uranium pour le nucléaire civil. Avec les crises alimentaires, le phosphate passe aujourd'hui pour un levier important de développement et de sécurité alimentaire». Le scénario de 2009 sera-t-il le même qu'en 2008 ? «Je ne le pense pas. D'après tous les experts les plus pointus et c'est aussi l'estimation des Saoudiens, le prix du baril se situera entre 70 et 90 dollars planchés. C'est un scénario prévisible». Mais quelles sont les grandes lignes de ce scénario par rapport à la parité dollar/euro ? «Le recul du dollar face à l'euro commence actuellement à s'atténuer et je pense qu'il reprendra non pas sa primauté mais un peu de sa valeur. Parce que les Etats-Unis sont un continent riche et diversifié et qu'ils sont la principale locomotive qui va tirer la croissance européenne. Par ricochet, le Maroc recevra sa part de croissance. Le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis, selon les experts, est lié à une crise financière plus qu'à une crise économique. Je pense qu'après les élections, ce continent va se redresser, car il possède des leviers extraordinaires et une grande flexibilité pour s'adapter à toutes les situations». Les répercussions sur la croissance Le prix du baril, selon ce schéma, qui va se situer entre 70 et 90 dollars au lieu de 100 en moyenne en 2008, va avoir comme corollaire une meilleure parité du dollar, estime-t-il. «Il faut toujours avoir en tête ce parallèle du coût du dollar avec le coût du pétrole. Les experts de l'agence internationale de l'énergie ainsi que ceux de l'OPEC pensent que le prix actuel n'est pas normal. Le ministre de l'Arabie Saoudite Nouaimi a déclaré lors d'une conférence sur le pétrole à Paris que ce prix était artificiel et ne correspondait pas à une réalité économique». Les cours actuels du pétrole ont un impact négatif et positif sur la balance commerciale du Maroc. Le point positif, selon le président de la FNE, c'est que le Maroc importe cette année des biens d'équipement pour s'industrialiser. «Tout n'est pas noir et tout n'est pas blanc. D'un côté, nous importons du blé qui va coûter plus cher et d'un autre, le Maroc a vu en 2007 et 2008 ses importations augmenter. Elles ne sont pas dédiées à la consommation mais plutôt à l'équipement du pays. C'est un facteur qui va générer dans le futur une valeur ajoutée en améliorant la compétitivité de nos entreprises et donc notre balance de paiement dans le futur». En 2009 donc, les choses se présentent sous de bons augures. «Les matières premières alimentaires retrouveront un cours raisonnable. Le prix du baril de pétrole va baisser et par conséquent, les subventions de la caisse seront revues à la baisse et les mécanismes de fonctionnement de cette caisse seront réformés pour atteindre les foyers les plus fragiles. Donc, nous allons faire des économies».