Peu de fans de jeux vidéo savent qu'il existe une «bande à Casablanca» qui crée des jeux dans les règles de l'art… Certaines de ces créations sont appréciées par des joueurs dans le monde entier et portent la griffe Ubisoft. D'une dizaine de collaborateurs à ses débuts, le studio de production Ubisoft Casablanca en compte aujourd'hui une bonne soixantaine. Niché pour l'instant au dernier étage de l'immeuble en verre, sis à l'angle des boulevards d'Anfa et Moulay Youssef, le studio sera transféré au début de l'été 2008 sur le nouveau parc dédié aux métiers de l'offshoring, CasaNearShore, à la sortie de Casablanca vers Bouskoura. A l'entrée du studio, au dixième étage, rien ou presque n'indique qu'on est réellement dans un studio de création de jeux vidéos, si ce n'est des affiches de Rayman, la marque fétiche du groupe depuis 1995, date de sa naissance. «Le studio proprement dit est en bas. Ici, c'est la direction et les services administratifs», nous explique rapidement Fayçal, jeune informaticien à l'air très jovial. En bas, une cinquantaine de jeunes, surtout des garçons, aux profils différents, travaillent dans une ambiance où la proximité est de mise. Pour favoriser la convivialité au sein des équipes, 85% des sites de production d'Ubisoft éparpillés aux quatre coins du monde ont moins de 200 salariés. Ubisoft Casablanca atteindra ce nombre en 2010. Des informaticiens, des game-designers, des graphistes… Tout ce beau monde s'active pour contribuer un tant soit peu au rayonnement de l'image d'Ubisoft dans le monde. Faut-il rappeler qu'Ubisoft est présent dans 23 pays et se classe au deuxième rang dans l'industrie mondiale du jeu vidéo, en termes de nombre d'employés dans ses studios de création (3.200 personnes)? Au commencement, un concept Ce quatrième éditeur mondial indépendant (hors Japon) a réalisé l'année dernière un chiffre d'affaires de 680 millions d'euros. Seul éditeur de jeu vidéo présent au Maroc, Ubisoft Casablanca est capable de développer des jeux ici même, à Casablanca. Des succès mondiaux, tels que «King Kong», «Prince of Persia» ou encore «Rayman contre les lapins crétins» portent sa signature. «L'industrie du jeu vidéo semble relever du rêve, mais c'est beaucoup plus accessible que ça. Notre pays doit s'y mettre pour montrer de quoi on est capable», commente Houssam, directeur de la production. Ubisoft Casablanca se penche actuellement sur la création de jeux pour la console nouvelle génération DS de Nintendo. Une chose est sûre : pour bosser ici, il faut d'abord être un bon joueur. «Vous savez jouer, vous savez analyser, vous êtes alors les bienvenus», dit-on aux jeunes candidats pour le recrutement. «Lors de son implantation en 1998, Ubisoft Casablanca a dû faire passer des entretiens à presque tous les joueurs marocains», se rappelle Cyril Vermeil, directeur général d'Ubisoft Casablanca, rapportant le témoignage de ses prédécesseurs. «Au Maroc, il y a beaucoup de passionnés de jeux vidéos parmi les jeunes, mais beaucoup ne savent pas qu'ils pourraient en faire leur métier», poursuit-il. Ubisoft Casablanca envisage de lancer cette année, en collaboration avec certaines écoles d'art et d'informatique, des programmes de formation dédiés spécialement au jeu vidéo. Avant de tomber dans les consoles maisons ou portables, un jeu commence par une idée nouvelle ou un concept déjà bien établi (Rayman, à titre d'exemple), la création de nouvelles marques étant rarissime dans le domaine. Sa confection peut durer en moyenne un an. Mehdi, game-designer, explique : «lors de l'étape de la conception d'un jeu, notre travail consiste à définir le game-system, c'est-à-dire les règles du jeu, le type de personnage (le héros) et son comportement, l'univers du jeu, etc.» Très souvent, Ubisoft Casablanca reçoit un mandat de Ubisoft Paris, dans lequel sont clairement délimitées les lignes directrices du jeu. «A nous ensuite de décliner le thème envoyé par la maison mère en ces différents aspects du jeu», ajoute Mehdi, un vrai passionné des jeux vidéo depuis son bas âge. Une fois l'idée du game-designer bien tracée, celui-ci sollicite la collaboration des autres métiers. A commencer par le studio graphique où interviennent Youness et Abdellah. Le premier s'occupe du graphisme du jeu, tandis que le second prend en charge la partie animation. «On essaie de comprendre l'idée de base du game-designer et de l'interpréter par des illustrations (lieu, thème, ambiance, effets, construction du décor et de l'environnement, création du personnage et son mode de vie, etc). Après quoi, on établit une maquette représentative du jeu pour s'assurer que les mécanismes imaginés par le game-designer tiennent la route, avant de passer à la phase de production», explique Youness. Trois genres d'animation Acquiescant de la tête, son collègue Abdellah ajoute : «il existe trois genres d'animation : le réalisme, le semi-réalisme et le cartoon, où le mouvement et le comique sont exagérés». La phase de conception, la plus longue, fait appel à toute une équipe d'illustrateurs qui procèdent à une série de croquis et de dessins. «On essaie, par exemple, de retranscrire les émotions du personnage principal (le héros). On lui donne un charisme via ses habits ou son visage», nous confie Youness. Une fois l'ensemble de ces éléments validés, l'on établit la story line (la ligne de l'histoire du début à la fin) avec ses différents rebondissements afin de créer des pics d'émotions, très appréciés par les joueurs. La partie son est confiée à Jamila, son-designer. «Cette partie a trait à la création du bruitage, la commande de musique et le mixage. On essaie d'intégrer tous ces éléments d'une manière intelligente dans le jeu, en identifiant notamment la voie du personnage principal, celle de ses ennemis et quel son utiliser pour alerter le joueur», explique Jamila. Avant d'entamer la production proprement dite, toutes les données (graphique, animation, son) sont regroupées chez un informaticien qui crée un code de jeu et établit des maquettes de test. «A Ubisoft Casablanca, les informaticiens sont de deux natures : les premiers s'occupent du comportement, ou ce qui est communément appelé l'intelligence artificielle, et les seconds (informaticiens moteurs) s'efforcent de faire appel aux dernières techniques dans l'industrie du jeu vidéo, la technologie de l'ombre du personnage en 3D par exemple», souligne Fayçal. Une fois le cadre du jeu bien tracé et après une phase d'optimisation (contraintes liées à la console DS), la chaîne de production peut être lancée. Après la correction des erreurs (bugs), le jeu vidéo atterrit sur les consoles des joueurs du monde entier. Question de s'amuser et d'oublier le quotidien !