Moyens à revaloriser, loi mal appliquée, gouvernance dispersée… Les failles dans la chaîne de contrôle sanitaire marocaine persistent. Les dessous d'un système peu reluisant. La santé des Marocains est-elle menacée ? Régulièrement, la presse pointe des situations de fraude, d'usage abusif de pesticides ou encore de recours aux pesticides non homologués comme c'était le cas récemment à Berkane ayant conduit à la destruction de 136 tonnes de pommes de terre par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Au-delà de cette opération ponctuelle, cet organisme communique régulièrement un bilan mensuel de contrôle des produits alimentaires saisis et détruits pour non conformité à «la réglementation en vigueur». C'est ce terme assez vague qui est toujours avancé. Sans se hasarder à signaler les dangers réels du produit incriminé sur la santé du consommateur et encore moins les auteurs de la fraude. Car, depuis sa création, il y a une décennie, l'ONSSA fait surtout dans la sensibilisation pour instaurer son approche de contrôle. Le Maroc dans la mouvance mondiale Pourtant, le Maroc a bien suivi le mouvement mondial sur la protection du consommateur. Pour la petite histoire, rappelons que sur le plan mondial, 1906 a marqué un véritable tournant en matière de contrôle des aliments, notamment aux Etats-Unis. Il y a eu la publication d'un livre intitulé «La jungle » et qui parlait des abattoirs de Chicago. C'est à partir de là que les Américains et aussi d'autres pays ont commencé à réellement s'intéresser à ce que consomment leurs citoyens. Mais en vérité, le vrai coup de pouce, c'étaient les Marocains qui en étaient responsables. En effet, en 1959, il y a eu une importante intoxication par les huiles frelatées dans la région de Meknès et Khemisset. Des centaines de personnes sont mortes, 20 000 personnes ont été empoisonnées. En effet, dans une petite fabrique artisanale de Meknès, un groupe de commerçants avaient mélangé de l'huile de table à de l'huile pour moteur d'avion, récupérée dans les bases américaines qui venaient d'être libérées : Sidi Kacem, Nouacer et Sidi Yahya. Ces barils avaient été acheminés et stockés dans un local. Ces huiles à peu près identiques à l'huile de freins des voitures, furent mélangées à de l'huile de table dans le but d'assurer de confortables bénéfices. A l'époque, les pouvoirs publics, ne comprenant pas les causes d'une telle situation, avaient fait appel aux pays tels que l'Angleterre, la Hollande, la France, les Etats-Unis, pour tirer la situation au clair. C'est là qu'ils ont découvert que c'était l'huile frelatée qui en était la cause. Ainsi, en 1960, ces différents pays qui avaient travaillé sur le cas marocain ont mis en place ce qu'on appelle le Codex Alimentarius. C'est une institution qui existe encore de nos jours et dont le siège se trouve à Rome et qui opère sous l'égide de l'OMS et de la FAO. Un an plus tard, le président américain John Kennedy, dans un discours au congrès, a appelé à la protection du consommateur. Ensuite, le 15 mars est devenu la Journée mondiale du Consommateur. Depuis, de nombreux pays ont commencé à se doter de toutes sortes de loi. Et le Royaume où le contrôle des denrées alimentaires remonte à 1923 avec la création des services vétérinaires, a été équipé de plusieurs abattoirs à l'époque et qui fonctionnent encore jusqu'à aujourd'hui d'ailleurs comme ceux de Meknès construits en 1927 et qui sont toujours opérationnels. Mais, les choses ont surtout évolué après le scandale du l'huile frelatée avec la mise en place d'une direction de la répression des fraudes. Elles le seront davantage avec l'ouverture des frontières et la signature par le Maroc de plusieurs accords de libre-échange. Quand l'Argentine inspire… Toujours est-il que c'est avec le lancement du plan Maroc Vert que le contrôle sanitaire des aliments va bénéficier d'une attention toute particulière. En effet, en 2010, le ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, juste après le lancement de cet ambitieux programme agricole marocain, a fait un voyage en Argentine et constaté que ce pays avait beaucoup d'avance en matière de contrôle des denrées alimentaires, puisqu'il avait un organisme entièrement dédié appelé CENESA (Service national de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments). C'est là qu'il a eu l'idée de créer au Maroc un organisme similaire, d'où la naissance de l'ONSSA… Lire la suite sur votre magazine Challenge disponible dans tous les points de presse.