Sept ans après l'annonce de la liquidation de la Samir par la Cour d'appel de commerce de Casablanca et un peu plus de trois semaines après l'ouverture de la cession judiciaire des actifs de la société, pas moins de sept offres de rachat de l'unique raffinerie du Royaume et de ses filiales, ont été soumises au Tribunal de commerce de Casablanca. Ces offres ravivent l'espoir, mes les travailleurs de la Samir, eux, sont pour autant sur leur garde. Si tout se passe bien, le feuilleton de la Société anonyme marocaine de l'industrie du raffinage (Samir) devrait connaitre son épilogue le jeudi 2 mars prochain. En effet, les offres de rachat doivent être présentées dans les 30 jours à compter de l'annonce de cession judiciaire des actifs de la société Samir du 31 janvier 2023, faite par Abdelkebir Safadi, le Syndic Judiciaire chargé de la liquidation. A quatre jours de la date butoir, les offres pour le rachat de la Samir et de ses filiales arrivent encore au tribunal de commerce de Casablanca. « Le Tribunal continue de recevoir les offres des intéressés, dont le nombre a dépassé 7 de différentes nationalités du monde. Mais sans une position claire du gouvernement sur le devenir de l'industrie du raffinage, ces offres de rachat n'aboutiraient jamais », souligne Houcine El Yamani, président du Front national pour la sauvegarde de la Samir, également secrétaire général du Syndicat national des industries du pétrole et gaz affilié à la CDT, qui n'a pas voulu dévoiler les l'identité des prétendants pour des raisons de confidentialité. « Il est vrai que le nombre d'investisseurs intéressés se rapproche de la dizaine, ce que je peux vous dire c'est que parmi ces sociétés qui ont manifesté leur intérêt, il y a des entreprises des Emirats Arabes Unis, de l'Espagne et des Etats-Unis », nous dit une source qui maîtrise parfaitement le dossier. Lire aussi | Blanchiment de capitaux. Le Maroc obtient son retrait de la liste grise du GAFI Pour rappel, la liste des actifs en cession comprend la raffinerie Mohammedia, la raffinerie de Sidi Kacem, 50% de la société Salam Gaz, 38% de SOMAS, 100% SDCC, 100% TSPP, 60% JPS ,des terrains, un hôtel… « Il était pratiquement impossible de trouver un repreneur qui serait prêt à racheter plus de 43 milliards de DH de dette pour une entreprise dont le total des actifs s'élève à peine 21 milliards de DH. Aujourd'hui, les choses peuvent bouger puisque le repreneur ne payera que le montant de la cession et n'a pas de responsabilité sur les créances de Samir, comme l'a annoncé clairement le Tribunal. Et puis le fait que le prix d'ouverture soit fixé à 21,46 milliards de DH fait que la Samir devient du coup une belle affaire», poursuit notre interlocuteur. Mais Que pèse réellement le patrimoine de la Samir ? Lire aussi | Autriche. André Azoulay met en relief « la cohérence, la spécificité et la modernité sociale du projet de société mis en œuvre par le Maroc » Selon le rapport d'expertise, les unités de production installées à Mohammedia et Sidi Kacem valent 15 milliards de DH. Les biens mitoyens du périmètre du raffinage, notamment le restaurant, le café, centre médical et service informatique, sont estimés à 7,7 millions de DH. La Samir compte également deux titres fonciers à Mohammedia d'une valeur estimée à 4,6 milliards de DH. De même, elle dispose de titres fonciers dans plusieurs villes du Royaume (4,8 milliards DH). A cela s'ajoutent, le stock de la Samir, les moyens de transport des deux sites industriels de Mohammedia et Sidi Kacem, et les centres d'estivage, évalués respectivement à 800 millions de DH, 1,9 million de DH et 22,3 millions de DH. Pour les immobilisations incorporelles, le fonds commercial de la Samir est évalué à 45 millions de DH. Parallèlement à ces immobilisations corporelles et incorporelles, le raffineur est également actionnaire dans plusieurs sociétés. Outre le secteur pétrolier, le raffineur a pris des participations dans les secteurs de l'hôtellerie, la formation et même dans Autoroutes du Maroc (ADM), à hauteur de 12 millions de DH. Ainsi, dans l'activité pétrolière, la Samir détient 50 % de Salam Gaz. Cette société spécialisée dans l'exploitation de centres emplisseurs gaz butane et propane, dispose de 12 centres emplisseurs et d'un terminal à Nador. Son tour de table compte deux autres actionnaires : Total Maroc (20%) et Afriquia Gaz (20%) et Ziz (10%). La participation de la Samir y est évaluée à 328 millions de DH. De même, le raffineur contrôle 38,5 % de la Société marocaine de stockage (Somas) et 60 % de la société Africbitumes, spécialisée dans la distribution, l'exportation de bitumes et dérivés, que le rapport d'expertise évalue respectivement à 220 millions de DH et 26,5 millions de DH. Lire aussi | Africa 50 injecte 88 millions de DH dans l'éducation privée au Maroc En outre, le raffineur est actionnaire détient à 100 % la société marocaine de transport et de stockage de produits pétroliers (TSPP), la Société de distribution de carburants et combustibles (SDCC) et l'académie africaine de l'énergie (Acafe), évaluées dans le rapport d'expertise à hauteur de 61 millions de DH, 150 millions, et 3,5 millions de DH. Dans l'hôtellerie, le raffineur détient des participations dans deux établissements : la société hôtelière d'Ifrane et l'hôtel «Perce neige», expertisé chacun à 17 millions de DH. Evalué par les experts à 21 milliards de DH, l'ensemble de ces actifs vont-t-ils enfin séduire les investisseurs qui ne sont pas tenus cette fois-ci des dettes, pour la reprise du raffineur? Une question que se posent plusieurs observateurs de ce dossier puisque le Tribunal de Commerce de Casablanca a eu de la peine au cours de ces dernières années à trouver un acheteur. « Depuis que la Samir est en liquidation judiciaire en juin 2016, le Tribunal de commerce de Casablanca a reçu plus de 30 offres de reprise au cours de ces dernières années mais aucune n'a abouti. Il faudrait que le gouvernement affiche sa volonté d'accompagner le futur repreneur, ce qui n'a jamais été le cas », souligne le secrétaire général du Syndicat national des industries du pétrole et gaz affilié à la CDT, qui fait également office de contrôleur de la procédure. Lire aussi | Deloitte Casablanca renforce son staff d'ingénieurs pour passer à 450 d'ici la fin d'année Il faut dire que le gouvernement semble prendre son temps. Le 26 janvier dernier, le Porte-Parole de l'Exécutif, Mustapha Baitas, a été clair, à l'issue de la réunion du Conseil de gouvernement. « Il est illusoire de penser que ce problème sera réglé d'un trait de plume », a -t-il répondu aux questions qui lui ont été posées sur ce sujet. Il a estimé qu'il y a plusieurs aspects à prendre en considération dans ce dossier qui reste entre les mains de la justice internationale. En effet, le gouvernement est surtout préoccupé par le différend d'arbitrage au CIRDI qui l'oppose à Corral Holding du Saoudien Al Amoudi, ex-actionnaire majoritaire de la raffinerie. Pour rappel, Al Amoudi réclame des dédommagements à hauteur de 14 milliards de DH. L'Exécutif semble vouloir attendre l'issue de cette affaire avant de décider quoi que ce soit. Résultat : aujourd'hui, en dépit des offres qui sont arrivées au Tribunal, le Conseil syndical de la CDT de la Samir (le plus représentatif) s'est réuni le jeudi 23 février et a sonné la mobilisation. Il a décidé d'organiser le jeudi 2 mars un sit-in de protestation, devant le siège administratif de l'entreprise à Mohammedia. Cette action intervient pour dénoncer l'interruption de la production de la société Samir et les pertes énormes qui en résultent pour le Maroc et les Marocains. Le syndicat attire l'attention sur le droit bafoué des travailleurs et des retraités de la société, ainsi que la situation désastreuse qu'ils traversent socialement. La CDT déplore l'absence d'une réponse claire du gouvernement sur l'avenir de l'entreprise malgré les efforts en cours dans la procédure ainsi que le refus du Syndic (le mandataire légal de l'entreprise en voie de liquidation judiciaire) d'assurer aux travailleurs l'intégralité de leur salaire et le règlement des cotisations aux caisses de retraite, le tenant pour responsable également de l'échec du dialogue social avec le syndicat, la CDT en l'occurrence.