Le Maroc serait-il la prochaine étape du bras de fer continental que se livre le groupe français Castel et le géant américain Coca-Cola ? En effet, selon des sources proches de SBM (Société Brasseries du Maroc), filiale marocaine du leader français du vin, les plans de campagne sont déjà prêts et les troupes déjà sur les starting-blocks pour revenir sur le marché des boissons gazeuses dont SBM est sortie en juillet 2003 un peu malgré lui. Mais pourquoi une attente de près de 15 ans alors qu'ailleurs en Afrique, Castel est un des principaux acteurs de ce marché très lucratif, que ce soit en tant que producteur de marques propres (Top, Youki, Caprice, Boga...) ou embouteilleur… du même Coca-Cola avec qui il s'apprête à croiser le fer justement sur le territoire marocain. Retour sur les faits. En avril 2003, la SNI (premier groupe privé marocain) cède à Castel un bloc de contrôle de SBM qui compte dans son périmètre, à l'époque, la SCBG (Société Centrale des Boissons Gazeuses) un des premiers embouteilleurs marocains de Coca-Cola. Quelques semaines après, le géant d'Atlanta, vexé de ne pas avoir été consulté et, encore moins, associé à l'opération de changement de contrôle de la SCBG, notifie à SBM qu'il mettait un terme à leur partenariat industriel (un droit que Coca-Cola s'arroge avec tous ses embouteilleurs). Dos au mur, Castel n'a d'autres choix que de vendre SCBG. Chose qu'il fit dans la foulée en cédant 100% de cette filiale à l'espagnol Equatorial Coca-Cola Bottling Company (ECCBC), déjà présent au Nord du Maroc à travers une autre unité d'embouteillage. Ce dernier devient, de facto, premier embouteilleur marocain des produits de Coca-Cola. Quant à Castel, il empochera tout de même un joli pactole de près d'un milliard de dirhams (de quoi récupérer en deux mois près de 60% de ce qu'il a mis sur la table pour s'emparer de SBM !) mais concède à l'acheteur de SCBG une clause de non-concurrence de 15 ans. Et cette clause arrive à échéance dans quelques mois. Entre-temps, SBM s'est replié, depuis cette passe d'armes de 2003, sur l'activité principale de brasseur de bières tout en développant d'autres filières, telles le vin à travers Société de Vinification et de Commercialisation du Maroc (connu pour les marques Halana, Sahari, Laroque, Bonassia..) ou encore La Clef des champs (qui exploite la franchise des caves Nicolas au Maroc), les eaux minérales par l'entremise de la société Euro-Africaine des Eaux qui produit Ain Ifrane et distribue Cristalline et, enfin, l'huile d'olive haut de gamme (L'oliveraie de Laroque) et les boissons non gazeuses (marque Fayrouz). Avec la fin toute proche de la période contractuelle d'interdiction d'opérer dans les boissons gazeuses, Société Brasseries du Maroc compte bien aller chercher la barre des trois milliards de DH de chiffre d'affaires consolidé (contre 2,4 milliards de DH actuellement) dans un « nouveau » marché beaucoup plus profond et qu'elle connaît bien. Un marché qui pèse près de 5 milliards de DH, mais reste dominé de bout en bout par The Coca-Cola Company qui en contrôle 80% de parts de marché, très loin devant son rival de toujours, l'autre marque américaine Pepsi (qui a beaucoup reculé depuis que son embouteilleur marocain a été repris en 2011 par l'indien Varun Beverages), et quelques marques locales à leur tête ICE, qui appartient au groupe agro-alimentaire Unimer (famille Alj). Pour l'instant, rien ne filtre sur la marque (ou les marques) avec laquelle la filiale marocaine du groupe Castel compte jouer des coudes pour bousculer la hiérarchie en place, comme cela a été le cas dans plusieurs pays africains, notamment au Cameroun où Castel s'est accaparé le rang de leader des boissons gazeuses au grand dam du management de Coca-Cola, son puissant concurrent...et partenaire à la fois. Car, il ne faut pas oublier que Castel demeure encore le deuxième embouteilleur de Coca-Cola en Afrique. Mais, il est fort à parier que quelles que soient les marques de boissons gazeuses que le groupe Castel introduira sur le marché marocain, la concurrence y laissera quelques plumes au vu de la force logistique de SBM et la capillarité de son dispositif de distribution. Une sacrée bataille à l'horizon.