Au terme d'une longue garde à vue abusive, les militants kabyles détenus au commissariat central de Bejaïa connaissent enfin leur sort. Huit d'entre eux, dont l'enseignante universitaire Mira Moknache, sont poursuivis en état de détention pour des activités terroristes, tandis que six autres sont placés sous contrôle judiciaire. Transférés dans la capitale Alger, où les magistrats ont la gâchette facile, les prévenus ont comparu, jeudi dernier, devant un juge d'instruction, qui a aussitôt activé l'article 87-bis du code pénal en lien avec les questions terroristes, pourtant décrié par deux rapporteurs de l'ONU depuis son adoption en 2021. Si Me Sofiane Ouali, membre du collectif d'avocats des détenus du Hirak, a été remis en liberté, le jeune lycéen Yuva Menguellet, un lanceur d'alerte de 16 ans documentant la situation des détenus d'opinion sur Facebook, fait partie des personnes placées sous contrôle judiciaire. En décembre dernier, Mary Lawlor, rapporteur spéciale de l'ONU sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme, a estimé que «la législation actuellement en vigueur est utilisée pour limiter et sanctionner le travail des défenseurs de droits de l'Homme», en ce sens que «la définition du terrorisme dans cet article est si vague et si large qu'elle laisse aux services de sécurité une grande marge de manœuvre pour arrêter les défenseurs de droits de l'Homme.» Les militants kabyles sont arrêtés depuis le 15 juin, dans le sillage de la visite du chef de l'Etat Abdelmajid Tebboune dans la région. Pour protester contre leur arrestation injustifiée et les violentes perquisitions des domiciles de leurs familles, ils ont observé une grève de la faim, qui a valu à l'universitaire Mira Moknache d'être évacuée vers l'hôpital, d'après le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). À l'approche de la présidentielle du 7 septembre, la Kabylie fait face à une vague répressive sans précédent, d'ailleurs comme le reste du pays. Mais, cette région, plus particulièrement, focalise la colère et l'invective du régime algérien, parce qu'elle a crié haut et fort le rejet de sa politique discriminatoire contre les populations locales. Les militants sont exposés en permanence aux perquisitions, à la torture, aux procès iniques et aux restrictions de mouvement, entre autres. La répression a redoublé d'intensité depuis la proclamation par le gouvernement en exil de l'indépendance de la Kabylie, le 20 avril, devant le siège des Nations unies à New York.