La société de bourse a commis des infractions, peut-être plus importantes que d'autres sociétés… mais elle n'est pas la seule. Le CDVM a pourtant jugé bon de lui imposer une sanction pécuniaire. Dessous d'une affaire qui défraie, en ce moment, la chronique. Dounia Taârji règle ses comptes ». Voilà en substance ce qu'une partie des traders de la place, ceux qui ont des affinités avec Upline Groupe, laisse entendre. Pour eux, le patron du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM) n'agit pas de la même manière avec toutes les sociétés de la place : c'est du «deux poids deux mesures». Pourquoi ? On reprocherait notamment à Upline Securities, la société de Bourse du groupe, d'acheter et de vendre des titres à découvert. «Or, il ne faut pas se leurrer, quasiment toutes les sociétés de la place adoptent ce genre de pratique, qui assure une certaine liquidité. Il est vrai que la loi est claire à ce sujet, elle interdit ce genre d'opération, mais depuis toujours, personne n'en a été inquiété. Personne ne pensait que cette Epée de Damoclès allait un jour s'abattre sur la tête d'un des professionnels. Si le CDVM voulait vraiment aller jusqu'au bout, il aurait dû alors sanctionner toute la place», s'indigne un analyste. Mais si tel était le cas, tout le marché aurait sombré dans le noir. La confiance des investisseurs, qu'on a cherché à reconquérir depuis quelques années, risquerait d'être à nouveau perdue. Le marché n'en a pas besoin en ce moment. Le CDVM aurait-il pris Upline Securities comme bouc émissaire ? Upline Securities a commis, selon le gendarme de la Bourse, plusieurs dépassements, qui ont fait profiter une frange privilégiée d'investisseurs, surtout étrangers. La société de Bourse a permis à certains de ces investisseurs de souscrire à l'introduction en Bourse de la CGI sans disposer des fonds nécessaires pour régler les titres qui leur ont été alloués. Le CDVM estime plus grave encore le fait que la société de Bourse ait réglé les souscriptions des clients défaillants en utilisant les fonds déposés par d'autres clients. Elle aurait procédé de la même manière sur des opérations sur le marché de blocs. Or, les textes sont clairs à cet effet. Une société de Bourse ne peut utiliser les fonds de ses clients que pour l'usage exclusif qu'ils ont prévu. «Une société de Bourse n'a pas le droit, comme une banque, de globaliser tous les dépôts reçus et de les transformer en d'autres utilisations. Elle ne peut par ailleurs accorder de crédits à ses clients que dans la limite de ses fonds propres », explique une source proche du dossier. Upline Securities n'a pas respecté les règles prudentielles définies par la loi. Elle n'a pas respecté les règles minimales d'un dépositaire. La sanction devait tomber tôt ou tard. Le CDVM a alors rendu un verdict sévère jamais exprimé auparavant. 10 millions de DH, c'est la sanction pécuniaire imposée à Upline Securities. C'est un montant forfaitaire que le conseil d'administration du CDVM a validé. «La loi nous permet de demander le quintuple du montant des profits réalisés. Nous n'avons pas voulu aller jusque-là, car notre objectif n'est pas de provoquer la cessation d'activité de la société», explique une source proche du dossier. 10 millions de DH est un montant forfaitaire Ce montant, s'il est versé par la société de Bourse, devra normalement atterrir dans le budget de l'Etat, via le Trésor public, qui détermine à son tour l'affectation de ces fonds et le délai de règlement. Comme par le passé, jamais aucune sanction de ce genre n'a été prononcée à l'encontre d'une société de Bourse, les modalités ne sont pas encore précisées. Par contre, si Upline Securities conteste la décision du CDVM, la société de Bourse pourra alors faire un recours auprès du tribunal administratif. Iront-ils jusque-là ? Les responsables de la société sont restés injoignables. Ils adoptent un profil bas. La seule sortie médiatique qu'ils ont faite a été réalisée par voie de communiqué de presse. Upline Group l'a publié le 17 mars, soit le même jour que l'annonce des sanctions du CDVM, suite à la tenue d'un conseil d'administration. Il y est fait mention de la démission (que l'on dit forcée) de Rachid Alaoui, administrateur directeur général de Upline Securities. De nouveaux administrateurs, Amine Belkziz et Mohammed El Amine el Jirari, font pour leur part leur entrée dans le comité exécutif de ladite société. Upline Securities fait le ménage. Mais y parviendra-t-elle vraiment sachant que le CDVM «veut sa peau» ? En effet, le Conseil a émis une proposition pour que lui soit retiré l'agrément de dépositaire des titres qui conduira à restreindre l'activité de la société. Le CDVM a envoyé un courrier au ministre des Finances, qui est aussi le président du Conseil d'administration du CDVM, pour qu'il mette à exécution cette proposition. Selon une source proche du dossier, le CDVM n'aurait pas de doute quant à la mise en œuvre de ladite recommandation. Salah Eddine Mezouar devra pour sa part se prononcer sur le sujet dans les prochains jours. Entre temps, les autres sociétés de Bourse incriminées peuvent souffler. Le CDVM ne leur a imposé «que» des mises en garde ou des avertissements (à Attijariwafa Intermédiation), une monnaie courante sur le marché. Par contre, c'est la première fois que le gendarme de la Bourse prononce un blâme, lequel doit être validé et prononcé par le conseil d'administration du Conseil. Il a été exprimé à l'encontre de Safabourse. Finalement, des trois autres sociétés, c'est BMCE Capital Bourse qui s'en sort le mieux, puisqu'elle n'a reçu qu'une mise en garde. Youssef Benkirane, son patron, tient cependant à préciser que la société n'a pas obtenu de sanction, contrairement aux autres. Les jours ou les mois à venir nous diront alors ce qu'il adviendra d'Upline Securities. Pour un trader senior, il était normal que le CDVM agisse. Il aurait même trop tardé. La société avait quasiment «disparu» du marché pendant des années pour revenir en force en 2005. «Tout le monde se pose des questions. Nous voyons par nous-mêmes ce que fait la société de Bourse sur le marché. Elle est revenue avec rage pour gagner de plus en plus d'argent. Malheureusement, les gens ne savent pas ce que signifie gagner suffisamment d'argent. Ils en veulent toujours davantage. Ils ne pensent pas qu'ils font du mal au marché », conclut le trader. Affaire à suivre. Repères Pourquoi CFG Marchés n'a-t-elle pas été inquiétée ? Tout le monde s'étonne que la filiale de CFG groupe n'ait pas été inquiétée dans cette affaire. Pour certains traders, CFG Marchés aurait dû l'être parce qu'elle a, elle aussi, réalisé d'importants volumes sur la valeur CGI. Elle suivait de près Upline Securities dans le classement des sociétés de Bourse ayant réalisé des volumes sur le marché secondaire. Pour le CDVM, l'innocence de CFG Marchés s'explique par différents arguments. D'abord, la société de Bourse ne faisait pas partie des membres du syndicat de placement habilités à placer auprès des institutionnels. Elle aurait été seulement incluse dans le programme d'investigation du CDVM parce qu'elle a été active dans les opérations de blocs sur le marché secondaire. Les contrôles ont porté sur le placement des titres auprès des particuliers et sur les conditions de réalisation des opérations sur le marché secondaire. Aucune infraction n'a alors été relevée.