La justice algérienne a condamné deux membres du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) à des peines de prison ferme tandis qu'un représentant des étudiants en médecine a été placé en détention provisoire. Ces décisions judiciaires interviennent dans un contexte marqué par un contrôle renforcé des mouvements politiques et sociaux dans le pays. Le tribunal de Tizi Ouzou, à 110 km à l'est d'Alger, a prononcé une peine de dix ans de prison ferme à l'encontre du chanteur kabyle Mohand Cherif Aït Ali Belkacem, 69 ans, reconnu coupable d'«appartenance à un groupe terroriste», en référence au MAK, organisation classée comme telle par les autorités algériennes depuis 2021. Il a également été condamné pour «outrage au président de la République», «trafic d'armes» et «blasphème». Son coaccusé, l'artiste Rachid Ould Braham, 60 ans, a écopé de cinq ans de prison ferme pour son affiliation au même mouvement. Mohand Cherif Aït Ali Belkacem avait été arrêté le 23 avril 2024 à l'aéroport d'Alger, à son retour de France où il réside. Son ami, originaire de la même région, avait été interpellé le même jour. Tous deux avaient d'abord été placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire national, avant que les poursuites ne débouchent sur leur condamnation. Selon des sources judiciaires, les charges retenues contre eux sont en lien avec des activités présumées du MAK destinées à instaurer un régime d'autonomie dans les préfectures à majorité berbérophone, notamment Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira et Boumerdès. Le MAK, organisation sous surveillance Les autorités algériennes accusent le MAK d'avoir orchestré l'acheminement d'armes depuis l'étranger, notamment via le port de Marseille, pour alimenter une insurrection en Kabylie. À l'été 2021, une vague d'incendies ayant ravagé la région avait conduit à l'arrestation de plusieurs dizaines de personnes, soupçonnées d'être liées au mouvement et de participer à des actes de sabotage. Le chef du MAK, Ferhat Mehenni, 72 ans, militant indépendantiste, a été condamné par contumace à vingt ans de prison en octobre 2022. Installé en France, où il bénéficie du statut de réfugié politique, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par Alger, qui réclame son extradition. L'Algérie réclame des extraditions à la France Cette affaire s'inscrit dans une demande plus large des autorités algériennes à la France concernant l'extradition de plusieurs personnalités recherchées, notamment l'ancien ministre de l'industrie Abdesselam Bouchouareb et l'ex-officier des services de renseignement Hicham Aboud. Dimanche 2 février, le président Abdelmadjid Tebboune a de nouveau exhorté Paris à coopérer sur ces dossiers, affirmant que certains de ces individus auraient été «recrutés comme informateurs par les services français.» Un représentant étudiant incarcéré en pleine grève des facultés de médecine Parallèlement, à Tlemcen, à l'ouest du pays, la justice a ordonné le placement en détention provisoire de Charaf Eddine Talhaoui, étudiant en médecine et figure de la contestation dans le secteur. Arrêté le 28 janvier, il est poursuivi pour «diffusion de fausses informations», «atteinte à l'ordre public» et «atteinte à l'intérêt national», selon son avocat Kamel Rachid Louh. Depuis trois mois, les étudiants en médecine observent un mouvement de grève qui paralyse plusieurs universités du pays. Parmi leurs revendications figurent une augmentation des postes d'internat, une reconnaissance internationale de leurs diplômes et l'amélioration des conditions de stage dans les hôpitaux. L'arrestation de Talhaoui a suscité un large élan de solidarité au sein du mouvement étudiant, qui exige sa libération immédiate.