Le Parlement éthiopien a approuvé, officiellement, un texte très attendu autorisant les banques étrangères à opérer dans le pays. Cette réforme, que nous avions annoncé récemment, a été adoptée peu après que le gouverneur de la Banque nationale d'Ethiopie, Mamo Mihretu, a annoncé, lors du sommet de l'industrie financière africaine organisé au Maroc, l'ouverture du secteur bancaire éthiopien aux investisseurs internationaux. La nouvelle loi permet aux banques étrangères de créer des filiales, d'ouvrir des succursales ou des bureaux de représentation et d'acquérir des participations dans des banques éthiopiennes existantes. Toutefois, pour préserver une certaine souveraineté locale, la législation fixe une limite de 49 % à la détention combinée de parts par des étrangers ou des organisations étrangères dans les banques locales. Un secteur en mutation face à la concurrence étrangère Le gouvernement éthiopien prévoit d'octroyer jusqu'à cinq licences bancaires à des investisseurs étrangers au cours des cinq prochaines années, en vue de stimuler la concurrence dans le secteur financier. M. Mihretu a défendu cette réforme, affirmant qu'elle renforcera les établissements bancaires nationaux. Actuellement, le paysage bancaire éthiopien compte plus de 30 institutions, dominées par la Commercial Bank of Ethiopia, détenue par l'Etat. Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, le Premier ministre Abiy Ahmed a entrepris de libéraliser l'économie éthiopienne. En 2021, son gouvernement a attribué une licence de télécommunications de 850 millions de dollars à un consortium dirigé par Safaricom (Kenya), brisant ainsi le monopole public. Plus récemment, le pays a ouvert son secteur de la distribution aux acteurs étrangers et s'apprête à lancer une bourse, l'Ethiopian Securities Exchange, pour faciliter la privatisation des entreprises publiques. Cette ouverture s'inscrit dans le contexte d'une économie autrefois parmi les plus dynamiques d'Afrique, affichant des taux de croissance annuels supérieurs à 10 % entre 2004 et 2019. Cependant, la guerre civile, la pandémie de Covid-19 et les retombées économiques de la guerre en Ukraine ont freiné cette expansion, ramenant la croissance moyenne à 5,9 % entre 2020 et 2023, tandis que l'inflation grimpait de 20,4 % à 30,2 %. Stabilisation économique et possibilités pour les banques marocaines Face à une pénurie chronique de devises étrangères, la Banque nationale d'Ethiopie a abandonné en juillet sa politique de fixation des taux de change. Cette décision audacieuse a conduit à une dépréciation initiale du birr, suivie d'une stabilisation progressive de la monnaie, mettant fin au marché noir du dollar. Les entreprises ont désormais un meilleur accès aux devises étrangères, et les réserves en devises recommencent à affluer dans le Trésor national. Pour les banques marocaines, cette réforme offre des possibilités stratégiques significatives. Avec leur expérience dans l'expansion panafricaine et leur expertise en matière de financement de projets structurants, les institutions marocaines telles qu'Attijariwafa Bank et BMCE Bank of Africa sont bien positionnées pour investir dans le marché éthiopien. En s'appuyant sur leurs réseaux et leur savoir-faire, elles pourraient jouer un rôle clé dans le développement du secteur bancaire local tout en renforçant leur présence dans la deuxième économie la plus peuplée d'Afrique.