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CDVM : Attend règlement général désespérément !
Publié dans Finances news le 28 - 02 - 2008

• La refonte de la loi régissant le CDVM intervenue en 2004 a élargi les pouvoirs du gendarme du marché.
• Pourtant, l’application de la loi reste tributaire du règlement général qui dort, depuis déjà quatre ans, dans les tiroirs du Secrétariat Général du Gouvernement.
• En attendant son approbation, «l’autorité qui veille sur votre épargne» reste les bras liés ne pouvant point sanctionner les délits boursiers. Le blâme et l’avertissement verbal restent son unique cheval de bataille!
• Le CDVM joue-t-il bien son rôle ? A-t-il les moyens de ses ambitions? Hicham Elalamy, Directeur général adjoint du CDVM, nous livre ses réponses.
Finances News Hebdo : On ne compte plus les transactions douteuses depuis quelque temps. Les exemples ne manquent pas. Il y a, bien sûr, des enquêtes qui sont menées par le CDVM mais qui n’aboutissent à rien de concret. S’agit-il de décisions politiques que personne n’ose prendre? Qu’est-ce qui bloque au juste ?
Hicham Elalamy : Tout d’abord, je ne pense pas que notre marché soit caractérisé par un nombre alarmant de transactions suspectes. Aujourd’hui, il y a un intérêt grandissant pour le marché boursier, tout le monde s’y intéresse, spécialistes et profanes. Le marché est en plein essor et il y a plus de volumes et de transactions. Donc, forcément, nous avons l’impression qu’il y a plus de choses qui ne fonctionnent pas. Mais je peux vous assurer que par rapport à d’autres marchés, on n’est pas moins sains. Il suffit qu’il y ait une hausse de cours pour qu’on crie à la manipulation. On va vite en besogne. Ceci dit, il y a bien entendu des transactions suspectes, comme partout au monde. Mais il faut savoir d’abord ce qu’est une transaction suspecte. C’est une opération que l’on décèle à partir du moment où l’on a un comportement anormal. Anormal par rapport à une norme, à un historique… Ce qu’il faut savoir c’est qu’aujourd’hui, nous scrutons l’ensemble des transactions. Nous avons des outils et des équipes dédiés à cela. Nous le faisons en temps réel à travers des écrans de surveillance. Sans compter que nous avons également une surveillance en différé. Celle-ci se fait sur la base d’informations et de fichiers que nous recevons de la Bourse. Nous retraitons tout cela avec des outils statistiques, qui existent partout dans le monde, mais que nous avons vraiment adaptés pour qu’ils soient en adéquation avec notre marché. À partir du moment où nous avons un cours qui évolue à la hausse ou à la baisse d’une manière anormale (différente d’un historique), ou alors qu’on a des quantités importantes par rapport à l’historique… pour nous, c’est déjà une transaction anormale que l’on doit examiner de près. Et là, nous essayons de comprendre. Ça peut effectivement être dû à une information qui a été communiquée par la société au niveau de la presse et le marché a réagi. Il peut y avoir une information qui concerne le secteur de son activité…etc. À partir du moment où nous n’avons pas une explication convaincante, la valeur est mise sous surveillance rapprochée. Jusqu’à ce que l’on comprenne. Si maintenant, il y a une information importante qui sort après, on se dit qu’il y a eu peut-être fuite. Mais cela est un exercice qui est extrêmement fastidieux et long. Tout ce qui est délit boursier est difficile à prouver. Parce qu’il faut vraiment des preuves irréfutables pour adresser le dossier à la Justice, même pour les Justices qui sont déjà habituées à ce type de dossier. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui au Maroc. Mais il faut bien commencer. On ne peut pas faire de reproche à la Justice marocaine. Pour l’instant, seul un cas de manipulation de cours a été déposé à la Justice et qui est en cours de traitement. Mais je peux vous dire d’ores et déjà que ça prendra du temps, et ce pour plusieurs raisons. D’abord et de manière générale, ce sont des dossiers qui prennent tout naturellement du temps. Et en particulier, chez nous, car il s’agit de cas nouveaux. Il n’y a pas de référence ou de cas similaires pour accélérer le traitement. C’est une découverte pour notre Justice. C’est un processus long et la Justice a besoin de preuves irréfutables pour statuer, et d’autant plus si elle n’a pas l’habitude de ces concepts. Le fait que ce soit long pose en effet un problème de fond. Maintenant, certaines autorités qui ont vécu les mêmes difficultés que nous sont passées à autre chose. Dans certaines juridictions, les mêmes délits boursiers qui sont sanctionnés pénalement (par la Justice) peuvent également être punis administrativement par des sanctions pécuniaires. Si par exemple il y a un certain nombre d’éléments qui laissent croire qu’une personne a commis un délit, elle est convoquée et sanctionnée par une amende. Si la personne réfute la décision, ce qui est son plein droit, elle peut recourir à la Justice. Donc, soit vous choisissez la voie administrative, soit la voie pénale.
F. N. H. : Cependant, le CDVM est autorisé depuis la reconstruction législative de 2004 à recourir aux sanctions pécuniaires, chose qui ne se fait pas encore…
H. E. : Tout à fait. Mais il faut être très clair sur ce point. Ce sont des sanctions pécuniaires pour non respect des circulaires. Maintenant, pour les délits boursiers, ils sont sanctionnés pénalement et le CDVM ne peut à aucun moment prononcer de sanctions pécuniaires en ces cas là. Il prononce des sanctions pécuniaires à l’encontre des opérateurs qu’il contrôle (sociétés gestionnaires, sociétés de Bourse, sociétés de gestion, dépositaires…) pour non respect des circulaires exclusivement. Mais là aussi, la construction de 2004 prévoit un règlement général avec un barème de sanctions. Aujourd’hui, ce règlement général n’est pas encore mis en application. Du coup, on a un simple pouvoir virtuel.
F. N. H. : Depuis 4 ans déjà…
H. E. : Nous avons travaillé nous-mêmes sur ce règlement général. Nous l’avons élaboré. Il a été d’ailleurs validé par notre Conseil d’administration, par le ministère des Finances, et après il y a eu la suite que vous connaissez. Le projet est aujourd’hui au Secrétariat général du gouvernement (SGG). Et c’est là où il y a eu goulot d’étranglement. Ce n’est pas le propre du marché financier. Aujourd’hui, l’effort législatif est très important au Maroc dans tous les domaines, mais il faut que le reste suive. Ceci étant, le SGG a un rôle très important. Ce n’est pas une formalité. Il s’assure qu’il n’y a pas d’incohérence d’ensemble. Qu’il n’y a pas de textes contradictoires, que le texte d’application ne va pas au-delà de ce que prévoit la loi… C’est un garde-fou très important.
F. N. H. : Le fait qu’un homme politique, en l’occurrence le ministre des Finances, préside le Conseil d’administration du CDVM ne vous dérange pas?
H. E. : Nous avons aujourd’hui un Conseil d’administration où le public et le privé sont représentés à parts égales. Effectivement, le politique ne doit pas interférer dans les décisions du Conseil, parce qu’il peut y avoir en effet des conflits d’intérêts. Maintenant, ce qu’il faut savoir, c’est que dans le règlement général du CDVM, il y a des règles qui régissent ce genre de situations. À partir du moment où un administrateur, quel qu’il soit, se trouve en situation de conflit d’intérêts, il ne participe pas aux délibérations du Conseil.
F. N. H. : Lequel règlement général n’est pas encore appliqué!
H. E. : Nous n’attendons pas que le règlement général sorte. Ce sont des pratiques qui sont déjà effectives. Mais elles le seront bientôt dans le règlement général du CDVM, approuvé par arrêté du ministre des Finances. Aujourd’hui, ces règles sont contenues dans un code déontologique, que nous avons conçu en 1995 et qui s’applique aussi bien au personnel du CDVM qu’aux membres du Conseil d’administration.
F. N. H. : Revenons aux enquêtes que mène le CDVM. Comment expliquez-vous que sur 39 enquêtes menées entre 1999 et fin 2006, aucune n’a abouti à des poursuites judiciaires?
H. E. : Il n’y avait tout simplement pas d’éléments suffisants vu ce qui est attendu par la Justice aujourd’hui.
F. N. H. : Le CDVM a-t-il le pouvoir d’investigation nécessaire pour réunir les preuves?
H. E. : Oui, mais ce n’est pas parce qu’on a le pouvoir d’investigation qu’on trouve forcément toutes les preuves nécessaires.
F. N. H. : Jusqu’où peut aller le CDVM dans ses investigations?
H. E. : À partir de 2004, il peut aller assez loin. Il peut même faire des perquisitions au domicile. Il doit être accompagné de la police judiciaire sur décision de la Justice. Mais nous avons encore aujourd’hui quelques écueils.
F. N. H. : Avez-vous accès aux conversations téléphoniques privées?
H. E. : Les opérateurs télécoms sont soumis au secret professionnel. Les relevés téléphoniques peuvent bien évidemment nous être très utiles, mais nous n’y avons pas accès aujourd’hui. La réglementation doit évoluer. Il faut que la loi soit plus claire sur ce point-là.
F. N. H. : Souvent, c’est le silence du CDVM qui pose problème. Ne faut-il pas communiquer davantage sur ce que vous faites?
H. E. : Nous ne sommes pas dans le domaine du show business. Il ne s’agit pas de crier des choses sur tous les toits. Nous sommes dans un domaine qui est très délicat. On peut facilement porter lourdement préjudice à des personnes à tort tant qu’il n’y a pas de preuves. Nous sommes, très souvent, dans l’obligation de garder le silence. Et même le fait de communiquer sur un dossier ou sur une enquête peut porter préjudice à l’enquête elle-même. C’est très facile de communiquer. Mais il faut savoir quand communiquer. Surtout pour ne pas faire de mal aux personnes. Ça aussi, c’est une réelle contrainte. Le travail, on le fait. Les enquêtes, on les mène… Mais nous sommes obligés de garder le silence.
F. N. H. : Mais des fois, le fait de communiquer peut avoir un effet dissuasif immédiat. Celui qui compte manipuler saura qu’il y a une autorité qui fait son boulot…
H. E. : Mais notre travail d’aujourd’hui a une dimension dissuasive, même si on a un dossier seulement de manipulation de cours en Justice. Les personnes auprès desquelles nous enquêtons le savent. Elles sont souvent convoquées. On les entend. Et ça se sait auprès des milieux du marché, ce qui est extrêmement dissuasif. Il faut savoir que beaucoup de choses ont changé et changent grâce à l’action du CDVM. Il n’y a pas que la sanction. Le but final, ce n’est pas la sanction pour sanctionner. Mais l’objectif, c’est d’avoir un marché qui soit globalement sain. Le marché parfait n’existe nulle part et n’existera nulle part. Il n’y a pas de raison qu’il y ait un marché financier parfait alors que le code de la route est bafoué dans tous les sens et chaque jour. Si on avait un marché à la lumière de nos routes, ce serait catastrophique. Nous sommes, heureusement, à des années lumière de cela. Les règles du marché sont globalement respectées et les gens sont très attentifs…
F. N. H. : Pour parfaire le rôle du CDVM, il faut alors attendre la mise en application du règlement général de 2004…
H. E. : Nous attendons bien sûr le règlement général. Aujourd’hui, nous avons le pouvoir d’avertissement, de blâme… Mais on voudrait rendre la sanction systématique. Parce qu’à un moment, l’avertissement n’a plus d’effet. Par contre, la sanction pécuniaire a un effet dissuasif immédiat. Ça va, bien sûr, beaucoup aider.
F. N. H. : Sa mise en application est prévue pour quand ?
H. E. : Pour cette année, on espère.
F. N. H. : L’affaire GSI Maroc a remis à plat le dispositif de contrôle et de visa des informations publiées par les entreprises à l’occasion d’appel public à l’épargne. Que vaut vraiment le visa du CDVM ?
H. E. : Comme on le stipule clairement dans l’avertissement qui est sur toutes les notes d’information, le visa du CDVM n’implique ni l’approbation de l’opportunité de l’opération, ni l’authentification des informations présentées. Il est attribué après examen de la pertinence et de la cohérence des informations données dans la perspective de l’opération présentée aux investisseurs. Le visa ne veut pas dire que l’on peut acheter les yeux fermés. Il ne veut pas dire que tout ce qu’il y a dans la note d’information est authentifié par le CDVM. Il est certes authentifié, mais pas par le CDVM. Le CDVM s’assure qu’il a été authentifié par les personnes dont c’est la responsabilité, à savoir le commissaire aux comptes, les dirigeants de la société, le conseiller financier et le conseiller juridique qui attestent chacun de la conformité des informations contenues dans la note d’information à la réalité, chacun bien évidemment dans la limite de ses prérogatives et de ses compétences. Nous nous assurons que les attestations sont bonnes. Mais on ne peut pas faire le travail des autres. Ceci dit, le CDVM ne s’arrête pas au recensement des documents collectés. On rencontre les dirigeants, le conseiller, on visite le site de production de l’entreprise... On ne peut pas viser les notes sans comprendre l’activité de la société. Mais le visa n’est pas un label de qualité. Pour le cas de GSI, on a fait tout cela. Est-ce que cela veut dire que notre façon de faire est parfaite ? Non. Le parfait n’existe pas. Nous sommes en perpétuelle amélioration. À chaque mission de contrôle que l’on effectue, on se pose des questions. On est en perpétuelle remise en question. C’est normal. Et des cas comme GSI Maroc nous poussent à nous poser davantage de questions.
F. N. H. : Quelles sont les questions que vous vous êtes posées après l’affaire GSI?
H. E. : Nous avons décidé que dorénavant, à chaque opération, nous allons consulter la centrale de contentieux de Bank Al-Maghrib. Si un contentieux avec un créancier n’est pas annoncé dans la note d’information malgré les différentes attestations, nous disposerons alors d’une manière de recouper l’information. Nous ne le faisions pas. Nous allons désormais commencer à le faire.
Nous rencontrions systématiquement les dirigeants, les conseillers… Dorénavant, nous allons exiger la présence du commissaire aux comptes. Ce n’était pas systématique. Dans le cas de GSI, nous n’avons pas rencontré le commissaire aux comptes. Mais dorénavant, ce sera une action que nous allons généraliser pour tous les dossiers. On essaiera également d’encadrer l’activité de conseil financier qui n’est pas aujourd’hui une activité réglementée. Ce n’est pas une activité qui est explicitement énumérée parmi les activités que le CDVM contrôle. Mais nous avons quand même une disposition générale qui dit que tout ce qui touche de près ou de loin une opération sur les valeurs mobilières peut entrer dans le champ de contrôle du CDVM. Et c’est le cas des conseillers financiers. En fait, il se trouve que nous avons entamé une réflexion en vue de l’encadrement de l’activité de conseiller financier. C’est encore plus d’actualité aujourd’hui. Nous allons arrêter les diligences minimales qu’un conseiller doit mener dans le cadre des appels publics à l’épargne. Nous avons un contact permanent avec la profession. Idem pour les commissaires aux comptes. Nous avons déjà pris attache avec l’Ordre des experts-comptables et nous allons de la même manière formaliser les diligences minimales que doit effectuer un commissaire aux comptes à l’occasion d’opérations d’appel public à l’épargne. On ne remet pas en doute le travail des commissaires aux comptes, mais on juge aujourd’hui qu’il est peut être utile d’avoir des normes spécifiques à ce type d’opérations. L’objectif étant d’améliorer la façon de faire. Voilà donc en résumé quatre actions concrètes qui visent à améliorer notre façon de faire.


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