A partir de janvier 2009, date de démarrage de «Crédit Bureau», tous les dossiers de crédit (bancaire, automobile, immobilier...) de tout montant (petit ou grand) seront «scannés». Des rapports de solvabilité propres à chaque individu seront établis. Des clients ont roulé leur banquier ou leur société de financement pour disposer de plusieurs crédits à la fois. Ils mentaient sur des informations relatives à leur situation, à leurs coordonnées, à d'éventuels autres crédits demandés à divers autres établissements… Ceux-là devront se ranger. Jusqu'à présent, le système en vigueur admet en quelque sorte ce genre de laxisme. D'abord, la centrale des risques-crédit, créée et gérée par Bank Al Maghrib (BAM) depuis 1978, est assez limitée. Cette base de données, regroupant quelques informations - souvent incomplètes - sur les crédits octroyés à la clientèle des banques, ne permettait de recenser qu'une faible population et de surcroît, qui ne concernait pas la petite clientèle. En effet, BAM avait fixé un seuil de déclaration à 100.000 DH pour les banques et 300.000 DH pour les sociétés de financement. Cette centrale n'était pas automatisée. Elle n'établissait pas non plus d'historiques. Elle ne prenait en compte que des encours. Ensuite, ce même système a poussé les établissements financiers à fermer –parfois- les yeux sur certaines irrégularités. Faire fi des règles... Motivés par la réalisation de leurs objectifs commerciaux, certains des agents n'hésitent pas à faire fi des règles. Résultat : ces mêmes établissements sont confrontés aux incidents de paiement. Le taux des créances en souffrance en prend un coup. C'est donc pour renforcer et moderniser les infrastructures existantes, pour connaître précisément les habitudes de paiement des clients, pour réduire les créances en souffrance… que la Banque Centrale a choisi de passer la main à une société experte en la matière. Bank Al Maghrib, durant des années, n'a pu, malgré les efforts fournis, ni contenir, ni cerner ni prodiguer comme il le fallait les informations qui auraient permis de mieux assainir le système d'octroi de crédit. Désormais, il est espéré que le nouvel opérateur, avec lequel la Banque Centrale vient de signer une convention, y remédie. Exp Services Maroc a été choisi comme délégataire, pour une durée de 25 ans, du service de la centralisation des risques. «Crédit Bureau», l'indicateur succinct de solvabilité, fournira des services d'information et de notation relatifs au crédit. Il collectera, contrôlera, validera, traitera toutes les informations qu'il recevra de la Banque Centrale. D'après les responsables des deux parties, la nouvelle base de données mise en place sera actualisée en temps réel. Ce qui permettra aux clients d'Experian de disposer d'informations fraîches. Compte tenu des procédures de remontée de l'information des banques vers la Banque Centrale, on est en droit de se demander si cette base de données pourra effectivement être mise à jour aussi fréquemment qu'on le prétend. Selon le calendrier convenu avec la Banque Centrale, Experian devra alors mettre en place la centrale de crédit au mois de septembre 2008 et le démarrage commercial de ses services devra avoir lieu dès le mois de janvier 2009. A partir de cette date, toute banque ou établissement de crédit pourra consulter la base de données du délégataire. Le service sera, à l'évidence, payant. Les frais seront facturés à l'interrogation. «A chaque fois qu'un établissement s'interrogera sur un client, il devra en payer le coût. Et forcément, plus les interrogations seront nombreuses, et plus ce coût devrait baisser», indique Jamal Rahal, directeur général de Exp Services Maroc. Selon nos informations, ce sont les niveaux de coûts proposés par Experian - gardés pour l'instant confidentiels - qui ont fait pencher la balance de son côté pour remporter l'appel d'offres concernant ces services. Le service sera, à l'évidence, payant Ce sont ces mêmes rémunérations des services offerts aux établissements de crédit qui permettront au groupe européen de faire tourner la machine. Cependant, «les expériences menées dans les divers pays où nous sommes implantés montrent que nous ne devrons commencer à gagner de l'argent qu'à partir de la troisième année d'exploitation. En moyenne, il faudrait une période de 5 ans environ pour que le Crédit Bureau devienne raisonnablement rentable», explique le directeur général d'Exp Services Maroc. Le retour sur investissement est prolongé dans la durée. Mais, à fortiori, ce ne sera pas le cas des établissements de crédit qui pourront consulter et disposer de rapports de solvabilité d'un client donné. Selon l'expérience d'Experian sur des marchés similaires, la réduction des provisions de mauvaises créances peut varier de 10% à 25%. Un taux non négligeable qui devrait encourager les institutions financières à consulter davantage de fois cette centrale. Il n'y a pas lieu de polémiquer sur le tour de table La société délégataire en charge de la centrale des risques crédit a ouvert son capital à des institutions financières marocaines. Experian Limited reste majoritaire avec 67% du capital. 18% sont détenus par la compagnie d'assurance CNIA. Les 15% restants appartiennent à des banques : Attijariwafa Bank, BMCE Bank, BMCI et Société Générale. Une question se pose : pourquoi Bank Al Maghrib n'en fait-elle pas partie ? Réponse du berger à la bergère : «nous ne pouvions pas être juge et partie, gestionnaire et contrôleur à la fois», explique Abdelatif Faouzi, directeur général de BAM, «nous voulons garder notre neutralité». Une autre interrogation se pose sur la participation des banques dans le tour de table d'Experian Maroc. Ces banques auront accès directement à la base clientèle de leurs concurrentes. N'y a t-il pas conflit d'intérêt ? A ce sujet, les responsables sont fermes. «Il n'y aura à l'évidence aucun traitement de faveur par rapport à ces partenaires», assure Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque Centrale. Et Jamal Rahal, directeur général d'Exp Services Maroc de poursuivre : «la porte est ouverte à tout autre partenaire désirant entrer dans le capital». Repères •Pas d'exclusivité ! Experian n'a pas l'exclusivité sur l'activité de la fourniture de services d'information et de notation des crédits. La Banque Centrale s'est gardé le droit de recourir, au cas où le délégataire ne remplirait pas ses engagements, au choix d'un autre opérateur. «Mais notre expérience de par le monde nous conforte dans nos desseins. Nous sommes confiants dans la réussite de notre mission», confie un des responsables d'Experian. •Contenu du rapport de solvabilité : informations relatives aux encours, aux incidents de paiement, au type de remboursement, aux historiques de remboursement, aux demandes de crédits rejetés, au paiement par carte de crédit… •Qui accédera aux rapports de solvabilité ? Les banques et les sociétés de financement marocaines sont les seules entités qui pourront y accéder. Par contre, un client qui souhaiterait contester un rapport pourra à son tour payer le service de consultation pour jeter un oeil sur son propre dossier. •Quels services ? Experian voudrait développer au Maroc trois lignes de produits : des bases de données exhaustives comprenant des données financières sur chaque individu y compris les crédits engagés, des bases de données financières et d'informations sur les niveaux de crédit et de risque sur les entreprises ainsi qu'un large portefeuille de produits et de solutions décisionnelles combinant l'analyse prévisionnelle, la gestion de stratégie, les moteurs décisionnels et le conseil. Experian Maroc voudrait aussi élargir l'offre proposée par la centrale vers d'autres secteurs comme les télécoms ou les assurances. •BAM garde le contrôle : La Banque Centrale sera le principal fournisseur d'informations à «Crédit Bureau ». Même si elle a délégué la gestion de cette centrale des risques-crédit, la banque des banques gardera toujours le plein contrôle sur l'activité du délégataire.