Ecouter Mustapha Baitas est un exercice difficile, surtout quand la crise sociale s'étend. Face à l'ampleur du déséquilibre structurel qui gangrène les circuits de distribution et alimente la volatilité des prix. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement a, une nouvelle fois, multiplié propos convenus et ritournelles rhétoriques face à la presse. Pour lui, l'exécutif «mobilise tous les moyens disponibles» pour enrayer la spirale inflationniste et rétablir un équilibre entre l'offre et la demande. Une posture qui contraste avec la rigidité du marché et l'opacité persistante des mécanismes de formation des prix. Alors, cette inflation artificielle des prix ? L'affaire du poissonnier de Marrakech en est l'illustration la plus flagrante. En proposant du poisson à un prix dérisoire – entre 5 et 7 dirhams le kilogramme –, ce commerçant a mis à nu une vérité que les autorités peinent à justifier : comment expliquer qu'une denrée disponible en abondance dans les ports marocains puisse voir son prix multiplié par trois ou quatre une fois acheminée vers les marchés intérieurs ? le ministre n'a pas éclairé cette donnée objective, alors que ce simple constat a provoqué une onde de choc et fait ressortir la structure spéculative d'un marché où l'intermédiation prédatrice, les distorsions logistiques et l'absence de régulation efficace concourent à une inflation artificielle des prix. Le jeune commerçant, qui s'était attiré l'adhésion populaire par sa transparence sur les marges appliquées dans la filière, a rapidement fait l'objet de mesures coercitives : une fermeture administrative de son échoppe sous prétexte de contrôles sanitaires et une interdiction d'accès au marché de gros de Marrakech, avant que le wali de Marrakech-Safi lui permette de rouvrir son commerce. L'épisode a toutefois exacerbé la défiance à l'égard de l'action gouvernementale. Car si Baitas prétend œuvrer à la «mise en place d'un cadre régulateur garantissant un approvisionnement à des prix raisonnables», la prééminence de réseaux d'intermédiaires, parfois en situation d'oligopole, contredit cet objectif. La concentration des points d'accès au marché de gros, l'absence de transparence sur la fixation des prix en amont et la tolérance implicite à certaines pratiques spéculatives ont figé un système où l'inflation ne découle pas tant de la rareté que de la captation des marges par une minorité d'acteurs. Mustapha Baitas, en évacuant la question d'une réforme en profondeur des circuits de distribution, s'enferme dans un discours d'intention qui n'offre aucune prise sur la réalité du terrain alors que la fronde populaire monte. La problématique de la formation des prix interroge les fondements mêmes du modèle économique national et l'aptitude de l'Etat à imposer une régulation efficace face aux intérêts établis, voire la complicité de certains cercles bien placés.