Le 22 février 2008, l'appel d'offres portant sur la remise à niveau du système de la vidéosurveillance du Grand Casablanca a été bouclé et le nom de l'heureux adjudicataire a été rendu public. Il s'agit d'AB Protection, une entreprise de moins de cinq ans d'âge, que l'on dit favorisée. Comment ? Le choix de l'adjudicataire dans l'appel d'offres portant sur la remise à niveau du système de la vidéosurveillance de la région du Grand Casablanca suscite des protestations. Serait-ce de la pure jalousie vis-à-vis de celui qui l'a remporté et qui a donc damé le pion à une dizaine de soumissionnaires rivalisant tous de notoriété et d'expérience ? L'enjeu financier peut largement étayer une telle supposition. Et pour cause: d'après les premières estimations faites lors du lancement de l'appel d'offres, il s'agit d'un marché de plus de 20 millions de DH. Ce n'est pas tout, puisque le véritable enjeu financier se situerait au niveau de l'extension du réseau existant depuis 1994 et aujourd'hui obsolète. En effet, ce réseau d'extension devra, à terme, être constitué de 400 caméras, contre seulement 52 caméras mobiles héritées de l'ancien système et qui feront l'objet d'une remise à niveau par l'adjudicataire fraîchement retenu. Selon des sources proches du dossier, le projet d'extension devra porter sur pas moins de 300 millions de DH. De quoi attiser les convoitises ! Mais une chose est sûre : l'actuel adjudicataire aura une avancée sur les soumissionnaires à l'appel d'offres d'extension puisqu'il imposera ses solutions et sera ainsi mieux outillé pour assurer une certaine continuité. Mais qui est cet adjudicataire qui suscite une telle polémique? Il s'agit d'AB Protection, une société basée à Rabat et qui intervient à plusieurs niveaux de la filière de sécurité. Ceci, pour les informations officielles. Un détail «croustillant» manque à cette présentation commerciale : un lien de parenté entre Mounir Belmahi, l'un des dirigeants de l'entreprise AB Protection, et Mohamed Kabbaj, le wali de Casablanca. En effet, M. Belmahi ne serait autre que le frère du gendre de M. Kabbaj. Et alors? Est-ce une raison pour que ce soumissionnaire soit pénalisé, diront certains ? Soit, mais dans le dossier de l'appel d'offres en question, cette information a tout de même son importance... Quelques failles relevées dans le CPS Le maître d'ouvrage de l'appel d'offres en question est, justement, la Wilaya de Casablanca. C'est elle qui a lancé le processus et c'est encore elle qui en a assuré le suivi. Par ailleurs, un lien de parenté, aussi fort soit-il, peut-il légitimement remettre en cause tout un processus ? En tout cas, les circonstances dans lesquelles s'est déroulée l'opération d'appel d'offres comportent des points dont certaines ont été soulevées lors des questions adressées par les soumissionnaires au maître-d'ouvrage (*). «L'architecture proposée dans le Cahier des Prescriptions Spéciales est celle de la solution Pelco, à la base du système Endura, avec un descriptif détaillé de toutes les caractéristiques spécifiques à cette solution», peut-on lire au détour de l'une des questions. Et de s'interroger: «est-ce le seul produit et la seule architecture à proposer ? Ou toute autre solution équivalente en matière de fonctionnalités principales pourra-t-elle être proposée ?» Sous son aspect anodin, la question semble pourtant mettre en évidence une faille de taille : celle consistant à décrire une solution et un produit définis au lieu d'énoncer les performances attendues par le système. Simple erreur de la part du bureau d'études Vidal, chargé de la rédaction du CPS ? En tous cas, la réponse de la Wilaya n'a pas été très convaincante pour la plupart des soumissionnaires. «Toutes les offres qui répondent aux exigences de qualité technique seront acceptées, abstraction faite de la marque». Telle a été la réplique de la Wilaya. «Pourtant, n'importe quel connaisseur en matière de vidéosurveillance peut établir le lien entre le descriptif et la marque Pelco. C'est dire si un soumissionnaire était visé en particulier», martèle un des soumissionnaires, qui a requis l'anonymat. Un autre aspect n'a pas manqué de susciter des interrogations. Il s'agit de l'exigence consistant à construire des tranchées de 8 km; une longueur déterminée à l'avance alors que l'emplacement dans le schéma du réseau n'est pas connu. A ce sujet, la réponse de la Wilaya est claire : «8.000 m représentent la quantité qui peut être éventuellement utilisée dans le cadre de l'installation de la solution. L'emplacement sera proposé par chaque fournisseur (…)». Il n'y a donc pas de tracé précis, ce qui laisse dire à certains soumissionnaires qu'il s'agit uniquement d'une condition dissuasive, d'autant plus que la liaison devra aussi être assurée par wi-fi. AB Protection, soumissionnaire privilégié ? Mais en quoi tout cela peut-il faire de la société AB Protection un soumissionnaire privilégié ? La note finale accordée à cette entreprise (la formule retenue se base sur une pondération où 70% résultent de l'évaluation technique et 30% de l'évaluation financière) a été la meilleure de toutes. Sur les 12 entreprises (voir liste) qui ont soumissionné, sept ont été écartées à la première phase, dite administrative. Des candidats du poids d'Ericsson ou encore de l'espagnol Indra, mis hors course, ont réagi en envoyant des courriers à leurs ambassades au Maroc. Contacté par Challenge Hebdo, le suédois Ericsson n'a pas souhaité commenter le sujet. Pourtant, les raisons du rejet de sa candidature ne paraissdent pas convaincantes. «Ericsson a livré une caution de 120 jours couvrant largement la période de l'offre qui est de 90 jours. Cependant, le maître-d'ouvrage s'est opposé à ce que la caution soit limitée dans le temps et a pris la décision d'écarter Ericsson de la course», commente une source proche du dossier. Ceci étant, les cinq candidats retenus pour passer à l'étape supérieure ne se sont pas sentis plus chanceux qu'Ericsson. Les critères techniques de notation retiennent des aspects purement subjectifs et accordent plus d'importance à des aspects élémentaires (tels que les délais de réalisation) qu'à des aspects plus pointilleux comme la pérennité de la solution ou le nombre d'années d'expérience dans le domaine. «De toutes les manières, au Maroc, la commission est souveraine et personne ne peut remettre en cause ses évaluations», s'indigne un soumissionnaire écarté vers la fin du processus. (*) Le règlement des marchés publics donne l'occasion à l'ensemble des soumissionnaires de poser des questions et d'exiger des éclaircissements. Les réponses sont par la suite regroupées et envoyées par écrit à l'ensemble des soumissionnaires. Les 13 soumissionnaires à l'appel d'offres • Ericsson • ES Data • GSTI • SCCE • Mahgreb Net • AB Protection • Securimag • Securidat • Rich Ingénierie • Indra • Elecam • ZTE • Martec