Trois jours avant l'élection de ce binôme candidat unique, le futur patron des patrons trace dans une interview avec le magazine Jeune Afrique les contours de son programme et les points sensibles qui devront marquer son mandat. Après près de dix-huit mois aux commandes de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la démission de Salaheddine Mezouar avait laissé l'organisation patronale dans un vide juridique sans précédent, son binôme Faiçal Mekouar s'étant lui aussi retiré de son poste quelques mois auparavant. Le DG de Somaca, Mohamed Bachiri, a assuré ensuite la présidence par intérim, depuis fin octobre 2019 en attendant l'élection d'un nouveau binôme. Chose faite, puisque Le président de la Fédération Nationale de La Minoterie (FNM), Chakib Alj, et l'ancien PDG de Saham, Mehdi Tazi, se sont portés candidats respectivement aux postes de président et vice-président de la CGEM. Pour sa première sortie médiatique, peu avant son élection, Chakib Alj révèle ses principales orientations pour ses prochaines trois années à la tête de la CGEM, un mandat qui devra démarrer le 22 janvier courant. Le premier point abordé est lié à la candidature unique en lice pour la présidence de la CGEM, devenue récurrente, que Jeune Afrique s'interroge si cela impliquerait un manque de démocratie interne. Une thèse réfutée par Chakib Alj qui y voit au contraire une avancée puisque cela montre qu'il existe un consensus. « Dans le passé, nous avons toujours travaillé de manière consensuelle. Mais c'est un processus démocratique : personne n'a été empêché de se présenter. Les membres de notre organisation ont simplement jugé que notre binôme [Mehdi Tazi] correspondait aux besoins de la CGEM et de l'économie du pays et se sont prononcés pour soutenir notre candidature, y compris ceux qui se sont retirés », explique-t-il. Les conditions de l'entrepreneuriat au Maroc figurent parmi les principaux champs de bataille qui attendent le futur président de la CGEM. Alj note, d'après les consultations déjà effectuées avec les patrons d'entreprises, que le patronat se trouve « dans un cycle baissier, et les problèmes se multiplient ». Et de préciser qu'« il y a actuellement 400 milliards de dirhams (37 milliards d'euros) de créances dues aux entreprises du secteur privé, ce qui assèche les trésoreries. Conséquence : nous avons des entreprises qui se comportent bien, mais qui doivent fermer à cause de problèmes de trésorerie. Ça fait peur ! Et, pour ne rien arranger, dernièrement, les contrôles fiscaux ont été très agressifs ». Lire aussi : CGEM : la candidature du binôme Alj-Tazi validée Son programme d'action porte une attention particulière aux TPE et PME, qui représentent, selon lui, « un véritable gisement de croissance et sont l'essentiel de notre économie ». Ainsi, la CGEM devra œuvrer pour « faciliter l'accès aux financements et sécuriser les emplois existants. Mais, pour cela, il faut impérativement redonner confiance aux opérateurs. Je pense que les entreprises ont juste besoin de quelques signaux positifs pour redémarrer. Il faut que l'ensemble des parties prenantes de notre pays s'investissent pour retrouver la confiance, sans laquelle il ne peut y avoir de croissance. Mais la confiance ne se décrète pas, elle s'acquiert ». Sur l'entrée en vigueur du traité instituant la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf), Chakib Alj se veut positif. « C'est une initiative très intéressante d'autant plus que le taux d'échanges commerciaux interafricains est très faible comparativement aux autres continents. Les entrepreneurs marocains en font une lecture positive, d'après les échanges que j'ai eus avec eux. C'est une véritable opportunité pour le royaume, qui est l'une des puissances économiques du continent », affirme-t-il. Interpellé sur les priorités du nouveau modèle de développement en cours d'élaboration, le prochain patron des patrons est confiant quant à la capacité de la Commission désignée en novembre par Sa Majesté de livrer les recommandations nécessaires pour libérer le potentiel de création de richesses de l'économie marocaine rappelant que trois membres de la CGEM participent à cette commission. « Le Maroc a clairement choisi la voie du progrès. Nous devons augmenter de manière significative notre rythme de croissance pour créer les conditions du décollage tant attendu par les opérateurs. Il faut aussi trouver les moyens de booster la compétitivité des PME, et surtout des TPE, d'augmenter le volume des exportations, et de créer suffisamment d'emplois », préconise Chakib Alj.