Pour la presse espagnole, la hausse des denrées essentielles au Maroc, surtout la flambée spectaculaire du prix du poisson est un «scandale», écrit La Razón, quotidien généraliste. Entre le prix consenti à la sortie des ports et celui exigé sur les marchés, l'écart, parfois décuplé, révèle l'emprise occulte d'intermédiaires qui parasitent la filière au détriment des marins et des consommateurs. Dans un contexte alourdi par la tension sociale, Mohamed Bazine, personnalité de premier plan au sein de la Fédération des chambres de la pêche de Rabat et président de la Confédération des marins et bateliers, cite par La Razón (et par Barlamane.com), a brisé le silence, livrant un constat implacable sur les dérives du secteur. Dans une déclaration d'une rare gravité, il expose une distorsion manifeste : alors que le poisson se négocie officiellement entre 2,5 et 4 dirhams le kilogramme sur les quais – à peine 0,40 euro – les marchés imposent à la population des prix atteignant jusqu'à 30 dirhams, voire davantage. Le dispositif censé encadrer la filière est pourtant clair, rappellent nos confrères espagnols. Les conventions établies entre les professionnels et l'Office national des pêches (ONP), sous l'autorité du ministère de la pêche maritime, fixent des plafonds précis : la sardine, denrée populaire par excellence, ne saurait excéder quatre dirhams le kilogramme ; la capelan se maintient à 2,5 dirhams, et le lançon ne dépasse pas six dirhams. Mais ces garde-fous semblent désormais inopérants, la régulation officielle cédant sous la pression d'une spéculation vorace. «De Nador à Lagouira, les ports s'astreignent aux tarifs encadrés», affirme M. Bazine, avant de pointer un relâchement coupable : l'absence de contrôle rigoureux tout au long de la chaîne de distribution ouvre la voie à des réseaux parallèles qui imposent leur loi en toute impunité. Cette captation illicite des marges alimente des profits exorbitants, creusant un gouffre entre les revenus des marins et le coût final supporté par les ménages. Les révélations du responsable syndical résonnent comme un désaveu pour les autorités compétentes. L'Office national des pêches et le ministère de la Pêche maritime se voient accusés d'incapacité à garantir l'application des accords conclus et à contenir des pratiques spéculatives qui gangrènent l'ensemble de la filière halieutique. En toile de fond, conclut le journal, c'est l'équilibre précaire d'un secteur stratégique qui vacille, entre injustices sociales et défiance grandissante. À l'heure où les Marocains, confrontés à une inflation tenace, peinent à préserver leur pouvoir d'achat, cette dérive illustre, avec une acuité particulière, les failles structurelles qui minent la chaîne de valeur des produits de la mer.