Le ministre français de l'intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé, lundi 3 mars, que ses services travaillaient activement à l'élaboration d'un répertoire exhaustif recensant plusieurs centaines d'individus identifiés comme présentant un risque manifeste pour la sécurité publique. Destinée à être transmise aux autorités algériennes, cette liste exigerait la réadmission par Alger de ces ressortissants, conformément aux engagements découlant du droit international. Lors d'une intervention sur BFMTV, le ministre a précisé que ces personnes faisaient l'objet d'une surveillance accrue en raison de leur implication dans des troubles à l'ordre public ou de leur inscription au fichier des signalements pour radicalisation à caractère terroriste. «L'Algérie doit assumer ses responsabilités. Qu'on ne vienne pas me dire demain, si un drame similaire à celui de Mulhouse venait à se produire, que nous n'aurions rien entrepris pour l'éviter. Ma mission est de protéger les Français, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y parvenir», a-t-il proclamé. Un test de sincérité pour Alger M. Retailleau a insisté sur la nécessité d'une coopération franche et efficace de la part des autorités algériennes, estimant que cette demande constituerait une véritable «épreuve de vérité». Cette déclaration intervient alors que les relations entre les deux pays sont marquées par des crispations récurrentes, notamment sur la question migratoire et l'octroi de laissez-passer consulaires pour les expulsions de ressortissants en situation irrégulière ou présentant une menace sécuritaire. La France, qui a exhaussé ces derniers mois sa politique de fermeté en matière d'immigration et de lutte contre l'islamisme radical, semble déterminée à contraindre Alger à reprendre ses nationaux. Toutefois, la réticence des autorités algériennes à coopérer sur ce dossier demeure un point d'achoppement majeur dans les relations bilatérales. En 2021 déjà, Paris avait décidé de réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux ressortissants algériens en réponse au faible taux de délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions, avant de rétablir progressivement le flux sous la pression diplomatique. Les imams étrangers sous contrôle Interrogé par ailleurs sur l'octroi de visas à des imams étrangers à l'occasion du Ramadan, Bruno Retailleau a réfuté toute contradiction entre cette mesure et la fermeté affichée sur la question des expulsions. «Nous accordons depuis des décennies des facilités à des imams et psalmodieurs venant principalement du Maroc et, dans une moindre mesure, d'Algérie, pour une durée de quarante jours. Ces séjours sont strictement encadrés et les individus concernés font l'objet de contrôles rigoureux», a-t-il détaillé. Le ministre a affirmé préférer cette solution à la prolifération de prédicateurs non encadrés, susceptibles de tenir des discours radicaux sur le territoire français. «Il vaut mieux accueillir temporairement des imams dont nous connaissons l'identité et le parcours, plutôt que de laisser prospérer des individus qui s'autoproclament prédicateurs et véhiculent des discours de haine», a-t-il fait valoir. En tenant cette ligne, Bruno Retailleau entend conjuguer fermeté et pragmatisme dans la gestion des enjeux migratoires et religieux, tout en plaçant l'Algérie face à ses responsabilités. Reste à savoir si Alger accédera à ces exigences, dans un contexte où les relations bilatérales oscillent entre rapprochements de façade et crispations profondes.