Le PDG de Platinum Power et l'actionnaire américain Michael Toporek se livrent une bataille qui remet en question la réalisation par l'énergéticien des projets de production d'électricité d'origine renouvelable annoncés au Maroc, mais aussi en Côte d'Ivoire et au Cameroun. Le premier a sorti un communiqué le vendredi 20 mars pour crier victoire et annoncer que le président du Tribunal de commerce de Casablanca a tranché en sa faveur. Quelques heures après, le deuxième a réagi via un communiqué contredisant les « allégations » d'Omar Belmamoun. Interview croisée. Omar Belmamoun : «Maintenant que nous avons obtenu gain de cause, nous pouvons travailler sereinement» Challenge : Vous avez annoncé que le président du Tribunal de commerce de Casablanca a tranché en votre faveur, en ne mettant pas Platinum Power en redressement, déboutant du coup l'actionnaire américain Michael Toporek (Brookstone Partners). Mais ce dernier a précisé également dans un communiqué n'avoir initié aucune « demande de redressement » et n'avoir été débouté d'aucune action. Qui croire ? Omar Belmamoun : Tout d'abord, la décision du président du Tribunal de Commerce de Casablanca est une excellente nouvelle pour Platinum Power. Nous pouvons reprendre notre activité dans la sérénité à présent. Pour ce qui est de l'actionnaire Michael Toporek, je confirme que sa demande a été déboutée par le Juge. Le Président du Tribunal de Commerce devait statuer sur un seul élément comme le prévoit la loi : envoyer ou non la société en redressement. Michael Toporek a introduit une requête auprès du Président du Tribunal dont la finalité etait la mise en redressement de Platinum Power. Toporek a fait une proposition de conversion de ses apports en comptes courant en capital avec une valorisation très faible par rapport à la valeur réelle de Platinum Power. Le fonds PME Croissance géré par Africinvest qui est entré dans le capital de PP en 2015 a une valorisation de 1,5 milliard de DH environ. En 2018, Michael Toporek a proposé une augmentation par conversion en compte courant à une valorisation d'environ 150 millions de DH, soit une perte de 90% de la valeur, de l'entreprise. Depuis, l'entree de PME Croissance, Platinum Power a pris de la valeur et non le contraire : signature du TS PPA du grand projet Makay de 365 MW au Cameroun, signature de l'accord cadre d'achat d'énergie du complexe GAO et Tayaboui en Côte d'Ivoire d'une capacité de 300 MW, ainsi que l'obtention de 6 autorisations 13.09 concernant des projets hydro-électriques au Maroc. Notre portefeuille de projets est tout simplement unique en Afrique. Selon Brookstone Partners, l'actionnaire américain majoritaire, la procédure judiciaire à laquelle vous faites référence «fait suite à une procédure d'alerte introduite par le cabinet Mazars, Commissaire aux Comptes de Platinum Power en raison des graves difficultés financières de la société dues à votre gestion désastreuse». Qu'en dites-vous ? Il est important de rappeler la genèse du conflit : l'affaire Soluna. Ce projet a vu le jour dans les bureaux de Platinum Power, les PV de conseils d'administrations faisant foi. En avril 2018, suite à mon refus de participer à la levée de fonds pour ce projet, avant d'avoir les autorisations requises, suite aux alertes de l'AMMC, Bank Al-Maghrib et l'Office des changes, Toporek a décidé d'arrêter subitement de financer Platinum Power. J'ai pu trouver d'autres solutions de financement que j'ai présentées au Conseil d'administration du 4 juin et du 17 octobre 2018. Toporek a voté contre ces solutions, mettant ainsi en péril la survie de Platinum Power. Le commissaire aux comptes a donc dû alerter le président du Tribunal de commerce de cette situation de blocage, ce qui relève des prérogatives du commissaire au compte. Suite a cela, Michael Toporek a introduit une requête auprès du Président du Tribunal dont la finalité était la mise en redressement de Platinum Power. Paradoxalement, aussi bien vous que Michael Toporek, vous vous réjouissez tous les deux de la décision du tribunal de continuation de l'activité de Platinum Power. Finalement donc, c'est un conflit ouvert entre vous. N'est-ce pas ? C'est un conflit entre Platinum Power et Michael Toporek. Preuve en est sa révocation lors de l'Assemblée générale du 5 février 2019 pour rupture de confiance. Toporek a détourné le projet Soluna et le projet AM Wind. Toporek et ses conseils font tout pour faire oublier cet événement majeur dans les médias. Brookstone Partners se dit prêt à réaliser un plan de recapitalisation, sous condition que vous soyez révoqué du management de Platinum Power. Qu'en pensez-vous ? L'Assemblée générale de Platinum Power tenue le 5 février, m'a reconduit dans mes fonctions de Président Directeur Général et a révoqué Michael Toporek pour rupture de confiance. Ce fait parle de lui même. Avec la situation actuelle, comment comptez-vous relancer Platinum Power, sachant que non seulement la plupart de ses employés ont plié bagage, mais que la société est au bord du gouffre pour de sérieux problèmes de trésorerie ? Encore une fois, les problèmes de trésorerie ne sont que le résultat du blocage initié par Michael Toporek. Je tiens à rappeler que Platinum Power n'a aucun endettement bancaire. Maintenant que nous avons obtenu gain de cause devant le Président du tribunal, nous pouvons travailler sereinement sur les différentes solutions qui s'offrent à nous. Je serai en mesure de communiquer prochainement inch'Allah sur celles-ci. Michael Toporek : «Nous ne ménagerons aucun effort pour sauver Platinum Power» Challenge : En réaction au communiqué publié par Omar Belmamoun, vous annoncez n'avoir initié aucune « demande de redressement » et n'avoir été débouté d'aucune action. Pourtant, Belmamoun qui affirme que le Président duTribunal de commerce de Casablanca a tranché en sa faveur, prétend le contraire. Qui croire ? Michael Toporek : Le communiqué publié par M. Belmamoun contient des propos mensongers et diffamatoires envers Brookstone Partners et Mr Michael Toporek. Nous confirmons que cette «procédure d'alerte » et non « demande de redressement » a été initiée par le commissaire aux comptes de la société Platinum Power. Conformément à l'article 548 du Code de Commerce marocain, la loi oblige le commissaire aux comptes à procéder de la sorte, dans le cadre d'une procédure dite de «prévention externe». Le commissaire aux comptes était ainsi tenu d'initier cette procédure pour les deux raisons suivantes : La situation financière de l'entreprise Platinum Power connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation : les capitaux propres de la société ont atteint un seuil critique, bien en deçà des obligations légales (les capitaux propres de la société sont négatifs à hauteur de moins 100 millions de dirhams environ) et la société s'est retrouvée en situation de cessation de paiement, dans l'incapacité de payer les salaires, de nombreux fournisseurs, la CIMR, ainsi que les cotisations fiscales et sociales auxquelles elle est soumise ; Par ailleurs, les comptes de la société Platinum Power relatifs à l'exercice 2017 n'ont jamais été approuvés. A ce titre on ne peut considérer que la demande ait été initiée par Brookstone Partners, ni que la décision du Président du Tribunal de commerce soit en faveur de M. Belmamoun. Ces deux allégations sont mensongères et infondées. Selon Belmamoun, c'est suite à son refus de participer à la levée de fonds pour le projet Soluna parce que n'ayant pas encore les autorisations requises, que Toporek a décidé d'arrêter de financer Platinum. Et lorsqu'il a trouvé d'autres solutions de financement, Toporek a voté contre. C'est suite à cela que Mazars a alerté le Tribunal puis Toporek a introduit sa requête auprès de ce dernier. Qu'en dites-vous ? Ceci est absolument faux. Cette affirmation n'est qu'une nouvelle tentative de diversion de la part de M. Belmamoun qui cherche des prétextes à son échec personnel dans Platinum Power. Nous y voyons également une tentative de nuire aux autres intérêts de Brookstone Partners au Maroc. Le projet Soluna est complètement indépendant de la société Platinum Power et parfaitement conforme à la règlementation en vigueur au Maroc. Le choix de Brookstone Partners d'arrêter de financer Platinum Power est dû au refus de M. Belmamoun d'accepter un plan de recapitalisation qu'il devenait urgent de mettre en place et à la rupture du lien de confiance qui liait les deux partenaires en raison de la gestion hasardeuse des finances de Platinum Power et d'une autre filiale marocaine commune, Brookstone Partners Morocco. Une action judiciaire au pénal a d'ailleurs été introduite à ce sujet devant les juridictions marocaines et suit son cours. Il est à mentionner qu'entre le mois d'Août 2016 et Mai 2018, Brookstone Partners concourait seule à financer l'ensemble des charges de la société par avances en comptes courants. M. Belmamoun n'a jamais supporté les coûts de développement, alors même qu'il détient une participation substantielle dans le capital. Ne souhaitant pas se voir dilué dans le capital, celui-ci a proposé des offres alternatives de financement soit à des taux usuriers, soit à des conditions faisant courir le risque de délit de banqueroute aux autres administrateurs. Ceux-ci ont donc naturellement été refusés. Si la société se retrouve actuellement à faire face à une situation aussi délicate, cela est la conséquence directe de l'obstination de M. Belmamoun à se maintenir dans ses fonctions, créant ainsi une situation préjudiciable pour la société, aux seules fins de servir ses intérêts personnels. Un rapport d'audit indépendant a d'ailleurs mis en évidence de nombreux dysfonctionnements dans la gestion de Platinum Power, et des versements d'importantes sommes sur un compte bancaire aux Emirats Arabes Unis ouvert au nom d'une société appartenant à 100% à M. Belmamoun, en violation de la réglementation des changes marocaine. Par ailleurs, cette rupture de confiance est partagée par les salariés, qui ont, pour la grande majorité, quitté la société depuis mai 2018. Paradoxalement, aussi bien vous que Belmamoun, vous vous réjouissez tous les deux de la décision du tribunal de continuation de l'activité de Platinum Power. Finalement donc, c'est un conflit ouvert entre vous. N'est-ce pas ? Le conflit ouvert est une conséquence de la gestion désastreuse de la société, et non sa cause. Nous nous réjouissons de la décision du Président du Tribunal de commerce qui a décidé d'opter pour la continuation de l'activité de Platinum Power, option qui recueillait évidemment notre préférence. Nous croyons fermement que les projets initiés et les engagements pris par la société peuvent être respectés avec un meilleur management à la tête de l'entreprise et nous ne ménagerons aucun effort pour aboutir à ce résultat. Selon Belmamoun, l'AG de février l'a reconduit dans ses fonctions et révoqué Toporek pour rupture de confiance. Qu'en pensez-vous ? Premièrement, au cours de cette AGE contestable, l'ensemble du conseil d'administration a été révoqué. Cette décision n'a jamais été prise pour « rupture de confiance » comme l'affirme encore de manière mensongère M. Belmamoun par voie de presse. Cette information est facilement vérifiable puisque le procès-verbal de cette AGE est un document accessible au public. Ensuite, cette décision était contraire aux dispositions légales et statutaires de la société. L'AGE n'étant pas compétente en matière de nomination du Conseil d'Administration de la société au titre de la loi et des statuts. De surcroit, toute décision autre que celles prévues par l'ordre du jour de la convocation à ladite AGE était, au titre de la loi, nulle et non avenue. La soumission de décisions comme celles-ci à l'AGE relevait de l'incompétence et d'une tentative illégale de maintien aux commandes de la société de la part de M. Belmamoun. Par ailleurs au lendemain de cette assemblée générale, l'un des administrateurs proposés n'a pas accepté ses fonctions. Enfin, au-delà de son illégalité, nous contestons, par principe, la décision déraisonnable de reconduire à son siège de PDG M. Belmamoun. En effet, celui-ci, bien qu'entouré d'une équipe dévouée et de très grande qualité, a commis de nombreuses erreurs de gestion ayant conduit la société à la situation actuelle. Pour toutes ces raisons, cette assemblée générale extraordinaire sera contestée devant les juridictions compétentes dans les jours à venir. Avec la situation actuelle, comment Toporek compte-t-il reprendre les choses en main, quand on sait que la société est au bord du gouffre pour de sérieux problèmes de trésorerie ? Brookstone Partners propose un plan de recapitalisation de la société en veillant, dans la mesure du possible, à préserver les intérêts des actionnaires minoritaires qui ne cessent de ménager tous leurs efforts pour la réussite de l'entreprise. Ce plan de recapitalisation consistera en la conversion des dettes enregistrées dans les comptes courants d'actionnaires, et en la réinjection de capitaux nouveaux pour pallier les besoins urgents et nécessaires de la société. Cette solution est toutefois conditionnée au départ sans délai de M. Belmamoun de son poste de PDG, et à son remplacement par un top management sérieux et crédible, à même de respecter les engagements pris par la société avec les salariés, les partenaires publics et privés et les actionnaires.